Dès qu’il s’est agi pour le Premier de programmer sa visite à Kidal, la première question qui s’est posée au niveau de l’organisation, était celle de la sécurité. Qui devrait faire quoi en matière de sécurité ?
Le gouvernement, pour sa part, souhaitait qu’une partie de la sécurité soit au moins assurée par l’armée nationale reconstituée. Malheureusement, au niveau de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), pour une question de responsabilité, on ne l’entendait pas de cette oreille. Pour Bilal, Algabass, Najim et les autres, il était important de confier la totalité de cet aspect à leurs hommes car ils répondraient de tout ce qui arriverait.
Un argument qui finit, après d’âpres discussions, par convaincre le gouvernement qui a accepté, finalement, non sans certaines exigences, de confier la sécurisation de la mission aux membres de la Cma (Coordination des mouvements de l’Azawad). Aujourd’hui, à l’heure du bilan, force est de reconnaître que tout s’est remarquablement bien passé.
Aucune inquiétude, aucun souci, aucun couac. De la sortie du camp de la Minusma à sa résidence et tout le long de son séjour, le Premier ministre a été sécurisé par des jeunes ayant choisi le métier des armes, de véritables professionnels que l’Etat doit rapidement redéployer dans l’intérêt du pays.
MK
La crise d’eau
Quelqu’un a dit qu’à Kidal, il n’y a pas d’eau ? Il n’y a vraiment pas d’eau. Prendre un bain tranquillement le matin avant de sortir le matin n’est pas donné à tout le monde. Il faut avoir de l’expérience, être un habitué du terrain, de la précaution et de la conservation, tel le confrère Serge Daniel qui, dès son arrivée, a «mis de côté» un seau d’eau qui sera, plus tard, tellement utile, au grand frère Alexis Kalambry.
Chahana Takiou, quant à lui, n’avait d’autre choix que d’utiliser, à son corps défendant donc, quelques bouteilles d’eau minérale. Kassim Traoré, quant à lui, lève-tôt qu’il est, avait raclé le fond du fût dans lequel se trouvait quelques litres d’eau de la veille.
Le premier jour passé, l’expérience aidant, dès le lendemain, les choses se sont gérées plus facilement et tout le monde a pu tranquillement prendre un bain avant de se rendre à l’aéroport. Tout est bien qui finit bien, vous avez dit ?
C’est vrai mais, seulement, ce qui reste, à Kidal, après ce témoignage, c’est la crise d’eau aiguë. Il n’y a pas d’eau à Kidal et ce que nous avons vécu deux jours, des Maliens le vivent au quotidien dans la capitale de l’Adrar des Ifoghas, la huitième région administrative du pays.
Le dîner chez l’Amenokal : l’obscurité et la clé de Kidal
Il a failli ne pas se tenir pour des raisons de sécurité. Heureusement que les « boys » de la CMA y tenaient et voulaient convaincre de leur professionnalisme.
En effet, au programme de la deuxième nuit du séjour du Premier ministre à Kidal, était prévu un dîner chez le patron de la ville, l’Aménokal Mohamed Ag Intalla. Tout était calé quand est venu, subitement, se poser la question du soir, de l’obscurité et de l’insécurité.
Certains ont pensé que, compte tenu du noir dans lequel se trouvait la ville, il était un peu dangereux de faire sortir le chef du gouvernement et toute sa délégation de bout en bout de la ville. Il faut rappeler que l’Amenokal habite sur l’autre rive de l’Oued et que le Premier ministre, lui, résidait chez le gouverneur au niveau du quartier administratif.
Aller au domicile de Mohamed Ag Intallah nécessitait donc une certaine prise de risque surtout que la ville est dans le noir depuis plusieurs semaines maintenant.
Au niveau de la sécurité donc, certains ont attiré l’attention sur ce risque et ont souhaité que le dîner soit «purement et simplement annulé» car, ont-ils avancé, «nous ne maîtrisons pas les choses dans ce noir» ; d’autres, par contre, ont banalisé ces remarques et rassuré les uns et les autres.
Le dîner a eu lieu. Il s’est bien passé. Et le Premier ministre a même eu droit, des mains de l’Amenokal, à la clé de la ville de Kidal !
Dahirou, comme un poisson dans l’eau
Dans la délégation du Premier ministre, qui a séjourné au Nord la semaine passée, il était véritablement chez lui, à Kidal, le ministre de la Défense et des Anciens combattants, le Général de Division Dahirou Dembélé. Le patron de l’armée malienne était, faut-il le rappeler, en terrain connu, dans une zone qu’il connaît et dont il maîtrise, par cœur, tous les coins et recoins. Il ne se privait d’ailleurs pas à le rappeler.
Ibrahim Dahirou Dembélé a séjourné plusieurs années à Kidal et dans d’autres villes de la région et y a occupé des postes de responsabilités au sein de l’armée. Il est connu et connaît cette zone. Le fort de Kidal, par exemple, il l’a connu bien longtemps et s’est occupé de sa sécurisation bien avant la crise, pendant qu’il était en poste dans la capitale de l’Adrar des Ifoghas, et c’est avec fierté qu’il en parle.
