Attendues avec beaucoup d’impatience et d’anxiété par une opinion très attentive à l’évolution de la crise socio-politique, les rencontres successives entre le président de la République et ses contestataires n’ont accouché d’aucune fumée de bon augure. En lieu et place du calumet tant espéré, on a eu droit à un enlisement dont les parties se rejettent la responsabilité en restant figée chacune dans sa position, donnant ainsi plus de chance à la méfiance de se réinstaller.
Au lendemain du mémorandum surréaliste du M5, une série d’échanges s’est ouverte entre le pouvoir et ses contestataires avant-hier samedi, avec notamment un deuxième tête-à-tête IBK-Mahamoud. Il était question pour les deux hommes de poser les jalons d’un règlement définitif de la crise, mais les propos et impressions de l’imam, à sa sortie d’audience s’exprimaient manifestement d’un ton avant-coureur du fossé qui allait se creuser entre le locataire de Koulouba et le front de contestation. Tout en affichant sa vocation à œuvrer pour la paix au Mali et dans le monde, l’illustre visiteur n’a en effet retenu de son entretien avec IBK qu’une solution tributaire de la volonté des parties ainsi que et de leur disposition à se faire violence pour une sortie honorable pour chacune. Force est de constater que l’esprit de surpassement n’aura pas été à la hauteur des enjeux, à l’issue de l’ultime rencontre d’hier entre le même locataire de Koulouba et la délégation du M5. Du communiqué rendu public par ce Mouvement, on peut déduire que les parties se sont quittées dos à dos et n’ont guère pu profiter des ouvertures faites par la médiation de la Cedeao.
En cause, les suggestions surréalistes du front anti-pouvoir mais aussi la posture peu flexible du président de la République face à leur mémorandum dont les différents points ont été balayés d’un revers de main à Koulouba. Ce faisant, IBK laisse filer pour le moins un précieux atout : la brèche ouverte par les divergences de style et de modes opératoire dans la mise en œuvre de l’objet de la contestation. Naguère divisé sur la question jusqu’au bord de la rupture, le M5-RFP pourrait avoir repris du poil de la bête en recouvrant sa cohésion au profit de ses tendances radicales. C’est ce qu’il ressort en tout cas de son communiqué consigné par l’ensemble de ses composantes et à travers lequel elles affichent apparemment une unité autour des objectifs qui faisaient leur différence : la démission d’IBK et de son régime. Abandonné au nom de la stabilité institutionnelle, ce retour à la case de départ sera mis à l’épreuve dès ce vendredi, à l’occasion du grand rassemblement que le M5 projette pour déclencher le début de la désobéissance civile tant prôné par les radicaux du 5 Juin.
Quid de la tragédie «Boubou Cissé II» ?
À moins de corriger dès ce début de semaine la prise d’otage de l’attelage gouvernemental par la crise socio-politique, le pays risque du coup d’entrer dans un nouvel épisode de la vague contestataire avec un vide gouvernemental inédit. Le Mali est même sur le point de battre tous les records continentaux en la matière car depuis près d’un mois, précisément le 11 juin 2020, il entre progressivement mais sûrement dans le cercle restreint des pays du monde où la formation de gouvernement est en proie aux clivages. En cause, la coïncidence de la dissolution de l’équipe sortante avec une crise politique d’autant plus innommable qu’elle tombe de nulle part. Déclenchée le 05 juin dernier, sous l’égide de l’Imam Dicko, par un premier rassemblement géant de contestataires du pouvoir, elle gagne aussitôt en ampleur et en enjeu, à cause des velléités déstabilisatrices des institutions. Au point de mobiliser les ressorts diplomatiques de la sous-région, à coups de rencontres, de négociations tous azimuts et de suggestions de sortie de crise qui ne semblent agréer aucune partie pour l’heure. Ni le président IBK n’a consenti à une reprise partielle des élections aux contours extensibles à la législature dans son ensemble, ni les troupes du M5-RFP n’affichent une intention de lâcher prise sans obtenir au moins la peau des présidents de l’AN et de la Cour constitutionnelle. Et ce ne sont ni les adresses à la nation, ni les alléchantes annonces solennelles devant la classe politique (sur fond d’infiltration des rangs de la contestation) qui vont contribuer à faire baisser la tension. Elle est même montée de quelques crans au rassemblement suivant du 19 juin lorsque les manifestants, non satisfaits de simples appels à la démission du chef de l’Etat, ont tenu à lui remettre formellement la déclaration y afférente. Faute de quoi, ladite manifestation a manqué de justesse de tourner au bras de fer. Au grand dam des radicaux du M5 – RFM et adeptes d’une épreuve de force finalement remis sur selle avec la tournure rocambolesque des négociations et le durcissement des positions survenus hier dimanche. Mais à défaut de l’accord d’apaisement préconisé et annoncé, la crispation devrait au moins permettre la levée du blocage sur la formation de l’équipe gouvernementale apparemment suspendue par le pouvoir en tant que possible carte maîtresse dans les négociations. La République saura t’elle en définitive continuer de s’accommoder d’une privation de gouvernement faute de pouvoir en obtenir d’union nationale ?
A KÉÏTA
Source : Le Témoin