Dans son Mémorandum déclaré par la suite caduc qui pourtant fait toujours autorité, le M5-RFP décide de : ‘’poursuivre la lutte pour amener pacifiquement, mais avec détermination, le Président Ibrahim Boubacar KEITA et son régime à démissionner, par le moyen d’actions populaires de désobéissance civile’’ (1) ; ‘’fixer les objectifs et la durée d’une période de transition : tenir des concertations nationales pour faire l’état de la Nation ; opérer les réformes politiques, institutionnelles, administratives et électorales nécessaires pour refonder l’État, jetant ainsi les bases d’un Mali nouveau’’ (2).
‘’Cependant, le M5-RFP, conscient de ses lourdes responsabilités en ces moments critiques, prenant en compte les nombreuses sollicitations, dont celles de l’Imam Mahmoud Dicko, et en signe d’esprit d’ouverture au dialogue, exige la mise en place de cette Transition dans les conditions ci-après :
1-La dissolution immédiate de l’Assemblée nationale ;
2- La mise en place d’un organe législatif de transition ;
3-Le renouvellement intégral des membres de la Cour constitutionnelle ;
4- La mise en place d’un gouvernement de Transition, avec les caractéristiques ci-après :
- a) Le Premier ministre est désigné par le M5-RFP ;
- b) Il ne peut être demis par le président de la République que dans les conditions prévues par la Charte de transition ;
- c) Il forme son Gouvernement en entier ;
- d) Il nomme aux hautes fonctions nationales (Administration, Justice, Forces armées et de sécurité …).
5- L’adoption d’une Feuille de route de refondation de l’État et de sauvegarde de la démocratie, de l’unité nationale, de la paix et de la cohésion sociale, assortie d’un chronogramme précis, à l’issue de concertations nationales ouvertes à toutes les forces vives de la Nation (…)’’.
En établissant le parallèle avec les évènements en cours, il est évident qu’il y a de la suite dans les idées. Suite aux reports du mandat des députés de la Vème législature, en 2018 et 2019, des partis politiques et organisations de la société civile avaient réclamé la mise en place d’une Assemblée Constituante qui est en fait une institution collégiale détenant un pouvoir lui permettant de rédiger, d’adopter et de réviser une constitution (‘’organe législatif de transition’’). Et au Président d’user des Ordonnances pour gérer les matières qui relèvent normalement du domaine de la loi. Mais, là, il est question de le dégommer. L’ambition prend de l’épaisseur.
Après, la dissolution de l’Assemblée actuelle, pour laquelle des juristes offrent leur afflux d’arguments de droit, n’est ni plus ni moins qu’un moyen d’obtenir en 2020 ce qui n’a pas pu l’être en 2019. Cette Constituante étant souveraine (par nature), place à la destitution du Président élu (1er point ci-dessus) et à l’ouverture d’une période de transition (2e point). Et le putsch politique est consommé. Conséquences : les partenaires se barrent et le pays sombre dans le chaos total (cf : 2012 où 3 régions du Nord sont tombées en 3 jours et l’apocalypse à Bamako avec les pro-Junte et le Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et de la République (FDR)). Ce n’est pas tout, puisqu’on aura donné des idées à d’autres, désormais, il est permis d’emprunter des raccourcis pour accéder au pouvoir. Il ne s’agit point d’une rhétorique périlleuse, catastrophiste ; mais du bon sens, dont personne n’a le monopole. Le coup de billard est à bandes multiples. Les acteurs de la crise actuelle (de tout bord) gagneraient à y penser pour ne pas être comptables devant l’histoire de l’atomisation du Mali.
PAR BERTIN DAKOUO
Source : Info-Matin