Après la révélation de nos confrères de Jeune Afrique, la lettre confidentielle de la Cour constitutionnelle à l’ancien président de la république, Alpha Oumar Konaré, pour sa « participation entière aux initiatives en cours pour la préservation de la cohésion et de l’unité et de l’unité nationale, le vivre ensemble », confirme le vœu ardent du président IBK de voir son ancien patron lui tendre la perche, dans la gestion d’un Mali en crise. Pourquoi autant de clins d’œil à un ancien patron qui n’a pourtant pas été épargné de ses critiques acerbes, dès son entrée en fonction en 2013 ? L’appel en insistance d’IBK à AOK prouve que le régime est aux abois et incapable de résoudre les multiples défis auxquels le pays est confronté.
Incapable de conduire le navire Mali qu’il dirige, depuis maintenant six ans, à bon port, le président IBK ne cesse de remuer terre et ciel pour solliciter l’appui de son ancien patron, Alpha Oumar Konaré. Cette sollicitation par le chef de l’État des services de son prédécesseur, qui s’est pourtant imposé, depuis juin 2002, un devoir de réserve sur la gestion du pays, confirme si besoin en était, les critiques des adversaires d’IBK à son endroit, quant à son incapacité de mener le bateau Mali à bonne destination.
Dès l’échec de ses premières initiatives à Koulouba, notamment la réconciliation nationale, la restauration de l’intégrité territoriale du Mali et la révision constitutionnelle, le président IBK désemparé n’a cessé de chercher à réchauffer ses liens avec l’ancien président Alpha Oumar Konaré qu’il avait pourtant claché lors de son investiture au CICB en 2013. Ce jour, au grand étonnement de toute la salle, le nouveau président élu avait qualifié, l’ancien dictateur présent, le général Moussa Traoré, de ‘’Républicain’’, à la différence des autres anciens présidents, notamment Alpha Oumar Konaré, qui n’a pas daigné répondre à l’appel.
IBK face aux réalités du pouvoir
Après cette investiture Ibrahim Boubacar Keita devait faire face aux réalités du pouvoir face auxquelles, il laissera dissiper rapidement ses insuffisances, aux yeux des Maliens. Contrairement à ses multiples promesses, le bonheur des Maliens s’est transformé en cauchemar avec la persistance des attaques terroristes contre les forces de défense du Mali et celles étrangères avec son cortège de morts et de blessés civils et militaires. À cet effet, les multiples rapports de l’ONU sur la situation du Mali en font foi.
La corruption et la délinquance financière ont pris une proportion jamais égalée au Mali. Et pourtant, dans son discours de nouvel an 2014 à la Nation, IBK disait : « …en 2014, j’entamerai la seconde phase de mon mandat, qui sera une phase plus axée sur le redressement et le développement économique, pour le bonheur des Maliens. C’est le cap que j’ai fixé, c’est le cap que nous tiendrons Inch’Allah ». Où sont ces promesses ? En tout cas, un rapport des PTF du Mali futé dans la presse en avril dernier fait état de 741,5 milliards de francs CFA d’irrégularités financières. Il ne s’agit, selon plusieurs témoignages que d’une compilation d’irrégularités financières publiées chaque année par le Bureau du vérificateur général (BVG), depuis 2003, chargée de dénoncer publiquement les soupçons de malversations.
« Nous avons sorti ce chiffre pour mettre la pression sur les autorités. Il y a une certaine fatigue des bailleurs par rapport au Mali. Il n’y a pas d’avancées notoires sur le plan politique et la mauvaise gouvernance persiste, alors que, paradoxalement, c’est le Mali qui concentre une grande partie des enjeux de la sous-région », glisse un diplomate en poste à Bamako.
Sur le plan de la sécurité et de la restauration de l’autorité de l’État sur toute l’étendue du territoire, les actions jusque-là menées restent très timides. Et pour cause ? En plus de la région de Kidal sous le contrôle des ex-rebelles de la CMA, une bonne partie du centre du Mali s’enflamme obligeant les représentants de l’Etat à se replier et les écoles à se fermer.
C’est dans ce contexte que la révision constitutionnelle promise par les différents gouvernements du président est vouée à l’échec par ses opposants. Face à la colère de la rue, IBK recule et s’adresse à la nation. Le seul message à retenir : « Je sursois à la révision constitutionnelle ».
