Les sanctions prises par l’instance sous-régionale s’apparentent plutôt à un épouvantail qui ne fait peur qu’aux moineaux tant les économies sont si imbriquées si bien qu’elles vont affecter l’ensemble des Etats voisins.
Qui souffrira le plus des sanctions de la Communauté économiques des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) ? Gageons que si un institut de sondage posait cette question, beaucoup de personnes interrogées élimineraient les pays côtiers voisins du Mali. Eh bien, elles auraient tort ! En fait nombre de nos voisins seraient dans le peloton de tête des victimes collatérales. Sous nos yeux ahuris la lampe d’Aladin fait surgir ces temps-ci d’étranges paradoxes. La pose de verrous aux frontières ne peut s’éterniser comme l’asticot dans le fruit. Quoi qu’on en dise de la faiblesse des échanges intracommunautaires, les économies sont si imbriquées que lorsque le Mali tousse toute la sous-région éternue.
Tenez ! Le Sénégal n’a pas les reins suffisamment solides pour tourner dos à des centaines de milliards de F CFA dépensées par son principal client, le Mali, de loin le plus gros utilisateur du port de Dakar. Sa bouche agonise en comptabilisant le ciment – deux usines installées à proximité de la frontière arrosent le Mali – le sel marin. En retour, le bétail malien permet de calmer la tension des prix sur les marchés sénégalais, sans omettre le citron, entre autres.
Vulnérable est aussi l’économie ivoirienne, locomotive de la sous-région. Par ses deux ports de San Pedro et d’Abidjan transitent une grande cohorte de marchandises à destination de notre pays – notamment des biens d’équipement. La Côte d’Ivoire abrite le plus gros contingent – 3 millions selon les estimations officielles – de la diaspora malienne.
La Guinée va entendre les coups de rabot du menuisier des trépassés. Du fait de sa proximité et des frais d’approche jugés très compétitifs de ses installations portuaires, bien d’opérateurs économiques – surtout des importateurs de véhicules d’occasion – s’étaient détournés d’autres destinations à son profit même si le port de Conakry n’est pas en eau profonde, qui ne facilite l’accostage de gros bateaux.
Un épouvantail qui ne fait peur qu’aux moineaux
Nul doute que l’organisation sous-régionale n’a pas les moyens de nous étouffer. D’ailleurs, le fait qu’elle ait mis la pédale doute est significative du risque lié à l’utilisation d’un couteau à double tranchant : on coupe, on se coupe avec. Exit les hydrocarbures, les produits alimentaires et pharmaceutiques, les sanctions frappent les biens d’équipement, entre autres. Ainsi, elles s’apparentent plutôt à un épouvantail qui ne fait peur qu’aux moineaux.
Les économies avaient déjà beaucoup pâti des soubresauts de sanglantes attaques djihadistes au Mali, avec des effets papillons au Niger, Burkina et en Côte d’Ivoire. En outre Boko Haram fait la pluie et le beau temps au Nigéria. Elles ont davantage piqué du nez sous le poids de la pandémie du coronavirus consécutif suite à l’adoption des mesures de confinement s’étalant sur plusieurs semaines. Les racines de ces économies n’étant pas profondément ancrées dans le sol, elles ne peuvent plus supporter le moindre choc.
Doués de réalisme, les opérateurs économiques sénégalais redoutant un effondrement de leur chiffre d’affaires faisaient pression sur le gouvernement qui semble passer une bague d’alliance à leur doigt. En témoignent, la poursuite des exportations de ciment notamment en direction du Mali. Loin des vociférations des villages nigériens voisins invitant leurs autorités à faire marche arrière. En effet, quelques jours seulement après les sanctions, le manque à gagner est énorme pour des populations déjà éprouvées. Or le moindre gain supplémentaire réalisé participe à l’éducation des enfants, à la santé de la famille et à sa prise en charge alimentaire. L’écho de leurs protestations confirme si besoin en est que le Mali est à ces villages ce que la terre est à la semence.
En somme, la CEDEAO finira par nous vendre l’aiguille qui servira à la coudre. Retenez cela pour dit. Et dans un court horizon ! Elle ne fait que sacrifier à une tradition de condamnation d’un changement de régime par des voies non démocratiques. Du reste, les actes annulent les paroles et les paroles annulent les actes !
Georges François Traoré
Source : L’informateur