Notre Mali, comme il va… En finir avec IBK et bâtir de nouvelles synergies démocratiques

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Mamadou Kouyaté, journaliste
Mamadou Kouyaté, journaliste

Un coup d’Etat, de nos jours, a forcément des allures d’anachronisme, de pratique barbare. L’imaginaire populaire, qui n’atteint que peu les profondeurs, a tendance à assimiler la marche du siècle à de purs progrès, à une humanisation et une civilisation avancées de l’homme et de ses actes. L’on adhère ainsi  au postulat que le 21è siècle est celui de grands bonds qualitatifs, qui ne sont généralement mesurés qu’à l’aune des progrès techniques.

Les coups de force militaires sont condamnés, parce que considérés comme des entraves à l’expression démocratique. Mais, s’agissant de l’Afrique, à quelle démocratie fait-on référence ?

Les partenaires internationaux du continent, prompts à pousser des cris d’orfraie et à jeter l’anathème sur les putchistes, savent, mieux que quiconque, que les démocraties africaines, dans une ample majorité, sont dévoyées et que leurs pratiques, tronquées, ne servent que les intérêts des pouvoirs en place.

Les grandes démocraties, bien représentées en Afrique, à travers chancelleries, projets et autres ONG, et, surtout, bien renseignées sur la vie publique et celle plus nébuleuse des Etats africains, ne sont pas abusées par les apparences  républicaines des régimes actuels. Avec lesquels elles entretiennent bien des relations ambigües. Des collusions qui n’obéissent pas toujours aux règles de bienséance officiellement prônées.

A l’amorce des années ’90, le Mali, comme la plupart des Etats africains, a fait le pari de la construction démocratique. Succédant à un régime de parti unique, dirigé par un Général reconverti en homme politique, la démocratie malienne a dû payer la dîme du sang pour se réaliser.

Mais aux débuts euphoriques, teintés de sincérité, ont rapidement succédé les calculs tortueux pour ‘’durer’’ au pouvoir. S’ensuivirent la dégradation des mœurs politiques, la course à l’argent facile et l’émergence d’une classe de politiciens et de cadres de l’administration multi millionnaires (milliardaires, peut être).

Ces signes de dérives, déjà assez perceptibles sous les régimes précédents, sont devenus évidents et criards au cours du règne d’IBK.

Leur persistance, sous la forme, notamment, de corruption, de gabegie, de népotisme, de légèretés, de tripatouillage de résultats d’élections présidentielle et législatives et d’impunité, a fini par avoir raison de la patience des populations, irritées par une dégradation régulière de la qualité de leur vie, puis révoltées par la misère de leur quotidien.

Les appels à la manifestation, sur fond d’exigence de la démission du président de la République, avec le remarquable succès qu’ils ont connu, ont ainsi conféré une légitimité certaine aux revendications et aux manifestants.

Les différentes missions de médiation de la CEDEAO, entre Ibrahim Boubacar Keïta, ses opposants politiques du M5/RFP et la société civile, ont forcément relevé la profonde désaffection de l’opinion nationale vis-à-vis du régime en place et, notamment, le besoin de changement de gouvernance, pour sortir le Mali de la situation socio politique et sécuritaire quasi inextricable créée par  les incohérences et les prévarications de l’administration IBK.

En évoquant la légalité du président de la République pour exiger son maintien à ses fonctions, avec le rappel des textes constitutionnels qui la lui confèrent, la CEDEAO use d’arguments qui, dans le contexte malien, apparaissent bien légers à contrebalancer la légitimité des mouvements de défiance à l’égard d’un homme dont l’incompétence à gérer le pays a été établie depuis le premier mandat que les Maliens lui ont confié par un vote massif de 77%.

Les Chefs d’Etat de la CEDEAO, tout à leur souci d’éviter que l’exemple malien  déteigne sur leurs propres populations, ont commis une grossière erreur d’analyse, en ne tenant pas (ou peu) compte de l’aversion populaire pour leur ‘’camarade’’ et tout ce qu’il représente. Ils ont aussi étalé, à l’occasion, un réel manque d’imagination, en brandissant des menaces de sanctions à l’encontre du pays et des ‘’fauteurs de troubles’’. Ils trahissent ainsi des reflexes d’hommes d’Etat (et de pères fouettards) davantage enclins à gouverner par diktat qu’à tenter de cerner la véritable essence des mouvements sociaux.

Le paradoxe saisissant, entre le quasi plébiscite de 2013 et le rejet brutal symbolisé par les manifestations populaires de défiance du M5/RFP et de la Société et sa déposition par des officiers supérieurs d’une Armée malienne meurtrie par les erreurs assassines et les légèretés de la politique sécuritaire, dont elle a été la principale victime expiatoire, constitue la preuve irréfutable de l’impopularité de celui qui était, jusqu’à ce Mardi 18 Août 2020, le Chef d’Etat du Mali.

Les condamnations convenues de la communauté internationale (ONU, UA, CEDEAO, UE…), adossées à des textes rigides, insuffisants à prendre en compte la volonté profonde des populations à changer leur destin, en améliorant la gouvernance, peuvent elles faire infléchir un mouvement amplement national de récusation d’un régime ?

En insistant sur sa ligne coercitive, la CEDEAO risque de crisper davantage la situation et d’amplifier le mouvement de soutien à un coup de force, qui n’était certes pas le vœu du peuple mais qui présente l’avantage de crever l’abcès.

Alors qu’un regain de tension, à travers la reprise de plus belle des manifestations, reste l’alternative à un éventuel retour au pouvoir de ce dernier, le président- déchu- de la République ne devrait-il pas saisir une ultime intervention de l’organisation sous régionale pour sortir dignement de la scène, en renonçant volontairement à un pouvoir, qui n’est plus qu’un leurre pour lui ?

La France, qui avait, par conformisme, élevé une forte protestation contre le coup d’Etat, est en train de glisser vers une forme de tolérance vis-à-vis de cette entorse aux règles républicaines (les récents propos du chef de la diplomatie française le laissent penser), d’autant que le président français, lui-même, n’a que peu fait mystère de ses agacements face aux tergiversations et la gouvernance approximative de l’ex-Chef d’Etat.

Finalement, la volonté d’aller rapidement à une transition civile, manifestée par les officiers supérieurs ayant conduit le coup d’Etat, pour ensuite bâtir une nouvelle république, plus conforme aux valeurs dont la non gouvernance d’IBK a privées le peuple, apparait comme la véritable perspective vers laquelle doivent tendre les synergies du pays.

 Mamadou Kouyaté      

  koumate3@gmail.com

Source : Maliweb.net

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