« Les hommes naissent tous à peu près avec les mêmes facultés et les mêmes penchants; l’éducation seule fait la différence de nos vertus et de nos talents ». Croyons-nous encore en l’Éducation dans ce pays ? La question peut paraître insultante. Mais non ! Le taux de 25,12% du résultat du baccalauréat malien de cette année 2019 démontre à suffisance la baisse de niveau des enfants d’aujourd’hui qui devront assurer l’avenir du pays. Le constat palpant qui ne fait aucun doute est le fait que l’Éducation ne figure pas parmi les priorités de la République et des familles. On semble conscient de ses enjeux et voir en elle la voie du progrès. On semble accepter qu’il s’agit d’un passage obligé, mais lequel valant tous les sacrifices faits à son honneur. Cependant, quand on s’éloigne de cet univers officiel, fait de professions de bonne foi, de chiffres douteux, et d’avancées peu ambitieuses, et que l’on plonge dans le quotidien malien, on se rend vite compte que trop de choses dites sur l’Éducation sont à prendre avec des pincettes.
D’abord, il faut constater que l’ignorance, due à une absence de toute forme de scolarité, a atteint des niveaux effrayants dans notre pays. Voir des Maliens qui n’ont été ni à l’École coranique ni à l’École laïque est fort courant. La plupart d’entre ces non-instruits se retrouvent avec une culture limitée en tout. Ils savent peu de choses sur leurs devoirs religieux, sur l’Histoire de leur pays, sur la vie institutionnelle et politique de leur État, sur le fonctionnement du monde. Combien de fois, par exemple, des jeunes en âge de voter m’ont demandé ce à quoi consiste le travail du président de la République ou du député, ou la différence entre un maire et un préfet ? Combien d’entre eux ignorent déjà leurs dates de naissance, leurs prénoms véritables, pour espérer connaître un tout petit peu de l’Histoire du Mali, vieille de plusieurs siècles, et de ses acteurs; pour espérer comprendre le contenu d’un programme politique ou les conséquences d’une crise internationale ?
Dans notre pays, ils sont nombreux à marcher sans un bagage intellectuel quelconque, devenant ainsi les proies faciles des arnaques, de la corruption, des brimades administratives, des instrumentalisations politiques et des détournements spirituels.
Ensuite, la bataille menée contre cette ignorance, si elle existe, n’a pas encore présenté des résultats probants. Aujourd’hui, le constat est que l’ignorance, après avoir vaincu les masses non-scolarisées, gagne du terrain dans les établissements scolaires. L’Étudiant qui s’exprime convenablement dans la langue qu’il a passée au moins douze années à apprendre; le lycéen apte à vous relater le Mali dans le moyen-âge ou sous la décolonisation; le petit scientifique récitant ses formules ou prenant du plaisir à les manipuler; sont aujourd’hui les perles rares.
? Combien savent-ils encore que la finalité des études n’est pas d’intégrer une élite embourgeoisée, de devenir des politiciens voleurs et sans scrupule, des médecins et hauts-fonctionnaires chroniquement corrompus, mais bien d’être source de soulagement pour ses concitoyens ?
Je soupçonne les acteurs politiques maliens de se réconforter dans l’ignorance des masses; celles qui sont manipulables et ne sont demandeuses d’aucun droit. On les endort avec les promesses, les calme avec les prétextes et les tient en respect avec les hommes en uniforme; tout en prenant le soin de détourner ou d’écarter les plus brillants parmi les jeunes qui voudront entrer dans le monde politique. Les milliards qu’ils disent investir dans l’Éducation sont à prouver, car dans notre pays, aucune université publique ne fonctionne normalement aujourd’hui : les effectifs explosifs, le mal-logement, la tenue des cours et des examens, la violence…
Aliou Touré
Source : Le Démocrate