La feuille de route du gouvernement de mission de Boubou Cissé mentionnera en tête de chapitre l’accélération de la mise en œuvre de l’Accord d’Alger priorité numéro 1 des partenaires du Mali.
La Mission des nations unies pour la stabilisation du Mali est d’ailleurs présente dans notre pays pour cela. Tous nos partenaires s’impatientent de voir ce fameux accord connaître un début véritable de mise en oeuvre. La nomination à la tête de la diplomatie malienne d’un des opposants invétérés au document fait poser des questions sans réponse encore dans les chancelleries étrangères. Avec l’énigme Tiébilé Dramé, le Président Ibrahim Boubacar Keita, montre sa facette de fin politicien, retors, à la limite machiavélique?
C’est peut être une façon pour le Président de la république Ibrahim Boubacar Keita de répondre Ali Nouhoum Diallo en lui disant : “je vous ai compris”. L’icône de la lutte démocratique, sage révolutionnaire jamais en retard d’un avis sa chère patrie, s’était fendu d’une si longue lettre au Président de la République lui demandant de s’appuyer sur son peuple pour résister aux pressions internationales sur lui et son gouvernement dans la partie que la fameuse “communauté internationale” joue avec lui et dont tout semble indiquer un aboutissement sur une scission du pays.
Cette entreprise qui veut dépecer le Mali, a comme outil “l’Accord d’Alger pour la paix et la réconciliation du Mali” signé à Bamako le 15 mai 2015 entre des parties qui luttaient et luttent encore pour l’unicité de l’état malien et parachevé le 20 juin 2015 avec la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) formée sur les restes du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) qui avait pris les armes pour proclamer la république fantomatique de l’Azawad.
Rappelez-vous, le document que rendait public Tiébilé Dramé, début mai 2015, au moment où la “Communauté internationale” tentait vaille que vaille de convaincre la CMA que la voix de la France, RFI, qualifiait de “coordination des groupes rebelles” de venir signer l’Accord d’Alger le 15 mai à Bamako. Ce document intitulé « Au-delà de l’accord d’Alger » proposait, en une autre lecture en une dizaine de pages, une autre lecture qui préconisait l’organisation de concertations nationales inter-maliennes et un dialogue avec toutes les parties prenantes à la crise, y compris les djihadistes maliens avec à leur tête Iyag Ag Ghali.
Tiébilé Dramé, en sa qualité de principal négociateur de l’Accord de Ouagadougou signé le 18 juin 2013, accord dans lequel “les signataires renonçaient à leurs revendications indépendantiste et autonomiste et s’engageaient à reconnaître et accepter l’intégrité du territoire national, l’unité nationale du Mali, la forme laïque et républicaine de l’Etat” soulignaient à l’intention de la “communauté internationale” que l’Accord d’Alger avait été paraphé alors que le gouvernement malien et la Plateforme avaient encore des amendements à y apporter. Au moins une douzaine coté gouvernementale et une bonne dizaine côté Plateforme qui représente ce que l’on peut qualifier d’unionistes contre la CMA allègrement sentie comme séparatiste, indépendantiste ou à tout casser autonomiste.
Sans aucune nuance et avec véhémence, M. Dramé exigeait qu’une nouvelle impulsion soit donnée au processus de paix. A défaut de quoi, clamait-il : “la mise en œuvre de cet accord sera extrêmement difficile, dans la mesure où de nombreuses dispositions de cet accord sont interprétées par bien des Maliens comme contenant des germes de la division du pays. Non seulement de la division, mais de l’instabilité dans le pays.” le Journal Info-Matin, dont le fondateur Sambi Touré, membre du parti présidentiel et qui fut un temps directeur de la communication à la présidence de la République, ne prenait pas de gant pour qualifier Tiébilé d’oiseau de malheur.
Mais, depuis lors, on l’a vu les faits lui ont donné raison. Depuis lors on l’a vu, la mise en oeuvre de l’Accord d’Alger, piétine, patine à tel point que les Nations unies ont tapé du poing sur la table pour mettre l’Etat du Mali et surtout la CMA en garde contre toute velléité de ralentir l’application des mesures de l’Accord qui passe entre autre par l’adaptation de la Constitution pour ne pas dire la relecture des textes fondamentaux de la nation afin de faire démarrer cet outil complexe, compliqué et pour reprendre les termes de Tiébilé Dramé, “extrêmement difficile à mettre en oeuvre.”
