Le 26 mars 1991, le peuple malien dans un sursaut collectif a mis fin à la dictature monopartite de l’Union démocratique du peuple malien (UDPM) dirigée par le Général Moussa Traoré en vue d’instaurer le pluralisme politique et l’état de droit, de moraliser la vie publique (assainissement de l’administration civile et militaire ou des finances publiques ou «kokadjé», d’assurer la participation et le contrôle populaires sur la gestion des affaires publiques, d’améliorer les conditions matérielles et sociales des populations.
Malheureusement depuis trois décennies, les régimes successifs qui ont pris le pouvoir ont tourné le dos aux idéaux de Mars 91. Ils ont renforcé l’orientation libérale et extravertie de notre société.
Les Politiques d’ajustement structurel se sont poursuivies, se sont diversifiées et se sont systématisées. Elles se sont étendues jusqu’aux secteurs stratégiques et de souveraineté (éducation, santé, énergie, mines, banques, communications). L’État du Mali a été dépossédé de son statut de maître d’œuvre des politiques économiques et sociales.
Notre économie se trouve désormais régulée par les forces du marché. Les privatisations et les liquidations de nos Sociétés et Entreprises d’État se sont intensifiées avec leur cortège de licenciements abusifs, de souffrances et d’humiliations au nom du libéralisme et de la mondialisation. La corruption est érigée en mode de gestion politique et économique. Les cartels mafieux s’installent, transforment notre pays en une plaque tournante du trafic de la drogue, de l’or, des armes et une base arrière des mouvements islamiques terroristes.
La connexion de plus en plus ouverte entre certains agents de l’État avec la criminalité transfrontalière et la grande délinquance, l’institutionnalisation de l’impunité, la remise en cause des acquis du 26- Mars (libertés individuelles et collectives, droit de manifestation), la répression sauvage des luttes sociales ont fini d’achever le processus de délitement et de décomposition avancée de l’État national. Cette gestion catastrophique a entraîné une crise politique, institutionnelle sans précédent entraînant l’effondrement de l’État et sa mise sous tutelle complète de la communauté internationale qui l’encadre sur le plan institutionnel et même dans sa gestion administrative.
Dans ce nouveau contexte, les sociétés minières étrangères trouvent l’occasion rêvée pour s’enrichir davantage face à un État dont l’existence est devenue fantomatique. En effet, agissant sans aucun contrôle sur le terrain, elles intensifient le pillage des ressources naturelles par des opérations d’extraction tous azimuts des ressources naturelles au mépris des normes techniques et démocratiques internationales.
Les conséquences sont: la destruction de la santé des populations résidentes, de l’environnement, de la biodiversité, des ressources vitales et des patrimoines culturels des communautés locales, l’accaparement de leurs terres ancestrales, les violations de leurs droits humains, leur exclusion et l’impossibilité pour elles de construire leur avenir.
Le Cercle de Kéniéba en offre l’exemple le plus emblématique. Le fleuve Falémé et les nombreux cours d’eau qui l’alimentent ressemblent désormais à de gigantesques mines à ciel ouvert. Le dragage les a transformés en montagnes de boue qui s’étendent le long du cours d’eau sur plus d’une centaine de kilomètres.
Grâce à leurs outils ultra- modernes d’exploitation et l’impressionnante logistique qui l’accompagnent (camion-citerne, motos, tricycles, bulldozers, dépôts de carburants, appareils de détection, etc.), adossés à une parfaite connaissance des zones qu’ils ont investies, détenant des moyens financiers énormes, les exploitants chinois ont sérieusement bouleversé l’organisation sociale et le système de fonctionnement de l’orpaillage artisanal dans la région.
Avec l’argent, ils ont mis en place un système de corruption qui fonctionne à merveille: de nombreux Tombolomas, chefs de village ou Conseillers des Communes de Faléa, Dabia, Faraba et Dialafara sont entre leurs mains. Ils ont réussi également à corrompre des cadres administratifs, des élus et acteurs citoyens du Cercle. Leur déploiement sur le terrain, surtout dans les zones minières, s’accompagne de l’achat massif des terres situées le long des cours d’eau ou du fleuve qui leurs sont illégalement cédées par des maires, Chefs de village ou leurs conseillers.
En quelques années d’exploitation forestière dans le Cercle de Kéniéba, les exploitants chinois de bois auraient réalisé plus de 800 milliards de F CFA de bénéfice ! Quant à l’exploitation de l’or (étendue à d’autres minerais comme le diamant), les entreprises estimées à plus de 70, gagneraient en moyenne par jour, plus de 38 milliards de F CFA !!! Plusieurs noms d’anciens ministres ou de ministres du Gouvernement de Transition sont cités par les populations du Cercle de Kéniéba comme les complices et alliés de première main des Chinois. Des investigations plus poussées permettront sûrement d’en savoir davantage.
Aujourd’hui, il est nécessaire de dissiper les illusions sur la capacité de l’État à faire face à la crise scolaire, à la poussée des revendications catégorielles, à la cherté de la vie, à la lutte contre la corruption et la délinquance financière, et surtout à la partition programmée du Mali avec les Accords d’Alger. Le Gouvernement de Transition ne fait pas mieux. Aucune approche de rupture pouvant espérer une sortie de crise de notre pays !
Aujourd’hui, la lutte de notre peuple est:
– de faire réviser l’Accord de paix afin de l’adapter aux dispositions de notre Constitution, conformément à la décision prise par le Dialogue national inclusif (DNI) dans le cadre d’un accord politique consensuel;
– d’accroître le soutien populaire à nos dignes soldats qui se sacrifient tous les jours à la sauvegarde de la Nation malienne et de son État unitaire;
– d’exercer un contrôle citoyen, populaire et démocratique sur l’utilisation par le Gouvernement, des ressources publiques allouées aux efforts de guerre et au renforcement des Forces armées maliennes (FAMA);
– d’exiger que la chaîne de commandement de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) soit transférée aux hiérarchies militaires des pays membres du G5 Sahel pour plus de responsabilité africaine et de sécurité dans la région;
– de mettre en place un régime responsable et capable de défendre et promouvoir les intérêts du Mali et de tous les Maliens qui seront traités sur le même pied;
– de faire respecter la souveraineté du Peuple Malien;
– de Restaurer la souveraineté de l’État malien sur l’ensemble du territoire national et dans la gestion des affaires publiques au Mali.
Gloire éternelle à nos martyrs !!!
La lutte continue, nous vaincrons !
Nouhoum KEITA, Journaliste
Source : Inter de Bamako