Le rapport annuel 2019 du bureau du vérificateur général a révélé de multiples irrégularités dans le secteur minier. Pour les seules mines d’or SOMILO-SA et GOUNKOTO-SA, le rapport a décelé des irrégularités financières dont le montant s’élève à 60,53 milliards en 2015, 2016 et 2017. Ce n’est pas tout, ces sociétés sont accusées d’énormes irrégularités environnementales.
Riche en ses ressources, mais toujours pauvre, le Mali est certainement victime du comportement peu orthodoxe de certains de ses fils. L’OR auquel le sous-sol malien est riche ne brille pas par les fautes des sociétés minières qui ne respectent pas toutes leurs exigences envers l’État, tant dans la protection de l’environnement que dans le paiement de leurs dus à l’État du Mali. C’est le cas de grandes sociétés épinglées par le rapport annuel 2019 du vérificateur général. Il s’agit de la Société des Mines d’or de Loulo (SOMILO-SA) et de la Société́ des Mines d’or de Gounkoto (GOUNKOTO-SA).
Selon le rapport, une mission de contrôle a été effectuée au niveau de ces deux sociétés minières pour vérifier les opérations de recettes et de dépenses ainsi que les aspects environnementaux au cours des exercices 2015, 2016 et 2017.
Selon le rapport, la mission a constaté des irrégularités environnementales et financières.
Irrégularités environnementales
D’énormes irrégularités environnementales ont été constatées au niveau de chacune de ces deux sociétés, selon le rapport du Vegal. Ces irrégularités sont, selon le rapport de plus de 200 pages, relatives à des pratiques qui portent atteinte à l’environnement et au développement durable.
Au niveau de la mine d’or GOUNKOTO-SA, le DG est accusé de ne pas respecter les exigences dans l’incinération des déchets dangereux. «Le Directeur général de GOUNKOTO-SA ne respecte pas les exigences en matière d’incinération des déchets dangereux. Les cendres issues de l’incinération des déchets dangereux sont transportées dans l’air ambiant lors de leur déversement dans la cellule de confinement et durant tout le temps que cette cellule reste ouverte. Par ailleurs, le port de gants non ignifuges par le personnel chargé des incinérations de déchets, constaté sur les lieux, expose ces derniers à des risques de brûlures graves en cas de mauvaises manipulations », a indiqué le rapport. La société est également accusée de ne pas réaliser de reboisements de réhabilitation et les reboisements compensatoires requis. « En neuf (9) années d’activités, il n’a réhabilité que 36,6 ha sur une superficie réhabilitable de 713,5 ha, soit 5,13% et n’a effectué́ aucun reboisement compensatoire pour les 123 ha de superficie non réhabilitable affectée par les activités de la mine », révèle le rapport du Vegal.
Quant au Directeur général de SOMILO-SA, il est accusé de ne pas respecterles modalités de gestion des rejets polluants dans l’atmosphère. «Il n’a pas installé́ de systèmes d’épuration des gaz nocifs sur les cheminées des installations émettrices de gaz polluants afin de ne pas dépasser les normes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Des dépassements significatifs des normes de 15 parties pour mille (ppm), 100 ppm et 50 ppm, respectivement pour le sulfure d’hydrogène, le monoxyde de carbone et le dioxyde de soufre ont pu être enregistrés sur différents points de contrôle. Ce qui peut affecter dangereusement la qualité́ de l’air ambiant et la santé du personnel sur les sites et de la population riveraine », a décelé le rapport. Aussi, précise-t-on, la société SOMILO-SA n’a pas mis en place toutes les mesures de sécurité́ du personnel sur la station de pompage du Parc à boues. «Il n’affiche pas les informations destinées à renseigner les travailleurs sur la règlementation concernant les accidents du travail et les maladies professionnelles. Il n’a également pas mis en place de dispositif de sauvetage en cas de chute dans l’eau turbinée dont la profondeur est supérieure à quatre mètres. L’absence d’affiches et de dispositif de sauvetage ne permet pas de garantir la sécurité́ des travailleurs », révèle le rapport. Le problème de reboisement épingle aussi cette société. « En quinze (15) années d’activités, il n’a réhabilité́ que 189,25 ha sur une superficie réhabilitable de 1 127,73 ha, soit environ 16,78% et n’a effectué́ aucun reboisement compensatoire pour les 154,3 ha de superficie non réhabilitable affectée par les activités de la mine », lit-on dans le rapport.
