Depuis la démission de l’ex-Président de la République Ibrahim Boubacar Kéita ainsi que la dissolution du gouvernement et de l’Assemblée Nationale, le Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP) est devenu l’organe qui assure la continuité de l’Etat et la gestion des affaires courantes dans le pays.
S’il y a une chose qu’on peut bien dire au stade actuel des choses, c’est que le CNSP ne fait pas preuve d’une grande habileté dans la conduite politique des affaires de l’Etat. En entrant sur la scène politique ce mardi 18 août, les jeunes militaires réunis au sein du Comité National pour le Salut du Peuple ont porté un second manteau qui ne permette plus de les juger uniquement sur leur seule aptitude d’hommes aguerris sur le terrain militaire. Ils sont désormais des politiques faits, invités à gérer un pays qui souffre justement du mal de ces hommes politiques qui n’ont pas su accomplir les missions à eux confiées par le peuple malien.
Cependant, les premières démarches entamées par les militaires organisés au sein du CNSP dans le cadre de la gestion de la période de transition, ne rassurent pas tellement l’opinion nationale. Quand ils ne refusent pas de s’assumer, ils perdent du temps dans des rencontres interminables avec certains acteurs à Kati sans oublier leur impréparation pour engager le chantier de refondation du Mali avec l’ensemble des maliens.
Refus de s’assumer
Depuis les évènements du 18 août dernier, le CNSP qui a bien mis fin au régime de Monsieur Ibrahim Boubacar Kéita, se refuse de reconnaitre son coup-d ’Etat perpétré en bonne et due forme. Si fait que les jeunes militaires ont tenté de malmener juridiquement la Constitution du 25 février 1992 en la suppléant par un Acte Fondamental. Ce dernier, déclarent-t-ils, n’a pas vocation à supplanter la Constitution en vigueur mais ils refusent de reconnaître les dispositions juridiques contraires à celles édictées dans l’Acte Fondamental. Etrange tout de même !
De même, à l’occasion de l’Atelier de validation des Termes De Référence en prélude à la tenue de la grande concertation nationale sur la transition prévue pour les 10,11 et 12 septembre de ce mois, le CNSP qui de tous points de vue, n’est pas prêt à laisser le pouvoir- particulièrement la présidence de la transition- entre les mains des civils (ce qui est tout à son honneur), se refuse de l’affirmer publiquement. Il aurait dû profiter de cette occasion pour soumettre à l’appréciation de ces nombreux maliens qu’ils ont conviés pour l’occasion, leur propre architecture pour la transition.
Que la communauté internationale l’accepte ou pas, une bonne partie de l’opinion nationale malienne souhaite voir les militaires diriger cette transition. Il n’y aurait eu donc pour eux, aucun mal à se proposer pour la présidence de la transition et être ainsi en phase avec les aspirations de cette importante majorité des maliens. Mais hélas ! le CNSP a comme d’habitude utilisé le silence, signe de leur refus de s’assumer en toute responsabilité.
Nous sommes pourtant arrivés à un stade où la page de l’ancien régime doit tourner et qu’ainsi par ce fait, ceux qui souhaitent diriger cette nouvelle transition, s’affirment en sortant de l’ombre. Le temps n’est pas notre meilleur allié.
Perte de temps
Depuis sa première déclaration télévisée dans la soirée du 18 août dernier, les membres du CNSP reçoivent au quotidien de nombreux maliens et amis du Mali sans au final satisfaire le besoin d’information des nombreux maliens qui exigent d’en savoir plus sur leur devenir.
Il est supposé que toutes ces nombreuses rencontres ont lieu pour parler du Mali et uniquement du Mali. Alors, la véritable question est de savoir pourquoi ces cachotteries habillées certainement sous le sceau mal compris du ‘’secret d’Etat’’…
C’est de cette même manière que le comité est entré en discussion avec les émissaires de la CEDEAO dans les premières heures du coup-d’Etat. Les militaires ont tenté de définir sur le dos des maliens les contours de la transition. Un vrai désordre communicationnel à travers des soubresauts de « démentis-reconfirmation » a sillé l’atmosphère malienne qui a failli devenir fébrile un moment.
Ces rencontres interminables sans aboutissement conséquent pour l’instant, constituent une perte énorme de temps pour le Mali qui, nous l’avons rappelé, n’a pas le grand luxe d’en disposer suffisamment, au point d’en perdre.
Le dernier acte en date est celui qui a prévalu lors de ces journées de validation des Termes de Référence qui deviennent à la limite un Dialogue National Inclusif (DNI) bis. On a comme l’impression que ces concertations dont le but ne devrait pas être de refaire la roue déjà mise en place par le DNI mais plutôt de définir les contours de la transition, offrent du déjà-vu si on ne va pas à l’essentiel.
Impréparation
Directement annoncées pour le samedi surpassé, les concertations nationales pour discuter de l’architecture de la transition avaient été précipitamment annoncées, avant que le CNSP n’opère un sage rétropédalage afin de mettre balle à terre et chercher à définir le cadre idéal pour aller vers des concertations d’une telle importance.
Faut-il rappeler d’ailleurs que malgré tout, à Bamako, les rencontres du samedi dernier ont mal débuté pour des raisons de mauvaise organisation.
Il faut le dire ; on ne devient pas politique en un jour. Les jeunes militaires du CNSP ne peuvent pas manœuvrer comme de vieux rompus à la tâche mais ils peuvent cependant solliciter le soutien et l’accompagnement des nombreux maliens qui ont cette capacité. C’est ce manque d’anticipation qui pose problème. Nous devons vite sortir de cette phase pour faire face aux véritables défis que doit relever la transition. Le chantier est immense et les maliens attendent beaucoup d’elle.
Ces péchés mignons du CNSP bénéficient jusqu’ici de la clémence des maliens qui demeurent reconnaissants envers leurs « sauveurs ».
Ils ne maîtrisent pas pour le moment ces schémas indispensables à connaître pour la gestion de l’Etat. Mais faut-il qu’ils apprennent de leurs erreurs et cherchent à se défaire de ces défauts qui ne doivent prospérer en aucun cas.
Que les péchés mignons jusqu’à ce stade, ne deviennent des péchés capitaux impardonnables !
Lamissa Diarra.
Source : La lettre du Mali