Au Mali, un gouvernement restreint sans union nationale

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IBK
L'ancien président de la République du Mali Ibrahim Boubacar Keïta

Contesté par la rue et une opposition qui réclame sa démission, le président Ibrahim Boubacar Keïta a obtenu lundi la confirmation du soutien de ses pairs lors d’un sommet de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest.

Le Mali a un gouvernement. Ou presque. Plus de quarante jours après la démission de la précédente équipe, le premier ministre Boubou Cissé, finalement confirmé par le président Ibrahim Boubacar Keïta (« IBK »), a formé, lundi 27 juillet dans la soirée, un cabinet restreint de six ministres.

Sa première mission – négocier la formation d’un gouvernement d’union nationale − s’annonce délicate. Tout en se pressant d’aller regarder l’annonce officielle de la constitution de cette nouvelle équipe, Mountaga Tall, ancien ministre devenu l’un des leaders de la coalition qui, depuis le 5 juin, ébranle le pouvoir, a proclamé : « Rien n’a changé. Nous ne sommes ni demandeurs ni preneurs de ce gouvernement d’union nationale. Nos positions restent les mêmes. Nous réitérons notre demande de démission d’“IBK”. »

Pour le Mali, la journée de lundi avait débuté par un sommet des chefs d’Etat de la région, précédé de promesses de « décisions fortes » alors que « le temps presse et les risques sont grands », insistait le Nigérien Mahamadou Issoufou, président en exercice de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Elle s’est achevée par un premier acte conforme aux recommandations des dirigeants régionaux, qui remplit un vide institutionnel sans – encore – débloquer la crise.

Menaces de sanctions

Contesté par la rue mais conforté par ses pairs, inquiets de voir l’un de leurs voisins ainsi déstabilisé, le président malien apparaît comme le bénéficiaire immédiat des solutions de la Cédéao, désormais assorties de menaces de sanctions contre « ceux qui poseront des actes contraires au processus de normalisation ». Les protestations avaient éclaté après la décision de la Cour constitutionnelle de réviser des résultats des dernières législatives au profit de candidats du pouvoir. Le plan de sortie de crise demande ainsi « la démission immédiate des trente et un députés dont l’élection est contestée et l’organisation d’élections législatives partielles pour les circonscriptions concernées » et « la recomposition rapide de la Cour constitutionnelle », dissoute, depuis, par « IBK ».

« Acculé, le président était déjà prêt à accepter toutes les propositions. Il a cédé le ministère des finances. Il faut maintenant que nous entrions dans une phase transitoire qui permette de discuter dans le calme », espère un médiateur discret entre le palais présidentiel de Koulouba et l’imam Mahmoud Dicko, la principale figure mobilisatrice de la contestation où se retrouvent d’ex-ministres, des religieux, la gauche radicale, des personnalités de la société civile.

Cependant, en affirmant aux autres chefs d’Etat qu’il est l’objet d’un « coup d’Etat rampant » et que les manifestations ont pour finalité de préparer l’avènement d’une république islamique – « C’est là, la rançon de guerre de l’imam Dicko, un crime impardonnable », dit-il – « IBK » n’a pas trouvé les termes les plus conciliants pour nouer les fils de la discussion. La présidence malienne a ensuite démenti avoir tenu ces propos, mais ils ont été confirmés au Monde par l’un des participants au sommet. Un diplomate craint, par ailleurs, que « ces mesures, amenées par un tiers car les deux parties prenantes ne se sont jamais parlé, soient dénoncées comme des impositions ».

Sans surprise, le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques a, dans la soirée de lundi, constaté « avec regret, que les conclusions du sommet des chefs d’Etat ne tiennent pas compte de la profondeur et de la gravité de la crise », la ramenant « à un simple contentieux électoral du deuxième tour du scrutin législatif ».

« Nous souhaitons que tout reste dans la loi. La dissolution de l’Assemblée nationale est juste et légale », précise Mountaga Tall. « Notre problème n’est pas la formation du gouvernement. Nous demandons le départ du premier ministre qui a fait tirer sur les gens [entre 11 et 23 morts, selon les bilans, tués entre les 10 et 12 juillet]. Tant que cette question n’est pas réglée, rien n’est réglé. Nous avons besoin de présenter quelque chose au peuple », ajoute un cadre de la mouvance politique proche de l’imam Dicko. La trêve des appels à la désobéissance civile décrétée jusqu’à la fête musulmane de l’Aïd qui doit intervenir fin juillet risque de ne pas durer.

« Stratégies individuelles »

« Derrière la stratégie collective, il y a des stratégies individuelles, décrypte une bonne source. Certains exigent la démission d’“IBK”, car ils pensent qu’ils n’auront aucun poste. Dicko ne la demande pas mais conditionne tout compromis à la tête de Boubou Cissé. Et puis, il y a la demande de la base qui est avant tout sociale. »

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Pour la France, l’un des premiers partenaires du Mali et qui compte plus de 5 000 soldats déployés au Sahel, l’un des enjeux de la résolution de la crise est d’éviter que le premier ministre soit sacrifié, comme son prédécesseur le fut en avril 2019 et que débute ainsi une nouvelle période de transition, synonyme d’enlisement.

L’ancien premier ministre Soumeylou Boubeye Maiga avait été emporté au printemps 2019 par une vague de manifestations déjà menées par l’imam Dicko, puis lâché par la présidence qui le soupçonnait de nourrir de plus grandes ambitions. « Limoger Boubou Cissé ne servira à rien, car les deux camps ne s’entendront sur aucun nom », considère un médiateur, tout en indiquant que l’actuel premier ministre s’est fait de solides inimitiés dans l’entourage présidentiel après qu’il a été reçu en septembre 2019 par le président français Emmanuel Macron. Derrière la crise actuelle percent déjà les stratégies en vue de l’élection de 2023.

Source : https://www.lemonde.fr/afrique

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