L’ancien ministre de la justice, puis du Domaine de l’Etat, Mohamed Aly Bathily, l’un des rares hommes politiques à faire le déplacement à Kidal le week-end dernier pour le 4ème congrès du MNLA, a sévèrement critiqué la gestion du pays par Bamako. Son hôte, Billal Ag Achérif accuse les autorités maliennes d’être les premiers responsables de la lenteur dans la mise en œuvre de l’accord de paix et de réconciliation.
Habillé, comme on peut le voir, en boubou Touareg avec un turban autour de la tête jusqu’au coup, debout devant un pupitre couvert du drapeau séparatiste de la coordination du mouvement de l’Azawad, l’ancien ministre n’a pas tenu un discours de langue du bois. D’abord, Mohamed Aly Bathily a exprimé sa considération respectueuse à l’honorable Mohamed Ag Intalla Aménokal, les autorités religieuses et traditionnelles de l’Adrar des Ifogas qu’il a congratulé pour l’accueil choyé et entretenu. Puis vient le moment d’aborder les sujets qui divisent le reste du pays et cette partie du Mali contrôlée par les groupes armés.
« Moi je suis de Kayes et vous de Kidal, je suis dans le même Etat que vous lorsque nous sommes gouvernés par la même loi, sinon nous ne serons pas dans le même Etat. Mais cela dit, les particularistes, les différences culturelles et régionales qui constituent la trame de l’Etat sont à prendre en compte », a indiqué Bathily, qui explique pourquoi il a voulu rapprocher de ses frères de la CMA. La défaillance de l’Etat à répondre aux aspirations des populations semble faciliter le rapprochement entre cet homme politique et les responsables de la CMA. « Je l’ai toujours clamé haut et fort que l’Etat du Mali que nous avons connu a failli et ne remplit plus sa mission. Parce que l’Etat du Mali veut nous gouverner hors de la loi, par la corruption. La corruption sévit partout et il nous appartient tous de mener ce combat. Le combat de la guerre si nous l’avons obtenu, ce n’est pas encore fini. Il faut gagner le combat de la victoire, le combat de la paix est la seule qui vaille », a dénoncé Mohamed Aly Bathily. Lequel poursuit qu’à Bamako, ‘’ toutes les perceptions, tous les discours de l’intérêt collectif et public sont opérés par la corruption et l’appât du gain ». A l’entendre, dès qu’il y a de l’argent, les mensonges commencent et continuent à faire leur trame pour masquer la réalité, et accroitre toutes les difficultés de gouvernance. « Il n’y a pas de mauvaise gouvernance au Mali, il n’y a tout simplement pas de gouvernance au Mali », a-t-il fulminé sous les applaudissements nourris des congressistes du MNLA.
Par rapport à l’accord pour la paix et la réconciliation, l’ancien ministre de poursuivre qu’il a toujours dit dans son intervention à la radio et à la télé que vraiment ce document n’a pas encore trouvé de lecteur à Bamako. Ainsi, il estime que les Maliens doivent continuer ensemble à chercher l’application de l’accord et non à déchirer ce qui, selon lui, n’a pas encore été lu. « On ne peut déchirer ce qui n’est pas été lu », a déclaré Bathily, ajoutant qu’il été dans le gouvernement et personne ne lui a jamais donné l’accord pour qu’il le lise. Il soutient qu’il n’y a jamais de réunion pour qu’on lise l’accord de paix, encore moins son partage au cours d’un forum aussi grand que celui-là. Lequel se demande de savoir la destination des fonds qui ont été mobilisés pour que cet accord soit appliqué. « Peut-être il faudrait faire un audit », a-t-il conclu.
Quant au secrétaire général de la CMA, Billal Ag Achérif, la lenteur dans la mise en œuvre de l’Accord, a favorisé une insécurité de plus en plus inquiétante. « Nous appelons le gouvernement du Mali à arrêter de miser sur l’usure et l’enlisement de la situation dans le souci de se dédouaner de son rôle de premier responsable dans la mise en œuvre de l’accord qui est l’unique opportunité pour une paix durable au Mali », a interpellé le chef du MNLA. Avant de poursuivre qu’une telle posture n’est pas de nature à calmer une situation déjà explosive, « l’heure est venue de dépasser tout statuquo préjudiciable à la paix ».
Par ailleurs, il dira que le projet de société porté par le MNLA est l’expression d’un cumul de maux dont ont souffert les populations de l’Azawad depuis la colonisation. Pour lui, le conflit opposant l’Azawad et le Gouvernement central de Bamako est éminemment politique. Il soutient que cette dimension n’a jamais été sérieusement prise en compte dans les processus de mise en œuvre des différents accords conclus. Billal Ag Achérif a dénoncé à cette circonstance les interférences d’intérêts géopolitiques inavoués de différents acteurs qui, selon lui, ont toujours mis à mal l’aboutissement d’une solution adaptée et durable. En attestant que la lutte du peuple de l’Azawad pour ses droits politiques n’a bénéficié jusqu’ici d’aucun soutien politique de la part de l’Etats et d’organisations étrangères, contrairement à d’autres luttes similaires ailleurs dans le monde.
Siaka DIAMOUTENE
Source : Maliweb