Si le Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP) ne réussit pas rapidement à instaurer un climat de confiance entre lui et les forces vives du pays, l’on devra craindre pour le relèvement du Mali, en proie à une crise multidimensionnelle depuis 2012.
En rendant public un « Acte fondamental » dans lequel le président du CNSP assure les fonctions de chef de l’Etat, donc du chef de la Transition, les militaires tombeurs d’IBKconsomment le coup d’Etat du 18 août.
Or, il est établi, comme le démontrent nombre de constitutionnalistes, que cet Acte fondamental ne saurait cohabiter avec la Constitution du 25 février 1992, qui n’a pas été suspendue par les auteurs du renversement du régime IBK. Même si AssimiGoita et ses frères d’armes semblent affirmer que les deux textes fondamentaux peuvent coexister, il est loisible de constater que les deux dispositifs juridiques sont quasiment contradictoires dans la plupart de leurs dispositions.
L’adoption de cet Acte fondamental confirme la volonté discrète de la junte de Kati de diriger le pays, du moins pour une période qu’elle avait souhaitée au départ pour 3 ans, avant de la ramener, face au refus de la CEDEAO et de la communauté internationale, à deux ans.
Alors que l’on pensaitque les nouveaux hommes forts du pays ne voulaient pas assumer les hautes responsabilités étatiques. Revendiquant avoir simplement « parachevé » le travail de démolition du régime d’IBK par le M5-RFP, le Colonel AssimiGoïta et ses amis annonçaient qu’ils ne tiennent pas au pouvoir. Qu’ilsne sont là que pour le Mali, et non pour quelque intérêt particulier que ce soit.Avant de souligner, par la voix de leur porte-parole, Colonel Ismaël Wagué, que tout se décidera avec le peuple.
Mais, l’on note que c’est de façon unilatérale que cet « Acte fondamental » a été élaboré et rendu public. Ce qui a intrigué plus d’un acteur politique, en particulier, le M5-RFP. Le CNSP voulait-il faire un bébé dans le dos du peuple malien ? Les militaires veulent-ils couper l’herbe sous les pieds des braves populations maliennes essoufflées par la gouvernance IBK ? Rien n’est à écarter.
En outre, en vue d’échanger sur la Transition, le CNSP n’a pas cru devoir élaborer et envoyer rapidement des termes de références ou des invitations en bonne et due forme avec mention de l’ordre du jour aux différentes organisations constituant les forces vives du pays. Les militaires se sont simplement contentés d’un « Communiqué officiel » rendu public, dans lequel ils ont listé les acteurs invités. Ce qui a, du reste, suscité la colère du M5-RFP, qui affirme ne pas avoir été invité dans son entité propre. Laquelle protestation, ajoutée visiblement à l’impréparation de la rencontre, a fini par pousser le CNSP à un rétropédalage pourreporter les dites concertations à une date ultérieure.
Tous ces éléments créent un climat de suspicions, qui n’est pas de nature à cimenter les militaires et le peuple, dont une majorité écrasante s’est félicitée du coup d’Etat ayant renversé IBK le 18 août dernier. Et, surtout que face aux positions trop tranchées de la CEDEAO et de la communauté internationale en général, il aurait fallu avoir un meilleur contexte d’amorce de la Transition pour lui assurer ses chances de réussite.L’on ne peut, dans le contexte actuel de sanctions communautaires contre le pays, plaider pour que les uns et les autres privilégient véritablement les intérêts d’un peuple qui agonise.
Boubou SIDIBE
Source : Maliweb.net