Lutte contre la corruption au Mali : Ces questions qui taraudent les esprits

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Mamoudou Kassogué
Mamoudou Kassogué

En procédant à des arrestations de certaines personnalités comme le désormais ex-président de l’APCAM, Bakary Togola, le maire du district, Adama Sangaré et éventuellement d’autres cadres dans le cadre de la lutte contre la corruption et la délinquance financière, le pouvoir IBK pourrait contribuer à se foutre le doigt dans l’œil.

Pour toute décision de gouvernance, les théoriciens de la science politique mettent l’accent sur le concept de l’opportunité de l’acte décisionnel. C’est-à-dire qu’une décision qui serait applaudie dans un contexte particulier pourrait se révéler très impopulaire à un autre moment de la vie de la nation.

En effet, la volonté même de lutter contre la corruption et de la délinquance financière est l’un des axes prioritaires du régime IBK, à son avènement dès le 4 septembre 2013. Et le nouveau président de la République, dans un discours fortement applaudi, ce jour-là, au CICB, annonçait une tolérance zéro contre « tout enrichissement indu sur le dos du peuple ». Mais, de 2013 à 2018, son premier mandat, la courbe de la corruption et de la délinquance financière a été plutôt ascendante. Les tenants du nouveau pouvoir se sont bougrement enrichis à travers plusieurs marchés. Et les scandales financiers ont longuement défrayé la chronique : affaires de l’avion présidentiel, des équipements militaires, des engrais frelatés, des 1000 tracteurs, pour ne citer que celles-là.

Et dans ces différentes affaires, en particulier pour l’avion présidentiel et des équipements militaires, le Mali a même été sanctionné un moment par un bref gel de la coopération avec le FMI, qui avait exigé des sanctions pour cette gestion approximation de nos finances publiques. Aucune sanction véritable n’est survenue. Et dans ces affaires, les deniers publics étaient directement concernés et n’ont pas transité par une structure d’utilité publique comme le cas des ristournes des motoculteurs, octroyés par la CMDT à  l’APCAM.

Le chef de l’Etat était apparu en ce moment comme plombé, voire hypnotisé dans sa volonté de sévir contre la mauvaise gouvernance. Ses proches collaborateurs d’alors étaient cités dans l’affaire de l’avion présidentiel et celle des équipements militaires, dont le dossier serait récemment classé sans suite.

De même, dans l’affaire fraîche des « avions cloués au sol », il est à noter qu’au jour d’aujourd’hui, aucun cadre, ni militaire, ni civil n’est aux arrêts, malgré les auditions. Et la mise en place récente d’une Commission parlementaire d’enquête pour ce dossier apparaît comme une volonté de dispersion. Car, de tout temps, les commissions parlementaires n’ont permis d’aboutir à des procédures judiciaires conséquentes. Les événements de Kidal de mai 2014 et la gestion de la crise du Nord par le président ATT (soupçonnée de haute trahison) confiés à des commissions de députés n’ont rien donné de conséquent !

L’on se retrouve donc dans une situation où les faits les plus graves et les plus frais (concernant aussi plusieurs milliards de Francs CFA) semblent relégués au second plan par le Pôle économique et financier, dans sa volonté (dictée par le pouvoir) de lutter efficacement contre la corruption et la délinquance financière.

Par ailleurs, la question de l’opportunité de la procédure de poursuite des délinquants financiers présumés se pose avec acuité. Pourquoi le pouvoir IBK a-t-il choisi de sortir de sa dormance du premier mandat pour sévir contre le fléau durant son second mandat ? La pression des partenaires du pays a-t-elle été décisive ? IBK a-t-il choisi maintenant de payer en monnaie de singe des cadres politiques qui l’avaient soutenu ? Y a-t-il des mobiles politiques en particulier derrière l’incarcération du maire du district, vice-président de l’ADEMA que d’aucuns disent très proche de l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga ? Comment expliquer que le dossier d’Adama Sangaré qui date de 2010, sous ATT, et c’est maintenant qu’il s’éclot pour envoyer l’édile en prison ? Quid de Bakary Togola, que l’on dit détenir une fortune hautement profitable à tout potentiel candidat à l’élection présidentielle ?

Etant entendu que la gouvernance du pays est loin d’être satisfaisante, le chef de l’Etat voudrait-il redorer son blason en donnant un coup de pied dans la fourmilière du cambouis de l’enrichissement indu ? A-t-il pensé aux conséquences sociopolitiques de ces procédures judiciaires, qui semblent plutôt sélectives aux yeux de nombreux Maliens ?

L’on a beau gloser sur l’indépendance de la justice, mais nul n’ignore que le ministre de la Justice est un employé du chef de l’Etat. Dans le cas malien, où IBK a annoncé qu’il « ne protégera personne », l’on ne croira en ce renouveau judiciaire que quand des proches se retrouveront aussi en prison.

Boubou SIDIBE

Source : Maliweb

 

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