Les révélations de l’Agence PANA selon lesquelles, la compagnie pétrolière française « Total » est actuellement en phase d’exploration au Mali est une information à ne pas négliger. Elles confirment l’inquiétude des maliens qui ont toujours pensé que depuis le lancement de l’Opération Serval au Mali, la France mène des recherches pétrolières dans les bassins de Taoudéni.
À quand le retour des forces armées maliennes (Fama) à Kidal. En tout cas, il y a environ 5 ans (20 juin 2015) que l’accord d’Alger pour la paix au Mali a été signé entre les autorités de Bamako et les groupes armés du Nord. Mais toujours est-il que l’armée républicaine du Mali encore moins l’État ne peut fouler le sol de Kidal. Mais pourquoi ?
Selon des sources autorisées, la France acheminerait chaque jour dans la région de Kidal des matériels d’exploration. En effet, la compagnie française « Total » mène des activités exploratoires sur deux blocs, notamment le Ta 29, dans le bassin de Taoudéni aux confins des frontières avec le Mali et l’Algérie. Selon les explications d’un responsable d’exploration mauritanien, Amir Kabbej que l’Agence PANA a contacté en marge de la Conférence et exposition sur les secteurs miniers et pétroliers en Mauritanie, la Société mauritanienne de Gestion du Patrimoine Minier et Pétrolier (SM GPMP) en partenariat avec la Sonatrach, l’International Production And Exploration Corporation (SIPEC), une entreprise algérienne, mène des recherches.
Également, la compagnie « Total » est engagée dans une campagne off-shore dans le bloc 9, en partenariat avec la Société mauritanienne de gestion du patrimoine minier et pétrolier (SMGGMP).
Toutefois, dans le système français, la phase d’exploration doit suivre une procédure rigoureuse. Déjà, la compagnie Total associée à la Société pétrolière mauritanienne (SM GPMP) et la multinationale algérienne (Sonatrach), a dû obtenir un permis exclusif de recherche pour mener la prospection. Une fois la phase exploratoire terminée, les partenaires devront conclure un contrat d’exploitation qui impliquera au moins trois ministères (Économie, Affaires étrangères, Défense).
Le régime en principe mis en œuvre est celui de la concession, au terme duquel pendant une période déterminée et moyennant une redevance basée sur les volumes extraits, la société (ou le groupement) concessionnaire est propriétaire des hydrocarbures.
La production pétrolière d’un pays n’a pas de réelle incidence sur le prix des carburants dans cet État. Le pétrole extrait est destiné au marché international, et les cours du baril établis par les marchés directeurs sont suivis par les bourses du monde entier. À caractéristiques identiques, les prix du brut sont globalement invariants. La seule variable hors fiscalité est le coût du transport, malgré tout marginal dans le prix des produits raffinés.
Tout dépend, en réalité, de la politique fiscale du Mali et de l’importance des taxes dans la construction du prix à la pompe. En Europe par exemple, alors que la Grande-Bretagne et la Norvège sont des pays producteurs, le prix du litre de gazole y est plus cher à la pompe qu’en France. Et c’est exactement cette politique qui sera projetée au Mali. Pour la France, l’approche est bien différente. Le pétrolier paie un loyer à l’État qui lui a concédé l’exploitation. En plus, il existe un certain nombre de redevances qui vont aux communes où fonctionnent les installations (17,5%), aux communes d’extraction (20%), à un fonds national de répartition (27,5%) et aux conseils généraux des régions d’extraction (35%). Jackpot donc pour le pays de Macron, qui vient d’ailleurs de modifier son code minier en prévision de l’exploitation au Mali! Ainsi, si l’hypothèse se concrétise, les bénéfices qui seront tirés de l’exploitation pétrolière permettront de réduire la facture pétrolière de la France, déficitaire de près de 48 milliards d’euros.
Depuis 2012, la compagnie française « Total » a obtenu de nouveaux permis d’exploration pétrolière dans un Sahel prometteur … agité par Aqmi et les touaregs.
