Militant acharné des droits de l’homme, l’avocat sud-africain a permis à l’icône de la lutte contre l’apartheid d’échapper à la peine de mort. Sa longue carrière est indissociable de l’histoire politique récente de l’Afrique du Sud.
L’avocat sud-africain George Bizos, qui avait défendu l’icône de la lutte anti-apartheid Nelson Mandela est mort, mercredi 9 septembre, à l’âge de 92 ans, de causes naturelles à Johannesburg, a indiqué sa famille dans un communiqué.
Le président Cyril Ramaphosa a annoncé son décès à la presse lors d’un briefing en ligne. « C’est un moment très triste pour notre pays », a-t-il dit, précisant que George Bizos a été l’un des « architectes » de la Constitution de l’Afrique du Sud.
La longue carrière de ce fin juriste est indissociable de l’histoire politique récente de l’Afrique du Sud.
Pendant les années d’oppression de la majorité noire, cet avocat blanc défend de grandes figures militantes du Congrès national africain (ANC) qui lutte contre le régime d’apartheid. Quand le pouvoir blanc est sur le point de tomber, il participe à l’élaboration de la nouvelle Constitution démocratique du pays.
Et une fois l’apartheid aboli, il contribue à la mise en place de la Commission vérité et réconciliation, chargée d’enquêter sur les crimes politiques de l’ancien régime.
« Si George Bizos n’avait pas été avocat, il aurait été un acteur digne de recevoir un oscar », avait estimé l’archevêque et Prix Nobel de la paix Desmond Tutu, à l’occasion de son 80e anniversaire.
« Si besoin est »
Le juriste d’origine grecque rejoint en 1963 l’équipe d’avocats chargés de défendre une dizaine de hauts responsables de l’ANC, dont Mandela, lors du procès dit de Rivonia. Les accusés sont poursuivis pour sabotage et encourent la peine de mort. La plupart seront, à la surprise générale, condamnés à la prison à vie.
George Bizos est crédité de la stratégie payante adoptée par Mandela qui avait prononcé à la barre une plaidoirie en forme de profession de foi restée célèbre.
« J’ai chéri l’idéal d’une société libre et démocratique dans laquelle toutes les personnes vivraient ensemble en harmonie et avec les mêmes chances », avait lancé le dirigeant de la branche armée de l’ANC. « C’est un idéal pour lequel j’espère vivre et agir. Mais, si besoin est, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir ».
L’avocat avait conseillé à son client d’ajouter « si besoin est », pour éviter que le régime ne voie dans ses propos une incitation à devenir un martyr et le condamne à mort. Il continuera à défendre Nelson Mandela pendant les vingt-sept années que ce dernier passera derrière les barreaux, jusqu’à devenir un de ses plus proches amis.
Les deux hommes s’étaient rencontrés sur les bancs de la faculté de droit à Johannesburg dans les années 1950, avant d’exercer ensemble la profession d’avocat.
En 1993, George Bizos est du voyage à Oslo quand Nelson Mandela reçoit le prix Nobel de la paix. Il se voit aussi confier la délicate tâche d’exécuter le testament de l’ancien président sud-africain, mort en 2013.
Dans son autobiographie, La Longue Marche vers la liberté, Mandela l’avait décrit comme « un homme à la fois compatissant et à l’esprit perspicace ».
L’appel du prétoire
Né en 1927 en Grèce, George Bizos arrive adolescent en Afrique du Sud, fuyant avec son père en 1941 son pays occupé par les nazis.
Arrivé avec quelques mots d’anglais en poche, il passe l’examen du barreau et se fait rapidement le spécialiste des affaires qui attirent les foudres du gouvernement de l’apartheid. Après le procès Rivonia, il défend la famille de Steve Biko, mort en 1977 sous les coups de la police du régime raciste, et celle du leader communiste Chris Hani, assassiné en 1993.
Plusieurs fois, il annonce sa retraite. Mais l’appel du prétoire est trop fort pour celui dont la moustache a blanchi et la démarche s’est ralentie.
En 2003, il défend Morgan Tsvangirai, chef du principal parti d’opposition au Zimbabwe, poursuivi pour trahison contre le président de l’époque, Robert Mugabe. L’opposant est acquitté.
« Quelle que soit l’oppression exercée par un régime, le tribunal est le dernier espace où une personne opprimée peut prendre la parole », expliquait George Bizos.
Après la mort par balle de 34 mineurs en 2012 en Afrique du Sud, le vieil avocat avait une nouvelle fois revêtu sa robe pour défendre les familles des victimes du pire massacre commis par la police depuis la fin de l’apartheid.