Des volontaires pour la défense du Burkina Faso, de la chair à canon pour terroristes ?

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En novembre 2019, devant la recrudescence des attaques terroristes, Roch Kaboré ordonnait le recrutement de volontaires pour défendre le Burkina Faso. Une volonté du Président burkinabè entérinée depuis le 21 janvier dernier par une loi dont plusieurs observateurs doutent de la pertinence. Analyse.

Le 6 novembre 2019, l’attaque inédite d’un convoi d’employés burkinabè de la société minière canadienne Semafo dans l’est du Burkina Faso faisait 39 morts et une soixantaine de blessés.

L’onde de choc qui s’est propagée dans le pays à la faveur de cette énième attaque a poussé le chef de l’État à réagir. Intervenant le lendemain dans une allocution télévisée sur la chaîne nationale, Roch Kaboré, en plus d’instituer un deuil national de trois jours, annonçait le recrutement de volontaires pour contribuer à la lutte contre le terrorisme.

Le Président burkinabè estime que pour défendre les «intérêts supérieurs de la nation», menacés par le terrorisme, il faut la «mobilisation générale» de tous les citoyens.

Le 21 janvier, c’est à l’unanimité que les députés Burkinabè ont adopté la loi instituant le recrutement de volontaires.

Concrètement, ces volontaires, qui doivent être âgés de 18 ans au moins, seront formés pendant quatorze jours par des experts militaires au maniement des armes et se verront inculquer des notions de conduite et de droits humains. Même après leur déploiement, ils bénéficieront toujours d’un encadrement sur le terrain pour «éviter qu’ils ne soient des milices», a assuré le ministre de la Défense Chérif Sy.

Au Burkina Faso, les avis sont très partagés sur ce recrutement de volontaires qui devront s’engager pour au moins un an, sans percevoir de rémunération. D’aucuns y voient un aveu d’impuissance du gouvernement, qui tente toutefois de désamorcer la tentation de plus en plus forte pour les populations de constituer des groupes d’autodéfense ou de légitimer ceux déjà constitués. D’autres la réponse à l’aspiration légitime des civils de contribuer à l’effort de guerre. Certains encore craignent que cette «solution en trompe-l’œil donne lieu à des actes peu recommandables qui seront perpétrés par les volontaires».

Pour ce qui le concerne, Fabrice Bamouni, secrétaire général de la Fédération des associations de Burkinabè de Côte d’Ivoire (Fedabci), a jugé «suicidaire» l’idée du recrutement de volontaires, préconisant plutôt un renforcement des moyens des forces de défense et de sécurité.

Depuis l’attaque qui a visé les employés de Semafo, la diaspora burkinabè en Côte d’Ivoire, forte de quatre millions de personnes, a décidé de jouer un rôle plus actif dans le combat que mène le Burkina Faso contre le terrorisme, notamment par un appui financier à la prise en charge des déplacés internes.

Comme Fabrice Bamouni, l’analyste politique burkinabè Siaka Coulibaly, interrogé par Spunik, juge «inapproprié» ce recrutement envisagé.

«Ce recrutement me semble inapproprié pour la situation actuelle étant donné le niveau d’engagement des forces de défense et de sécurité qui n’arrivent pas à résorber totalement les offensives terroristes. Dans ce contexte, jeter des citoyens non initiés au combat pourrait conduire à une hécatombe encore plus dramatique que celle que nous connaissons», a répondu Siaka Coulibaly.

Se prononçant également sur la question, Oumarou Koalaga, expert en sécurité et défense, contacté par Sputnik, estime que «ces volontaires seraient plus utiles dans le renseignement et non sur le théâtre des opérations».

Quant à savoir si l’expérience burkinabè de recrutement de volontaires peut éventuellement faire des émules au Sahel, l’hypothèse est pour l’heure lointaine. Le Mali, qui connaît une situation similaire au Burkina, «a plutôt choisi de renforcer les effectifs de l’armée», a souligné Siaka Coulibaly.

«Au Burkina Faso, il faut plutôt, comme l’a fait le gouvernement malien, renforcer les effectifs de l’armée, engager encore plus d’officiers supérieurs pour qu’ils soient directement sur le front et surtout les accompagner avec du matériel plus performant», a déclaré l’analyste.

En attendant l’opérationnalisation de cette campagne de recrutement, le Burkina continue de faire face à une situation sécuritaire et humanitaire toujours aussi délicate.

L’urgence humanitaire au Burkina Faso

Embourbé depuis 2016 dans une spirale de violence de plus en plus meurtrière, le Burkina Faso est devenu une cible privilégiée des groupes djihadistes qui, pour la plupart, n’opéraient jusque-là qu’au Mali voisin.

Initialement concentrées dans la région du Sahel, dans le Nord du Burkina Faso, à la frontière avec le Mali, les attaques armées se sont progressivement étendues aux régions du Nord, du Centre-Nord et de l’Est. Et les forces de défense et de sécurité (soldats, gendarmes, policiers, forestiers, etc.) semblent impuissantes à les enrayer.

Tout au long de l’année 2019, les groupes armés s’en sont pris indistinctement tant aux symboles de l’État, aux forces de défense et de sécurité qu’aux civils. L’escalade de la violence dans ce pays d’Afrique de l’Ouest est telle que rien qu’en 2019, plus de 1.800 civils et militaires ont été tués, selon Mohamed Ibn Chambas, chef du Bureau des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel.

Fin janvier 2020, l’ONU dénombrait au Burkina Faso environ 600.000 déplacés internes, ce qui équivaut à une hausse de 1.200% par rapport à la même période en 2019. Et sur ces 600.000 déplacés, près de la moitié ont fui leurs domiciles au cours des quatre derniers mois seulement.

Le drame humanitaire, en particulier dans le nord, est d’autant plus alarmant que le pays abrite depuis 2012 près de 26.000 réfugiés maliens qui ont fui leur pays, en proie à une crise humanitaire autant, sinon plus, préoccupante. Ces derniers vivent pour la plupart dans des camps dans la région du Sahel.

Dans un rapport publié le 5 février dernier, William Chemaly, le coordonnateur de Global Protection Cluster (un réseau d’ONG, d’organisations internationales et d’agences de l’ONU qui mènent des actions de protection lors de crises humanitaires) a souligné l’urgence d’agir au Burkina Faso.

«Le Burkina Faso a besoin d’une attention humanitaire immédiate à grande échelle, ainsi que du maintien et de l’augmentation des programmes actifs de paix et de développement dans les zones accessibles», a-t-il déclaré.

La situation sécuritaire et humanitaire continue d’être une préoccupation majeure alors que le Burkina Faso se prépare à une élection présidentielle en novembre 2020, la deuxième depuis la chute de Blaise Compaoré en octobre 2014 et à laquelle plusieurs candidats, dont le Président Roch Kaboré, se positionnent déjà.

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Source : Maliweb

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