Fleuron des entreprises françaises, le Groupe Total pèse 189 milliards d’euros. Il emploie près de 100.000 personnes dans le monde. Et opère sur tous les continents. Ou presque. En 2011, il a réalisé un bénéfice net d’environ 11 milliards d’euros. Mais depuis le décès, en 2014 de son patron, Christophe De Marjorie dans un accident d’avion à Moscou, l’avenir du Groupe s’annonce incertain. Le Mali dispose de cinq bassins sédimentaires, qui se divisent en 29 blocs de prospection. Mais les travaux n’auraient avancé qu’à Taoudéni sur le bloc Ta 29. Sous ATT, des licences d’exploration avaient été accordées aux multinationales. Aux fins de lancer l’exploration, mais aussi, l’exploitation du pétrole malien. Les recherches étaient, tellement, avancées que le premier baril du pétrole malien était prévu en 2010. Avant d’être reporté en 2012. Mais l’occupation des régions du nord, en janvier 2012, par les groupes armés, et le coup d’État du 22mars, ont fait capoter ce projet.
Des licences distribuées à tour de bras sous la transition de 2012
En dépit de la crise sociopolitique, le Mali a toujours nourri l’espoir d’exploiter son pétrole. Une semaine avant l’élection présidentielle de 2013, qui s’est soldée par la victoire d’IBK, le gouvernement de transition a distribué des licences pour l’exploration du bassin pétrolier de Taoudéni. C’était à l’issue de son dernier conseil des ministres.
Les blocs 21 ET 28 sont revenus à la compagnie irlandaise Circle Oil And Gas Ltd. Et le bloc 4, à la société tchèque New Catalyst Capital Investment.
Opérant déjà au Maroc, en Égypte et en Tunisie, Circle Oil Ltd est autorisée à « effectuer, pour son compte, sur les blocs 21 et 28 du bassin de Taoudéni, les activités de recherche d’hydrocarbures et, en cas de découverte de gisements commercialement exploitables, les activités d’exploitation », indique le communiqué du conseil des ministres d’alors.
La société Circle s’est engagée, en contrepartie, à investir au minimum 6,5 millions de dollars dans le bloc 21 et 3,9 millions de dollars dans le bloc 28.
Quant à la compagnie tchèque, New Catalyst Capital Investment, inconnue dans le secteur des hydrocarbures, elle a obtenu carte blanche pour la recherche, l’exploitation, le transport et même le raffinage des hydrocarbures liquides ou gazeux sur le bloc 4 du bassin de Taoudéni. Elle a promis d’y investir 69 millions de dollars.
Comme on le voit, le Groupe pétrolier français, Total, ne figure nulle part sur la liste officielle des multinationales autorisées à mener des activités exploratoires dans les bassins sédimentaires de Taoudéni. Du moins, pas officiellement. Une seule question, désormais, sur toutes les lèvres : qui a autorisé Total à explorer le bloc 29 Ta du bassin pétrolier de Taoudéni ? Qui a signé l’autorisation ? Autant de questions toujours sans réponse.
Mais selon les explication du responsable d’exploration mauritanien, Amir Kabbej (généralement dans le secret des dieux) que l’Agence PANA a contacté en marge de la Conférence et exposition sur les secteurs miniers et pétroliers en Mauritanie, le Groupe français, Total, serait en train d’explorer les bassins pétroliers de Taoudéni. Certainement, avec « l’autorisation » des autorités maliennes.
Du côté du ministère des Mines, le silence est assourdissant. Jugée gênante, la question est balayée du revers de la main. Partout, la réponse, le même refrain : «Nous ne sommes pas au courant ! ».
Intervenue, militairement, le 11 janvier 2012, pour stopper l’avancée des jihadistes vers le sud, la France se voit attribuer des licences d’exploration, voire d’exploitation, du bassin pétrolier de Taoudéni. Sans débourser le moindre euro. Contrairement aux multinationales, dûment, mandatées. Et, plus grave, sans en informer les Maliens, propriétaires légitimes de ces gisements.
On ne regrette d’avoir choisi la France, que lorsqu’il est trop tard !
Jean Pierre James
Source : Nouveau Réveil