#BenbereVerif : un audio hors contexte pour soutenir la duplicité supposée de Barkhane

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Depuis quelques jours, un ancien audio circule et est exploité pour soutenir la thèse de la duplicité supposée des forces françaises de Barkhane. Benbere a vérifié et explique pourquoi l’audio a été décontextualisé.

La question que l’on se pose, désormais, est celle de savoir pourquoi les sociétés minières ne paient pas leurs impôts et exercent, dans notre pays, en toute impunité. Qui les couvre ? Est-ce à cause d’agents véreux ? Est-ce au niveau du ministère des Finances ou est l’œuvre du patron des impôts ? Nombre d’observateurs estiment que seul le directeur général des impôts peut encourager, soutenir et couvrir de tels agissements.

Depuis plusieurs jours, l’audio d’une conversation téléphonique entre des soldats de l’armée française Barkhane et un (ancien) officier de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), groupe signataire de l’accord pour la paix, fait le tour de la toile malienne. L’élément est présenté par plusieurs internautes comme « la preuve que la France donne les positions des forces armées maliennes à leurs ennemis », ou qu’elle est « en complicité avec les rebelles touaregs pour empêcher l’armée de rentrer à Ber. » Nous avons vérifié et le contexte est largement différent.

Tout d’abord, ce n’est pas un audio truqué. Il s’agit par contre de deux appels distincts, mis bout à bout, pour donner un seul élément sonore. Dans le premier appel (jusqu’à 1m25), on entend l’officier de la CMA dire au militaire français qu’ils ont « appris que les FAMa vont rentrer à Ber », localité situé à 60 km de Tombouctou, dans le nord du Mali. L’officier de la CMA met même en garde : « C’est trop dangereux pour les FAMa s’ils s’approchent de Ber. » « Je vais contacter le capitaine pour lui dire qu’il faut que vous vous rassuriez qu’ils ne rentreront pas dans Ber », réplique le soldat français. Tout en précisant à deux reprises : « Mais ce n’est pas moi qui commande les FAMa. »

Il y a ensuite un second appel où, cette fois, un autre soldat de Barkhane rassure l’officier de la CMA pour lui dire qu’il a pu contacter le commandement de l’armée malienne et que les FAMa n’envisageaient pas de rentrer à Ber. Elles seraient plutôt sur le chemin de retour vers la ville de Tombouctou.

« Sentiment anti-France »

Dans l’audio, il n’y a vraiment rien que l’on puisse présenter comme preuve pour démontrer une complicité supposée de l’armée française dans les attaques contre l’armée malienne. Cependant, ce qui suscite des interrogations, c’est pourquoi c’est à l’armée française que s’adresse la CMA pour savoir si l’armée malienne va rentrer dans Ber ou pas. Et surtout, pourquoi l’armée malienne ne peut pas rentrer dans cette localité à cette période.

Il est bien difficile de trouver la date exacte de ces appels. Mais en 2016 déjà, les mêmes fichiers audios avaient fait le tour de WhatsApp. Ils ont été remis au goût du jour ces derniers temps pour accentuer le sentiment « anti-France » palpable au Mali depuis quelques temps. D’après plusieurs sources à Ber et au sein de la CMA que Benbere a contactées, l’audio date effectivement de 2016, soit un an après la signature de l’accord pour la paix et la réconciliation et deux ans après la visite du Premier ministre Moussa Mara à Kidal, soldée par de lourds affrontements entre la CMA et l’armée malienne.

C’était donc une période de vives tensions entre les ex-rebelles et l’armée malienne. Et Ber faisait partie des localités entièrement contrôlées par la Coordination des mouvements de l’Azawad, qui n’acceptait donc pas la présence des forces maliennes. Des manifestations hostiles à la présence de l’État y ont été tenues à de nombreuses reprises et le drapeau malien souvent brûlé.

Tensions et menaces

Mais, pendant la même période, l’armée française menait souvent des patrouilles conjointes avec l’armée malienne dans la zone. C’est dans le cadre de ces opérations que les deux armées se sont rapprochées donc de Ber, fief de la CMA. « Les ex-rebelles pensaient que l’armée française était en train de ramener les FAMa à Ber. D’où cette tension quand ils ont aperçu les véhicules de l’armée malienne à une dizaine kilomètres », explique une source à Ber, qui nous a aidé à vérifier le contexte de l’audio.

Par la suite, la situation se tend même entre Barkhane et la CMA. Et les forces françaises avaient commencé à déplorer la situation en allant jusqu’à menacer les ex-rebelles. « On se déplace où l’on veut, quand on veut et, si besoin, accompagnés des Forces armées du Mali. Ceux qui se mettraient en travers de notre route ou de celle des FAMa pourraient être considérés comme des ennemis. », avait mis en garde un officier de Barkhane dans l’hebdomadaire Jeune Afrique.

Audio décontextualisé

Par ailleurs, nous avons pu identifier l’officier de la CMA, qui parle au téléphone et qui a probablement enregistré l’appel. Après des vérifications auprès de multiples sources locales et des responsables militaires de la CMA, il s’agit de Salim Ould Mbekhi du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), groupe membre de la CMA. Il a, plus tard, intégré le Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) où il menait des patrouilles conjointes avec l’armée malienne dans la région de Tombouctou. Il a été tué le 9 septembre 2018 à Tombouctou.

En conclusion, l’audio bien que réel a été sorti de son contexte. Et en écoutant bien l’élément sonore, à aucun moment il n’a été question de « montrer les positions des FAMa aux terroristes. » Ça ne prouve pas non plus que Barkhane a empêché l’armée de rentrer à Ber. Il y avait un contexte tendu entre les ex-rebelles séparatistes et l’armée malienne qui empêchait le déploiement de cette dernière dans une localité comme Ber, alors entièrement contrôlée par la CMA.

Par Petit Peulh

Source : benbere

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