Notre Mali, comme il va.. Une belle leçon venue du Portugal

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Mamadou Kouyaté, journaliste
Mamadou Kouyaté, journaliste

Moussa Maréga, footballeur professionnel malien, évoluant actuellement dans le championnat portugais, a toujours fait montre d’engagement pour ses différentes couleurs, celles de son club employeur et beaucoup pour celles de son pays, dont il a d’emblée adopté la cause, quand d’autres, davantage attentifs aux arguments pécuniaires (on ne leur fait pas grief de cela), ou préférant les raccourcis qui mènent à la gloire, ont opté pour une nationalité plus accommodante.

Les hommes de cette nature, on le sait d’expérience, ont plutôt le cœur dans la main et beaucoup d’amour pour leurs semblables. C’est ce joueur, dont tout le corps vibre de valeurs positives, qui a ‘’pété les plombs’’, ce dimanche 16 février, lorsque des énergumènes (des primates, devrait-on dire) vociférèrent des cris de singes à son intention.

Nous fûmes de ceux qui lui reprochèrent la réaction épidermique par laquelle il répondit à ces provocations d’idiots de village. Nous pensions alors qu’une réplique plus évocatrice eut sans doute été plus appropriée, comme de poursuivre le match, en continuant de produire le jeu intelligent d’attaquant dont il est capable et de les faire enrager, en marquant des buts. Leurs hululements de dépit eussent alors, définitivement, cassé leurs cordes vocales.

Le message de circonstance de Moussa Maréga, chargé de dépit mais aussi de dignité, a soulevé, à travers le monde, en tout cas dans le formidable univers du football, un tollé d’indignation à la mesure de la bêtise qui en a été le catalyseur.

Mais le soutien le plus inattendu et surtout le plus significatif est sans doute venu du président du Portugal.

Guimaraes, le 16 février 2020. Moussa Marega, joueur du FC Porto exaspéré par les insultes racistes, a quitté le terrain. AFP/Miguel Riopa
Guimaraes, le 16 février 2020. Moussa Marega, joueur du FC Porto exaspéré par les insultes racistes, a quitté le terrain. AFP/Miguel Riopa

Rappelant à cette occasion que « toute expression du racisme et de la xénophobie, de l’intolérance et de la discrimination était interdite par la Constitution portugaise», le président Marcelo Rebelo de Sousa dénonçait également ce dérapage comme « contraire aux valeurs fondamentales de la dignité humaine ».

Alors que d’autres Chefs d’Etat  s’en seraient tenus à cette courte sortie, pensant en avoir trop dit, le président du Portugal, au contraire, a enchainé avec un plaidoyer de haute volée, soulignant ceci : « c’est très simple. Tous les gens qui vivent au sein de la société portugaise viennent de cultures et de civilisations qui sont ici depuis longtemps. Nous, les Portugais, nous sommes le résultat de plusieurs cultures. De purs Portugais, cela n’existe pas. Nous sommes un mélange de Latins, de Grecs, de Phéniciens, de Celtes, de Germains, d’Africains et d’Asiatiques ».

Marcelo Rebelo de Sousa, conscient que les grandes paroles ne portent véritablement que lorsqu’elles sont dites à bon escient, et soucieux de profiter d’une opportunité aux résonnances mondiales, pour adresser à son peuple et au monde une leçon de vie, conféra à son plaidoyer des accents très humanistes : « nous allons continuer à vivre aux côtés de gens qui sont aussi différents de nous que nous pour eux, avec des opinions, des cultures, des religions différentes. Chaque personne est différente de l’autre et personne ne dirigera un groupe pour exclure d’autres gens et vice versa. Nous devons vivre ensemble. Outre le respect des autres en tant que personnes, n’est pas plus intelligent et plus sage de comprendre que pour vivre ensemble, il vaut mieux le faire dans un esprit d’intégration que d’exclusion. »

Les Maliens, dans un bel ensemble, ont manifesté leur soutien à leur compatriote, avec des mots convenus, peu enclins à rendre à l’évènement ses dimensions socio-philosophiques.

La société malienne actuelle porte de plus en plus la marque de dérives comportementales exécrables qui interpellent intellectuels, leaders politiques, religieux et d’opinion et simples citoyens. Le Gouvernement et les autres institutions de la République sont également appelés à se départir de discours mièvres, truffés d’expressions qui ne reflètent plus les véritables périls auxquels nous sommes aujourd’hui exposés.

Notre pays aime bien se targuer d’un humanisme et d’une religiosité qui n’ont, en réalité, que très peu de lien avec nos pratiques sociétales actuelles.

Les imprécations, les menaces de mort et l’incitation au terrorisme qui ont valu au prêcheur Bandiougou Doumbia d’être arrêté et mis en détention sont les manifestations de dérives religieuses que le régime IBK a encouragées par un prosélytisme de mauvais aloi mais surtout par des calculs politiques qui devaient valoir à leur instigateur Aura et Longévité présidentielles.

Les prodigalités présidentielles (véhicules de luxe, notamment, et autres donations faites sous le sceau d’un grand secret) à l’endroit d’une classe religieuse (longtemps confinée dans la discrétion) et les sollicitations multiples dans les affaires publiques ont certainement contribué à donner à cette dernière des goûts aux antipodes de la sobriété traditionnelle qui en a fait la grandeur.

L’émergence d’imams bedonnants, roulant carrosse et affichant tous les signes extérieurs de richesse et de la bonne chair, est aussi le signe du glissement du pays vers une stratification sociale typique de la vision du président de la République. Qui, en dépit de discours teintés de sociabilité, n’a de préférence que pour la Famille, les Amis et quelques faire-valoir.

Le discours moralisateur du président portugais peut aussi être compris comme un pamphlet contre une société malienne obscurantiste et hypocrite, qui s’abrite derrière une division sociale du travail anachronique, remontant au 13è siècle, sous l’empire Mandingue, pour priver une large frange de la population de l’exercice de hautes responsabilités publiques, au seul alibi qu’elle est de Caste.

Il est, à cet égard, intéressant de relever que, depuis l’avènement de la République Démocratique (censée nous faire accéder à la modernité), aucun gouvernement n’ait consenti à faire une ouverture à ces Maliens, pourtant diplômés  de prestigieuses universités…

Quand une société n’est pas apte à se remettre profondément en question, elle se condamne à multiplier les incohérences et les incongruités. Et le Mali d’IBK en vivra bien d’autres.

Mamadou Kouyaté        

koumate3@gmail.com.

Source : Maliweb.net

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