Gestion des affaires publiques : Pourquoi le Mali veut militariser sa gouvernance

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L'ex CNSP

Tout porte à croire que les forces vives du Mali préfèrent, majoritairement, confier leur destin à un pouvoir en treillis. Du moins, durant les périodes de crise ou d’effort collectif de redressement.

Selon de nombreux historiens et chercheurs, le passé d’empire du Mali n’est pas étranger à cette forme de prédisposition des Maliens à s’accommoder d’un pouvoir militaire.

En effet, selon des spécialistes, avec son histoire marquée par plusieurs royaumes, dotée d’une organisation spécifique, le Mali semble prédisposé à un pouvoir fort. Celui-ci doit être incarné par des institutions fortes, comme le plaidait le président Barack Obama.

Cette prédisposition du Mali est renforcée par la réalité géographique du pays. Son vaste territoire délimité par 7 pays voisins, les uns en compétition d’avec les autres, et aussi sa continentalité et surtout son vaste espace désertique lui impose un besoin de militarisation.

C’est dans ce sens que, relèvent les historiens, depuis son indépendance, le Mali a opté pour un régime socialiste lui offrant un partenariat dopant avec l’ex-bloc soviétique. Ainsi, Bamako trouvait en Moscou, l’allié sûr susceptible de lui assurer une base de militarisation et de renforcement des forces armées du pays. Les premières missions militaires au Mali n’étaient-elles pas sous la direction des officiers soviétiques ? Les premiers appareils de l’Armée de l’air du Mali n’étaient pas des livraisons russes ? Tout n’a-t-il pas été un ingrédient pour la brouille entre la France et l’ancienne colonie, issue de l’éclatement du Soudan français ? Et c’est l’un des éléments explicatifs du coup d’Etat de 1968 avec la prise du pouvoir par le Lieutenant-colonel Moussa Traoré, jeune officier aux ordres de Paris. Celui-ci promis de remettre rapidement le pouvoir au civil, mais finira par passer 23 ans à la tête du Mali.

Le besoin de militarisation poussera certains officiers à entendre l’écho sonore du discours de la Baule de François Mitterrand pour intervenir à nouveau sur la scène politique le 26 mars 1991. Les officiers supérieurs Amadou Toumani Touré, Kafougouna Koné et autres militariseront encore la gouvernance politique du pays. Tant durant la transition qu’après le règne de parenthèses démocratique civile du président Alpha Oumar Konaré, le Mali s’est presque toujours abonné au pouvoir kaki.

Situation majeure à signaler, le régime démocratique du Général à la retraite Amadou Toumani Touré à partir de 2002 sera un peu fragilisé par l’option du consensus politique. ATT a ainsi gouverné avec presque toutes les chapelles politiques qui comptaient dans le pays. Il dira que son parti est celui de la demande sociale ; contrairement à Alpha Oumar Konaré, qui n’avait pas renié son obédience politique, celle de l’ADEMA-PASJ. Il avait ainsi eu droit à une opposition avec le CNID de Me Mountaga Tall, le MPR de Dr Choguel Kokalla Maïga. Ils seront rejoints plus tard par un certain Ibrahim Boubacar Kéita, qui a quitté l’ADEMA pour créer le RPM. Ils formeront d’ailleurs le regroupement Espoir 2002 avec d’autres petits partis.

Mais le consensualisme politique ou l’option de la « gestion concertée » du pouvoir va créer les conditions d’un laxisme et d’une certaine complaisance à différents niveaux de la sphère étatique. Ce qui sera un facteur favorable à la résurgence de la rébellion dans le septentrion du pays. Et c’est cette nouvelle crise sécuritaire qui finira pas pousser les militaires, des sous-officiers et des subalternes à la solde du capitaine Amadou Haya Sanogo à renverser le régime du président ATT, le soldat de la démocratie le 22 mars 2012. Le Mali venait ainsi de renouer au pouvoirmilitaire, avec cette fois de nombreuses dérives…

Sommé et pressé de partout, le capitaine devenu Général Amadou Haya Sanogo résistera à la tête de l’Etat, avant de finir par nommer un Premier ministre, Dr Cheick Modibo Diarra, qu’il voulait à sa solde, comme homme de paille. L’expérience se terminera mal avec plusieurs incidentes et des actes peu honorables…

Mais, lors de ce troisième coup d’Etat aussi, les Maliens, dans une frange non-négligeable, réclamaient vivement que le pouvoir soit laissé dans les mains des militaires putschistes, du moins pour une période significative. Des partis politiques et associations ont bruyamment embouché la trompette de la militarisation du pouvoir pour « mettre de l’ordre dans la cité ». Le parti SADI, le regroupement COPAM, l’association YéréWolo Ton et d’autres ont voué le président intérimaire installé au forceps, avec l’intervention forte de la CEDEAO, ont vainement remué ciel et terre contre Pr Dioncounda Traoré. La suite, ce président de transition sera passé à tabac dans ses bureaux au Palais présidentiel de Koulouba !

L’on a l’impression aujourd’hui que le coup d’Etat, un peu plus élégant du 18 août 2020 est une sorte de dernier épisode des événements de 2012. Cela veut dire que la soif chez de nombreux Maliens de voir le pays refondé par une touche militaire n’est pas assouvie jusqu’au 18 août dernier. IBK n’avait-il martelé que Kati ne fera plus peur à Bamako ?». C’est au contraire que l’on a assisté le 18 août 2020 lorsque le président de la République a été arrêté à son domicile, conduit à la garnison militaire de Kati et y finir par annoncer sa démission.

Il apparaît clairement que les Maliens tiennent à un pouvoir militaire capable, selon les observateurs, de donner une nouvelle orientation profonde à la méthode de gestion des affaires publiques. Si cela ne se réalisait pas, l’on peut pronostiquer que les mêmes causes produisant les mêmes effets, des retours de manivelles seront difficilement évités. Et cela la CEDEAO ne semble pas le comprendre. Dommage !

Boubou SIDIBE

Source : Maliweb.net

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