En plus d’être «quelqu’un du coin», Bri, comme l’appellent ses intimes, est bien apprécié par les populations du Nord, principalement, les hommes en armes. Il le respecte et le salue avec déférence. Sa légitimité, en tant que ministre de la Défense, ne souffre d’aucun doute.
Les groupes électrogènes de la Minusma
En plus du manque d’eau, la ville de Kidal manque aussi cruellement d’électricité. Desservi à minima depuis plusieurs mois maintenant, la ville est désormais dans le noir depuis trois semaines pour cause de panne technique. On nous a rapporté que les deux groupes d’EDM-SA sont tombés en panne. Comment donc ont fait le Premier ministre et sa délégation ? La Minusma est, encore, intervenue. En effet, pour fournir de l’électricité à la délégation ministérielle, c’est la Minusma qui, selon nos informations, a fourni un groupe électrogène et 1000 litres de gas-oil. Le groupe a été installé dans la cour du gouvernorat toute la durée du séjour du Premier ministre à Kidal et les derniers raccordements ont été faits en présence des membres de la délégation arrivés en premier. Par ailleurs, il est important de signaler que c’est aussi la Minusma qui a pris en charge les frais liés au déplacement des véhicules assurant la navette dans le cadre de la sécurisation de la mission ; de même que les prises en charge des éléments sur le terrain.
Dr. Boubou Cissé à Kidal : ces hommes qui ont facilité la visite
Le Premier ministre, Dr. Boubou Cissé, a séjourné dans le Nord de notre pays du 04 au 07 mars 2020. Il a, au cours de cet important séjour, visité les villes de Kidal, Tessalit, Aguel-Hoc, Ménaka et transité par Gao.
Une première fois reportée pour des problèmes d’organisation, le voyage a pu se tenir, cette fois-ci, grâce à des hommes qui s’y sont véritablement employés. À l’origine, prévu pour le 2 mars, le chef du gouvernement, ministre de l’Economie et des Finances, a pu démarrer cette tournée le 4 mars.
Il faut dire que ce report était, surtout, dû au fait que Dr. Boubou Cissé avait été dépêché en urgence au Rwanda, porteur d’un message du président de la République, à son homologue rwandais, Paul Kagamé, le 2 mars, et qu’en même temps, plusieurs leaders de la Coordination des mouvements de l’Azawad étaient dans une rencontre communautaire à Tessit, dans le cercle d’Ansongo.
Finalement, le 4 mars, tout le monde était là à Kidal. Pour que tout ce beau monde soit présent et que le séjour soit une réussite, comme nous le disions, il a fallu que certains, en amont, s’emploient jour et nuit des semaines durant. Loin d’être exhaustif, nous en citons, ici, quelques-uns.
L’Honorable Hamada A. Bibi
Le député sortant d’Abeibara, candidat pour un nouveau mandat, Ahmada Ag Bibi, est de ceux qui, très tôt, ont toujours travaillé pour l’unité du pays. Militant engagé pour la cause de la capitale de l’Adrar des Ifoghas, il est de ceux qui ont toujours travaillé dans le sens de la réconciliation et œuvrer à toujours servir de pont entre le Nord et le Sud de notre pays surtout quand il s’agit d’institutions, de développement.
Il a partout tenu le langage de l’unité, de la paix et de la réconciliation. Il est de ceux qui travaillent ardemment pour le retour de l’Administration à Kidal. Il l’a manifesté à l’arrivée du bataillon de l’armée nationale reconstituée en offrant un bœuf à nos vaillants soldats et en leur souhaitant la bienvenue.
Lors de cette cérémonie, il a insisté sur l’unité du Mali, prononcé un discours de paix et réaffirmé l’attachement et l’appartenance de Kidal au Mali. Le député Ag Bibi est de ceux qui ont calmé les ardeurs, apaisé les esprits, rassuré les uns et les autres avant l’arrivée du Premier ministre dans le septentrion. Il a tenu à accompagner le chef du gouvernement dans tous ses déplacements.
Moussa Ag Attaher
Celui-là aussi a contribué à la facilitation du séjour du chef du gouvernement à Kidal. Lui, c’est l’un des «trois Moussa», qui a défrayé la chronique au début de la dernière rébellion. Il s’agit de Moussa Ag Attaher.
Revenu au sein de la République, patriote, désormais, bon teint, militant fieffé de la cause de Kidal, il est de ceux qui pensent que c’est désormais possible et que le Mali réunifié c’est pour bientôt. Il a, d’ailleurs, surpris plus d’un lors du Dialogue national inclusif auquel il a participé et au cours duquel, il a positivement transformé l’image de la CMA, du MNLA et de tous ces groupes que le lambda diabolisait. Ses propos ont suscité chez l’ensemble des Maliens un grand espoir.
Moussa Ag Attaher est aujourd’hui entre Bamako et Kidal, et prêche, à chaque fois, la bonne parole, celle de l’unité, la paix et la réconciliation. C’est en cela qu’il s’est encore fait remarquer dans le cadre de l’organisation de la visite du Premier ministre à Kidal. Il fait partie de ces jeunes cadres de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), sur lesquels, il va falloir compter, dans les années à venir.
Makan Koné
Source : Nouvelle Libération