La persistance du boycott du DNI
Pire, l’initiative de Dialogue national annoncée depuis janvier 2019 par le président IBK, peine à trouver son chemin. Une bonne partie de la classe politique, notamment l’opposition et même des organisations de la société civile sont toujours dans la logique du boycott du DNI. Pour redresser la barre, IBK tente de recourir en vain aux bons offices de son ancien patron. Selon nos confrères de Jeune Afrique, Ibrahim Boubacar Keita et Alpha Oumar Konaré, en froid, depuis février 2000, se sont longuement entretenus dans la nuit du 12 au 13 septembre dernier, à la villa Nelson Mandela du Palais de Koulouba. La rencontre avait été préparée, dit-on, par plusieurs facilitateurs, dont Denis Sassou Nguesso et Mahamadou Issoufou du Niger.
« Pendant leur rencontre, les deux hommes ont vidé leur vieille querelle et discuté de la difficile mise en place du dialogue politique ouvert à tous, dont est chargé le Premier ministre Boubou Cissé », rapporte le confrère. L’objectif du président IBK, dit-on, est de charger AOK à convaincre l’opposition à participer au DNI.
Le faux bond de Konaré ?
Twittant sur le début des concertations dans les cercles et les 6 communes de Bamako, le ministre porte-parole du gouvernement M. Yaya Sangaré confirme à demi-mot le secret de polichinelle. Voici ce qu’il a écrit sur sa page Twitter ce lundi après-midi : « Le dialogue national se poursuit dans les cercles après la phase des communes. Les propositions des acteurs sont résumées en 5 thématiques : paix, sécurité & cohésion sociale ; réformes politiques & institutionnelles ; questions de gouvernance ; culture et jeunesse.
Néanmoins, une partie de l’opposition continue à bouder ces concertations à la base pour cause que le dialogue ne serait pas inclusif. En tous les cas, les filles et fils du pays ont commencé à se parler sans tabou et dans la courtoisie. Pour le Mali…
Le PR (ndlr : Président de la République), SEM Ibrahim Boubacar Keïta & l’ancien chef de l’État, SEM Alpha Oumar Konaré sont en phase pour convaincre tous les sceptiques à participer activement au dialogue national, une opportunité pour diagnostiquer les problèmes du pays & y apporter les réponses appropriées ».
Depuis, la phase régionale du DNI s’est déroulée dans les régions et dans le district de Bamako sans la participation de l’opposition. Pire, les médias n’ont fait aucun cas de négociation entre les non-partants au DNI et l’ancien président Alpha Oumar Konaré. L’ancien président a-t-il fait faux bond ? N’a-t-il pas été écouté par les opposants. Tout est-il que face au chao qui persiste, la Cour constitutionnelle est sortie de sa réserve, à travers une lettre confidentielle qui s’est vite retrouvée sur la place publique. En tout cas, cette lettre confidentielle de la Cour constitutionnelle sollicitant les bons offices d’AOK a été largement commentée par les réseaux sociaux. Mais, il s’agit, selon plusieurs analystes, d’une suite logique des initiatives de médiation entre les deux personnalités. La Cour, indique la lettre, « souhaite vivement votre participation entière aux initiatives en cours pour la préservation de la cohésion et de l’unité et de l’unité nationale, le vivre ensemble qui a toujours caractérisé le Malien, pour l’ensemble national y compris des générations futures afin que vive le Mali éternel que nous ont légués nos illustres devanciers ».
Ce recours du président IBK à Alpha pour lui venir en secours, est le témoignage le premier est dans l’incapacité de mener à bien sa mission de président gardien de l’intégrité territoriale du Mali en paix et du vivre ensemble. Donc, le régime manque de perspectives, de moyens, de stratégies pour faire face aux nombreuses attentes du peuple malien. Encore là, l’histoire donne raison à Alpha Oumar Konaré qui avait refusé de reconnaitre en cet homme son dauphin naturel. Toute chose qui a vite conduit, à l’époque, à la rupture entre l’ancien chef de l’Etat et son PM ; à la fin de son second mandat.
Par Sidi DAO
Source : Info-Matin