Sommes-nous à présent conscients de tous les nouveaux pièges qui s’ouvrent devant et qui risquent de compromettre la refondation du Mali pour laquelle nous avons mené contre Ibrahim Boubacar Keïta et son régime une lutte téméraire ? Grave question au moment où les concertations nationales voulues pour nous permettre de jeter les fondations d’un Mali nouveau ont plutôt donné l’occasion à des empoignades fratricides, en lieu et place des idées constructives et de l’érection des garde-fous à même de nous prémunir des expériences traumatisantes de naguère.
L’après-IBK semble être malheureusement désenchanteur pour le moment. C’est comme si nous avons abattu la dictature avec tous ses dérèglements (vols, concussions, délinquances financières multiples, prédations multiformes, assassinats non élucidés, etc.) et que dans sa chute elle a entraîné l’impossibilité pour nous de redresser la patrie. Situation favorable, du reste, à la résurgence des vieux démons.
Or, nous sommes à la croisée des chemins où, comme le disait très tôt le colonel Assimi Goïta, nous n’avons plus droit à l’erreur. C’est d’ailleurs pour cela que le M5-RFP, incarnant la légitimité populaire, s’est battu en toute responsabilité pour mettre fin au régime de la démolition nationale.
Mais les pièges semblent être désormais les fruits de la victoire. Cnsp et M5-RFP, les deux acteurs majeurs de la fin du régime prédateur, ne regardent plus dans la même direction ; ils en sont d’ailleurs à se tirer dans les pattes. Triste réalité qui prépare le lit à des affrontements futurs, entre les citoyens aux mains nues et les militaires à la gâchette facile, comme on l’a vu durant les folles journées des 10, 11 et 12 août. Ce n’est pas ça le sens de l’insurrection populaire qui a permis la révolution.
Celle-ci a été pour nettoyer les écuries d’Augias, pour remettre le Mali sur les rails, pour assurer aux Maliens le bien-être auquel ils aspirent. Mais nous sommes loin de sortir de l’auberge. Les militaires veulent garder le pouvoir, rien d’autre, on le sent à chacun de leurs actes. Quitte à garder tout le pouvoir et certainement pour ne rien réussir dans l’union, ils s’appuieront sur les déchus d’hier, par peur de ne pas pouvoir maîtriser le M5-RFP auréolé de sa force de frappe. Autant redouter que le Cnsp regarde désormais son allié naturel en chien de faïence.
Les défis sont pourtant nombreux pour le pays et c’est ce qui importe de voir avec l’oeil du patriote.
Tout compte fait, le Cnsp tient aujourd’hui les rênes de l’État. Il lui incombe donc de procéder au plus vite à tous les réglages possibles pour ne pas pousser (obliger ?) le M5-RFP à devenir un adversaire résolu. Le Mali ne gagnera rien dans cette affreuse perspective.
C H Sylla
Source : L’aube