Tout le monde ou presque s’en offusque publiquement sauf les députés eux mêmes. Il y a de quoi, ces taux mirobolants les arrangent mais saignent le budget national. Qui doit demander leurs révisions ?
Ce n’est plus un tabou. Tous les Maliens qui écoutent les radios ou lisent les journaux savent combien un député Malien, de la 3è république, gagne par mois, par an et en cinq ans. L’information sur les émoluments du député Malien sont allées au-delà des canaux ordinaires, c’est maintenant, même sur les réseaux sociaux. Ce ne sont pas les journalistes seulement ou les chercheurs qui ont divulgué l’avoir des représentants du peuple. Pour battre campagne contre un adversaire, un député sortant a fait des révélations inattendues et ahurissantes sur les indemnités et même le gain global pendant un mandat. Avant d’en arriver aux chiffres, comment ils sont arrivés là ?
La 3è république a commencé par le pouvoir de l’Adema PASJ. Le parti au pouvoir avec un candidat élu et ses alliés ont dominé l’hémicycle, son bureau et ses démembrement pendant deux mandats de cinq ans chacun. Le Pr Aly N. Diallo était le président de l’Assemblée nationale. De l’avis d’un député Adema, sur le plateau de Africable télévision, ils (les responsables Adema et députés) ont plafonné l’avoir d’un député à 500 000 CFA par mois, je comprends toutes charges confondues. Après ces deux mandats, il y a eu l’ère ATT, candidat indépendant soutenu et élu par l’Adema PASJ avec toujours une majorité relative à l’Assemblée nationale, le Rassemblement pour le Mali, RPM était la première force politique à l’Assemblée. L’alliance de l’Adema avec le RPM pour avoir une majorité confortable a conduit certainement à un deal qui a placé Ibrahim Boubacar Kéïta, IBK, président du RPM à la tête de l’Assemblée nationale. C’est delà que tout est parti. Pour tous ceux qui ont suivi le parcours de IBK n’ont pas été surpris de le voir demander plus de conditions de travail et de vie pour les députés. Fort de son poids politique de l’époque, IBK demande et obtient une majoration exceptionnelle du salaire et des indemnités des députés, des présidents de groupes parlementaires et des commissions ainsi que les indemnités des membres du bureau et du président de l’Assemblée nationale. Les émoluments sont passés du simple au double. Puis que ces dérogations budgétaires étaient à la faveur des députés, aucune voix ne s’est levée pour dire que c’est trop. Quand les informations, notamment celle du Pr économiste chercheur Etienne Fakaba Sissoko sont étalées dans les journaux de la place sur le coût de nos institutions, beaucoup de Maliens ont commencé à être regardant sur le salaire et les indemnités des députés selon leur rang. La dernière révélation est celle du député sortant qui affirme, entre les deux tours des législatives 2020 et sans ambages qu’un ‘’député Malien gagne plus de 600 millions de FCFA pendant une législature’’. 600 millions CFA en cinq ans équivaut en moyenne à 100 millions de FCFA chaque année. Que cela soit une exagération, mais les détails sur les émoluments des députés font de ses représentants du peuple des princes dans un royaume de taudis : 400 000 FCFA de salaire, 300 000 CFA d’indemnités de carburant, autant pour le logement, 250 000 CFA pour le téléphone, 400 000 CFA de frais de mission par jour… Les indemnités dépassent de loin le salaire. Au même moment, les enseignants vont en grève et n’obtiennent que 10 000 CFA pour des primes de documentation et 20 000 CFA pour le logement. Ridicule.
Qui doit demander ou instruire la révision de ces indemnités ?
A priori, ce sont les députés eux-mêmes qui doivent demander la réduction de leurs indemnités. Si réellement, ils sont conscients de la situation en générale de leur pays et de celle actuelle en particulier, les députés ne doivent même pas se faire rappeler ou se faire prier pour cet engagement patriotique. Mieux que les députés, c’est le Président de la république, lui qui est à l’origine de cette hémorragie financière pour soit disant les meilleures conditions de vie et de travail des députés, qui doit agir fermement dans le sens de la révision des textes qui gèrent les émoluments des députés à l’Assemblée. Comme on le dit en bamanan :’’Bolo min ye si don môla, o bolokelen de b’abô’’ (la main qui nœud la ficelle est la même qui la démêle). Ce genre de pratique de gouvernance n’est pas courant surtout en Afrique où elle devait prospérer compte tenu de la situation très fluctuante de nos économies. Le Mali se bat dans des difficultés budgétaires depuis 2018 ou avant. Au lieu de donner l’exemple de réduction de train de vie, les gouvernants demandent aux gouvernés de serrer la ceinture. Le budget national souffre du poids de l’Assemblée nationale. Il est urgent de le soulager de ce fardeau.
Drissa Tiémoko SANGARE
Source : L’analyse