Le Mali est actuellement écarté entre trois crises majeures. A la situation sécuritaire s’est greffée la crise scolaire et une crise économique sans précédente.
Après un premier mandat (5 ans) et 16 mois après la réélection de Ibrahim Boubacar Keita, le Mali va mal. L’insécurité a atteint son paroxysme : Les 2 tiers (Nord et Centre) du territoire sont laissés à la solde des rebelles et/ou terroristes-djihadistes, des groupuscules et des milices armés… l’économie va à vau-l’eau ! La crise scolaire a, encore, repris avec des projections de grèves par le collectif des syndicats des enseignants signataires du 15 octobre 2016.
Faillite sécuritaire
En matière de sécurité ? Le président Ibrahim Boubacar Keïta a brillé par son incapacité à faire revenir la paix au Mali. Son règne est, à n’en pas douter, l’un des plus meurtriers de l’histoire du Mali.
La situation sécuritaire dans le Nord et le Centre reste préoccupante. En effet l’insécurité s’est accrue dans une grande partie du pays, et n’a pas reculé d’un iota. Et au-delà des régions du Nord qui sont sous le contrôle ou la menace constante des groupes armés dont la CMA (signataire de l’accord de paix), terroristes et djihadistes. Ceux-ci ont étendu leur terreur jusqu’au Centre et au Sud du pays en instaurant une insécurité chronique dans les régions de Ségou, Mopti, Koulikoro.
Ainsi, les régions du Nord, ainsi que le Centre sont pris en tenaille par ces nébuleuses qui s’en prennent soit à tout ce qui est représentation de l’Etat, soit aux forces opérant sur le terrain, notamment les FAMAs et la MINUSMA. Toutes ces forces, n’arrivent pas pour autant à empêcher la propagation des foyers de violences et, plus largement, dans ces régions. Mines, embuscades, attaques kamikazes, tire de mortiers, l’amplitude de ces attaques ne faiblit pas et ceux-là s’ajoutent des conflits intercommunautaires et des assassinats ciblés contre des populations civiles. La contagion d’insécurité se propage du Nord au Sud du pays dans un mouvement qui semble irrésistible. Ce phénomène a commencé, il y a plus de trois ans par l’effondrement de la sécurité dans la région de Mopti. La loi, l’ordre et ce qui restait de l’appareil de l’Etat malien dans cette région fortement peuplée se sont retirés. En outre, ces groupes règnent en maître absolu au plus grand désarroi des populations.
La situation explosive dans la région de Mopti n’a pas reçu l’attention nécessaire et le traitement adéquat d’un pouvoir qui a montré ses limites. À Bamako les autorités semblent dépasser à la fois par l’ampleur des dégâts et la tournure dramatique des évènements.
Ainsi, au fil des années (2015-2019), la violence est montée crescendo pour atteindre les pires proportions. Aujourd’hui, plusieurs localités de Mopti sont totalement ou partiellement occupées par une meute en armes, des hommes de Hamadun Kouffa, des bandits armés et milices armées qui appliquent leur loi en occupant systématiquement le terrain. Les administrateurs civils, les enseignants, les agents de santé et autres représentants de l’administration publique ont déserté une grande partie du Centre. L’Etat n’y est quasiment plus représenté qu’à travers quelques postes militaires, si éparpillés et limités sur le plan opérationnel qu’ils ne gênent pratiquement en rien les terroristes-djihadistes dans leurs actions. Les populations sont prises en otage, elles n’ont plus le droit de franchir des limites fixées par les occupants. Toute personne, soupçonnée ou accusée de collaboration avec l’administration, est sévèrement punie. Face à la situation et l’incapacité de l’Etat, les populations ont décidé de prendre leur destin en main, autrement dit se défendre par tous les moyens. Ainsi, des groupes et milices d’auto-défense, de groupuscules de règlements de comptes se créent à travers la 5èrégion. De même, s’est développée une haine accrue à l’égard de la communauté peuhle. Un Etat qui ne peut protéger les populations. Celles-ci se meurent, particulièrement les populations implantées dans les cercles de Ténenkou, Youwarou, Douentza, Bankass et Mopti. En longueur de journée, elles font l’objet d’exactions de toutes sortes : meurtres, assassinats, coups et blessures, enlèvements de bétails, vols d’engins et d’objets de valeurs de la part des rebelles, des djihadistes et autres bandits de grand chemin.