Aujourd’hui ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, voilà Tiébilé Dramé face à lui-même. Lui qui a signé signé avec au nom de son parti Parena, l’accord politique avec le Premier ministre Boubou qui lui a valu ce grand retour au devant de la scène malienne mais aussi et surtout internationale avec un ministère taillé à sa mesure.
Certes l’accord politique qui a préparé son retour au gouvernement pose, à entendre ses déclarations, “les balises pour ne plus naviguer à vue” et les axes y contenus qui constitue la base du gouvernement permettront de “conduire les réformes politiques et institutionnelles”. Même si on attend ses premières déclarations en sa qualité de chef de la diplomatie malienne depuis le 5 mai, on pouvait sa sortie salle après la signature de l’Accord politique deviner la ligne directrice se son action lorsqu’il déclarait : “Ensemble, nous allons nous pencher sur l’Accord pour la Paix et la Réconciliation nationale, sur son indispensable appropriation par les Maliens.”
Une déclaration qui fait écho à ce qu’il disait au micro de Rfi il y a quatre ans presque jour jour à la veille de la signature de l’Accord d’Alger lorsqu’il parlait d’impulsion nouvelle à donner au processus de réconciliation : “il est indispensable aujourd’hui (ndlr mai 2015) qu’on donne une impulsion nouvelle au processus de paix et de réconciliation au Mali sous la forme de concertation nationale inter-malienne qui permet de malianiser le processus dit appropriation nationale, de discuter des points qui peuvent être source de conflit. Il faut qu’il y ait les conditions pour que les groupes armés du Nord se parlent entre eux, pour que les groupes armés du Nord et le gouvernement se parlent, pour que les groupes armés du Nord et la société civile du Mali, pas seulement du Nord, se parlent” prônant un consensus national pour permettre d’avancer et insistant sur “une stratégie nationale et de stabilisation du territoire.”
Très alerte dans les médias internationaux et particulièrement ceux de France, il s’épanchait alors sur les ondes de RFI et dans les colonnes des grands quotidiens comme Le Monde ou Libération n’hésitant pas qualifier “le Mali d’exportateur de l’instabilité” dans la sous région en devenant ainsi aux yeux du journal Le Londe “le plus sévère procureur du président Ibrahim Boubacar Keita.”
Mais tout cela semble désormais derrière à entendre IBK qui appelait lors du premier conseil des ministres du Gouvernement que “tout le monde soit au même niveau de compréhension, d’appropriation pour qu’on avance ensemble”. IBK invitait le Premier Ministre Boubou Cissé et ses ministres à renforcer les actions du Gouvernement pour l’apaisement du climat social et la consolidation de l’unité nationale.
Tiébilé Dramé, nationaliste éclairé doit donc mettre beaucoup de glaçons dans son verre d’eau afin de le rafraîchir car les latitudes changent des rangs de l’opposition au fauteuil de ministre de la République.
Et ce n’est pas là le seul changement à opérer. Le Ministre des affaires étrangères doit conformer et harmoniser le discours politique gouvernemental tant sur le plan national qu’international afin de mieux faire entendre les plaintes du Président de la République qui souffre surtout que la communauté internationale avec au premier rang la Mission des nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) ne voit pas les choses de la même manière que lui: aller en guerre contre les menaces contre le Mali et non stabiliser l’état du Mali.
Tiébilé Dramé qui voit Iyag Ag Ghali comme un frère alors qu’il est inscrit sur la liste des cibles prioritaires des partenaires du Mali dans la lutte contre les djihadistes et l’Accord d’Alger comme un brouillon dans le grand dialogue inclusif alors que la communauté internationale pousse pour sa mise en oeuvre effective dans sa formée paraphée et signée devra faire preuve de tous ses talents de négociateur sauver le Mali, sauver le pouvoir IBK et sauver son honneur propre. Vaste chantier.
Oussouf DIAGOLA