La mise en place rapide d’une transition politique. C’est ce que réclament les acteurs sociopolitiques maliens et les partenaires du Mali depuis la chute du régime de Ibrahim Boubacar Keita. Mais trop pressé dans cette démarche, on risque de mettre en place une transition bâclée. Ce qui sera fatal pour le Mali. Il faut d’abord une concertation sérieuse, la plus inclusive que possible avec des forces vives de la nation.
Le départ d’IBK est obtenu après les manifestations des millions de Maliens et l’intervention des militaires le 18 août 2020. Mais de gros travaux restent à faire. Il s’agit de la mise en place d’une transition qui sera chargée de mener les réformes nécessaires et organiser les élections générales transparentes et crédibles. Quelle architecture doit avoir cette transition ? Sa durée ? Son leader ? …sont entre autres les questions que se posent beaucoup de Maliens. Les militaires qui ont renversé le régime IBK, eux, sont sous pression de la communauté internationale. La CEDEAO, après avoir mis le Mali sous embargo, exige une transition civile avec un gouvernement dirigé par un civil pour un délai maximum d’une année. La France, partenaire stratégique du Mali, va loin en demandant la mise en place d’une « transition rapide » avec des civils comme dirigeants pour une durée d’un an maximum aussi.
Au Mali, plusieurs partis politiques également réclament déjà une transition politique dirigée par un civil. Il ressort de toutes ces recommandations, le choix d’une personnalité consensuelle. Comment avoir cette personnalité qui fera le consensus ? Il faut une concertation des forces vives de la nation. Une concertation digne de ce nom, pas celle précipitée et bâclée comme a voulu organiser le CNSP le samedi dernier.
En effet, à travers un communiqué publié le vendredi, le Comité national pour le salut du peuple (CNSP) a annoncé la tenue d’une concertation avec les forces vives de la nation juste le lendemain, c’est-à-dire le samedi 29 août 2020. En voyant la liste des organisations invitées à la rencontre, on comprend aisément que c’est un travail fait à la hâte. La preuve : certaines organisations, pas les moindres, à savoir les religieux, la Cafo, la jeunesse, la diaspora, le secteur privé, le M5-RFP …n’ont pas été invitées. Pis, il n’y a pas eu de termes de référence (TDR) sur lesquels les échanges allaient se porter.
N’eut été la décision du boycott du M5-RFP, qui a conduit au report de ladite rencontre pour problème organisationnel, c’est la vie de la nation malienne pendant des mois qui allait se décider ce jour-là. Mais comment, en quelques heures, environ 400 personnes pourraient discuter sérieusement de la vie de la nation ? Impossible. Quelle serait la réaction des organisations non invitées à ladite concertation ? Le dirigeant de la transition choisi dans ces conditions aurait-il de légitimité, du soutien de la majorité du peuple malien et aboutir à l’organisation d’élections générales crédibles et transparentes ? Très incertain.
Certes, le temps presse, mais le CNSP a aussi besoin d’un temps raisonnable pour organiser des vraies concertations inter-maliennes dont les résolutions seront acceptées par tous. Les pressions de la CEDEAO, de la France et d’organisations sous régionales et internationales font peur et jouent sur le Mali, mais la junte n’a pas droit à mettre en place une transition bâclée. Or, pour réussir cette transition, il faut écouter toutes les forces vives de la nation , prendre en compte les exceptions du Mali par rapport aux autres pays. Cette transition, qu’elle soit dirigée par un civil ou un militaire, doit résoudre les problèmes liés à la loi électorale au Mali, les problèmes de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Elle doit se faire en sorte que le Mali puisse avoir un président élu dans la plus grande transparence afin d’éviter un autre coup d’État militaire. Et l’atteinte à ces objectifs dépendra des Maliens, eux-mêmes, de ce qu’ils vont décider lors des concertations. Donc, le CNSP doit encore se donner le temps de bien préparer les concertations, faire en sorte qu’elles soient les plus inclusives que possible afin que tous les Maliens parlent le même langage. La réussite de la transition passe par ce chemin. Donc, évitons la précipitation, le travail bâclé.
Boureima Guindo
Source : Le Pays