Même Bamako n’est pas épargné. La capitale, elle aussi, est en proie à une insécurité galopante. Crimes crapuleux, attaques et braquages deviennent le lot quotidien des populations de la capitale.
Marasme économique
La crise sécuritaire a eu des répercussions graves sur notre environnement économique. Les recettes de l’Etat étant principalement basées sur la fiscalité intérieure, les entreprises locales fléchissent sous le poids des impôts, des emprunts des banques, de la crise énergétique…
Il n’était plus un secret pour la majorité des Maliens que les entreprises souffrent. Même le citoyen lambda, qui n’a rien à voir avec ce secteur, chacun se plaint à son niveau à cause de l’argent qui se raréfie, le boutiquier du coin ou la vendeuse de condiments au marché se plaignent de la mévente par manque d’une clientèle introuvable.
Le véritable cri d’alerte est venu du Conseil national du patronat du Mali (CNPM), en septembre 2019. C’était au cours d’une visite du ministre de l’Investissement privé, des Petites et moyennes entreprises et de l’Entreprenariat national, Mme Safia Bolly, au siège des créateurs d’emplois et de richesses du pays. Ces derniers ont entretenu l’hôte du jour sur le marasme économique et les multiples difficultés que frappent de plein fouet les entreprises nationales. Conséquences : beaucoup sont en train de fermer boutique ou migrent tout simplement vers les pays limitrophes.
En cause, l’insécurité mais aussi d’autres facteurs conjoncturels comme le taux exorbitants des emprunts bancaires jugés comme l’un des plus élevés dans la sous-région, la crise de l’énergie et son coût prohibitif, le non-paiement de la dette intérieure ajoutée à la pression fiscale, aux agios des banques, l’insécurité judiciaire, la corruption, entre autres.
Beaucoup d’opérateurs économiques maliens disent tirer le diable par la queue, à ses jours. Plusieurs entreprises, des PME-PMI ont mis la clé sous le paillasson. Parmi elles, il y a des alimentations, boulangeries ou sociétés de négoce, de distribution.
Les conséquences de cette situation paupérisation générale sont notoires : conflits sociaux, déstabilisation des foyers, banditisme, déperdition des enfants ». Sans commentaire ! Au même moment, beaucoup d’entreprises ont été obligées de mettre leurs agents au chômage technique, ainsi des populations sont privées de leurs revenus. Pour tous, les difficultés s’accumulent. Et pourtant, le gouvernement a toujours vanté les performances de notre économie, qui est la 3ème de la zone UEMOA, avec son corollaire de 5 % de croissance. Donc la crise de trésorerie, qui est une réalité indéniable, ne pourrait résulter que de la mal gouvernance et non d’un manque de ressources financières.
Il y a aussi le coup social de cette calamité économique. En plus du manque à gagner pour l’Etat, les énormes pertes d’emplois vont déboucher sur d’autres crises sociales difficilement gérables.
Année scolaire menacée ?
En effet, les manifestations, grèves et revendications estudiantines et celles de plusieurs groupes de pression tels que les syndicats enseignants, les collectifs de vacataires et les promoteurs d’écoles privées se sont intensifiées. La tension n’a cessé de monter sur le front scolaire entre les acteurs de l’éducation et le gouvernement. Une situation qui résume à elle seule l’échec d’un président de la République qui avait pris plusieurs engagements dans le domaine de l’Education. Des engagement qui sont nullement respectés.
Aussitôt après la rentrée scolaire, le bras de fer a repris entre les enseignants et le gouvernement. La crise actuelle déclenchée depuis octobre a connu ces dernières semaines une montée d’adrénaline avec des manifestations de rues des acteurs du secteur. Un mouvement de protestation que soutiennent plusieurs couches sociales. En effet, le collectif des syndicats des enseignants signataires du 15 octobre 2016, après plusieurs grèves dont une en cours, ont battu le pavé, le jeudi 24 janvier dernier, à Bamako et dans plusieurs localités(les capitales régionales, les cercles et arrondissements). Les manifestants exigent l’application immédiate de l’article 39 de la Loi N°2018-007 du 16 janvier 2018 portant Statut du personnel enseignant de l’Enseignement secondaire, de l’Enseignement fondamental et de l’Education préscolaire et spéciale…
Mohamed Sylla
Source : L’aube