Il ne restait pratiquement que cela. Les hostilités sont ouvertement déclenchées, à compter de ce vendredi 19 juin, avec la tenue de la grande marche du nouveau groupement de l’opposition et de la société civile. Maintenant, pourra-t-on passer aux actes concrets censés de produire des changements escomptés puisque les menaces de confrontations ouvertes sont mises en branle. Mais, pour cette première sortie très massive, c’est l’Imam Dicko même qui a sauvé implicitement encore le trône du Mansaké de Sébénicoro.
Cette dernière semaine aura été riche en événements sur le plan sociopolitique au Mali. Avec son deuxième grand rassemblement à moins d’un mois, le Mouvement du 5 juin- Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP) a ouvert les hostilités avec le pouvoir en place. Au cours de cette forte mobilisation sur la place de l’Indépendance, les responsables du mouvement ont dépêché une délégation pour tenter de déposer au Secrétariat Général de la Présidence de la République leur demande de démission d’IBK. Mais ce fut sans succès ; car, les Forces de sécurité, fortement déployées sur la route de la colline du Pouvoir (Koulouba), ont tracé une ligne rouge infranchissable, sous peine des réactions répressives pouvant être sanglantes et dramatiques. Ce que Mahmoud Dicko tenait implicitement à éviter, vu son statut de chef religieux, en l’occurrence un Imam. Chose qui a provoqué beaucoup de frustrations chez bien de teneurs de la ligne dure contre le régime d’Ibrahim Boubacar Kéïta.
En même temps, la délégation de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) procédait à la conclusion de sa mission effectuée en catastrophe à Bamako pour tenter de désamorcer la crise risquant de faire vaciller l’Institution Suprême de la République du Mali au grand soulagement de toute la Communauté internationale. Dans sa Déclaration finale, la CEDEAO a ainsi invité les deux parties adverses au dialogue, à l’apaisement, à la retenue et fondamentalement à la reprise partielle des législatives contestées. Ce qui semblerait même imminent avec la reconduction de Dr. Boubou Cissé à son poste de Premier ministre et la déclaration du mardi 16 juin dernier de sa disponibilité à prendre langue avec les acteurs des contestations.
De ce fait, tous les regards restent tournés vers le Président IBK qui doit mettre en application, cette fois-ci de façon effective, ses récents engagements qui précèdent juste les recommandations de la CEDEAO et les exigences de l’opposition.
Pendant que le landerneau politique national bascule dans l’expectative avec la déchirure entre le régime et le peuple souverain se confirme davantage et que, du côté de l’Assemblée nationale on mentionne l’incarnation de la cause immédiate de tous ces litiges, on incite IBK à préserver à tout prix les institutions de la République dont le Parlement lui-même. Ce fut à l’issue d’une audience accordée à la veille par le chef de l’Etat à une délégation de parlementaires.
Par contre, du côté de la Cour Constitutionnelle, les lignes qui bougent avec l’annonce de la démission de quatre Sages sur les neuf. De son côté, IBK avait réitéré, lors de sa sortie du mardi, au Centre International de Conférence de Bamako (CICB), sa « main tendue » à ses opposants.
En effet, la question qui demeure à présent sur toutes les lèvres est celle de savoir : l’opposition est-elle prête à saisir cette main ?
Le refus des députés contestés dont le président de l’Assemblée nationale, Moussa Timbiné, de suivre l’exemple des quatre démissionnaires de la Cour Constitutionnelle pour apaiser les tensions et alléger la tâche à leur mentor IBK pourrait, a priori, laisser croire que cette situation continue d’anéantir irrémédiablement toutes les chances de décrispation du pays. Au demeurant, rien n’est moins sûr. En réalité, la logique d’intransigeance dans laquelle s’est installée l’opposition aussi dès après les législatifs du 19 avril dernier n’a pas faibli jusque-là. Même la récente rencontre avec la délégation de la CEDEAO ne semble pas pouvoir faire fléchir un tant soit peu cette ligne dure. Tout au plus, cette détermination tiendrait à aller crescendo.
Toutefois, le fait que le Gouvernement promet verbalement de tenir tous ses engagements et promesses régaliens et, de l’autre, l’opposition qui s’affiche réformiste, trop actif et radicale, rien de tout cela ne saurait suffire pour sortir le Mali de la crise multidimensionnelle. Il est même illusoire de croire qu’il serait suffisant pour bien gouverner ou faire triompher ses revendications, le pouvoir en place et l’opposition d’en face d’affirmer et d’imposer leurs visions respectives de la rationalité.
Face aux multiples défis majeurs à relever, il semble exister une toute autre urgence pour les gouvernants de bâtir un Etat fort respectueux de ses engagements faits au peuple, un Etat apte à répondre aux aspirations des populations. L’essentiel est aujourd’hui dans la sortie du pays de sa crise qui n’a que trop duré tant au plan sécuritaire que sociopolitique et scolaire, puis dans l’amélioration des conditions d’existence des populations. C’est également dans l’amélioration réelle du sort des Maliens, dans leur conviction qu’ils méritent d’être bien gouvernés. Malheureusement, tel ne relève pas de nos jours du débat autour du processus de sortie de crise dans laquelle est enfoncé le pays. A l’instant, le processus de paix est tenu par une représentation quasiment abstraite, clanique et statique qu’il convient d’abandonner. Apparemment, c’est dans cette logique que s’inscrit l’engagement politique du Leader religieux Mahmoud Dicko. Tout de même, le paysan du Mali profond quant à lui ne semble de ne rien comprendre de ce combat institutionnel en cours depuis des années voire décennies maintenant. Par contre, il devient attentif à tout ce qui concerne son vécu quotidien à savoir : la crise sévissant dans les régions du Nord et du Centre ; le détournement des engrais et semences ; le chômage de des jeunes ; la pauvreté et la misère ; la détérioration des prix du coton et de ses autres produits agricoles ; l’injustice et l’accaparement de ses terres par ces corrompus administrateurs et insatiables riches de Bamako.
A cet effet, un Régime politique doit toujours axer sa stratégie, son système de gouvernance sur choix des hommes et des femmes censées comprendre ces préoccupations profondes de la Nation mais sur la base de népotisme, de favoritisme, de corruption ou de récompense poético-politicienne. La symbolique présidentielle, décisive, pour sortir ce pays de sa crise profonde et généralisée passe, donc, par le choix d’une équipe dirigeante capable de restaurer le climat de paix et de souveraineté nationale d’antan, de garantir la sécurité de tous et de chacun et de remettre les Maliens au travail créateur de la valeur ajoutée sûre. Un pouvoir en mesure d’honorer ses engagements. Mais non plus de laisser aller dans la gestion courante des affaires courantes et des grands dossiers de l’Etat ou permettre passivement à l’enfoncement du pays dans son actuelle situation de crise. En réalité, que l’on soit avec ou contre le régime actuel, force est d’admettre que tout président de la République du Mali actuel doit apporter des réponses concrètes et largement satisfaisantes aux attentes du peuple. Pour ce faire, il doit définir une nouvelle stratégie pour de bon en lieu et place d’un système s’est avéré anachronique et, par voie de conséquences, improductif, stérile, chaotique. Ce qui dénote que c’est l’ère des coudées franches. Autant retrousser les manches aussitôt.
Djankourou
Source : L’aube