Des irrégularités financières de 60,53 milliards de FCFA
En plus des violations graves des exigences environnementales, ces deux sociétés ont causé à l’État malien un manque à gagner de plus de 60 milliards de nos francs. Refus de paiements d’impôts, non-paiement de dividendes dus à l’État du Mali… sont entre autres des pratiques qui ont fait perdre à l’État malien des dizaines de milliards.
Selon le rapport du vérificateur général, «le Directeur général de Randgold Resources Limited (RRL) n’a pas retenu l’Impôt sur le Bénéfice industriel et commercial (IBIC) sur les prestataires étrangers de GOUNKOTO-SA non couverts par une convention de non double imposition pour un montant de 294,73 millions de FCFA ». 26,21 milliards de FCFA, c’est la somme qui devrait être versée par la société SOMILA-SA comme dividendes dus à l’État malien pour l’exercice 2015, 2016 et 2017. Mais curieusement, selon le rapport du Végal, le Conseil d’Administration de ladite société n’a pas autorisé la distribution des 26, 21 milliards à l’État malien.Le Directeur financier de RRL a pris en compte, selon le rapport, dans les États financiers de SOMILO-SA, des charges d’intérêts d’emprunts non justifiés pour un montant de 2,08 milliards de FCFA. Le rapport révèle également que le Directeur général de RRL ait passé des contrats d’emprunts irréguliers pour le compte de SOMILO-SA. « Les conventions de prêt, objet desdits emprunts, devraient être autorisées uniquement par les administrateurs de l’actionnaire non préteur, en occurrence les administrateurs représentant l’État du Mali, ce qui n’a pas été le cas. Le montant des intérêts payés sur ces emprunts irréguliers s’enlevé à 31,93 milliards de FCFA », indique-t-on .
les recommandations du Bureau du Vérificateur général
Après avoir pointé de doigt toutes les irrégularités, le bureau du vérificateur général a fait des recommandations aux autorités du Mali et aux sociétés épinglées. Ces recommandations concernent l’environnement.
Ainsi, le vérificateur général a invité le ministre chargé de l’Environnement à prendre des mesures pour suivre la gestion des produits dangereux dans les mines industrielles.
Au Directeur général de GOUNKOTO-SA, il a demandé, entre autres, de prendre les dispositions nécessaires pour sécuriser les opérateurs des incinérateurs ; mettre en œuvre les mesures nécessaires pour éviter la contamination de l’air ambiant par les résidus des déchets dangereux après incinération ; exécuter les reboisements compensatoires et de réhabilitation conformément aux exigences des textes en vigueur.
Des recommandations ont été également adressées au Directeur général de SOMILO-SA. Il lui a été demandé d’ équiper les cheminées des installations émettrices de polluants d’un système d’épuration des gaz, poussières et fumées, conformément aux textes en vigueur ; informer à temps et régulièrement le Ministère chargé de l’Environnement sur les causes des dépassements des normes de rejets polluants dans l’atmosphère constatée et sur les actions correctives mises en œuvre ou envisagées….
Des dénonciations auprès des autorités compétentes concernant les irrégularités financières
Si le vérificateur général a fait des recommandations pour mettre fin aux manquements par rapport aux irrégularités environnementales, en ce qui concerne les irrégularités financières, il fait des dénonciations auprès du président de la section des comptes de la Cour suprême et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Kayes chargé du pôle économique et financier relativement. Ces autorités sont informées de, entre autres : aunon-paiementdel’IBICdûsurlesprestatairesétrangersdeGOUNKOTO-SA pour un montant de 294,73 millions de FCFA ; non-paiement de dividendes dus à l’État du Mali sur les ressources de SOMILO-SA s’élevant à 26,21 milliards de FCFA ; charges d’intérêts d’emprunts non justifiés dans les états financiers de SOMILO-SA pour un montant de 2,08 milliards de FCFA ; paiements d’intérêts indus à RRL au titre des contrats d’emprunts irréguliers pour un montant de 31,93 milliards de FCFA.
Des dénonciations ont été également faites au niveau de la direction générale des impôts .Elles sont en rapport au non-paiement de l’IBIC dû sur les prestataires étrangers de GOUNKOTO- SA pour 294,73 millions de FCFA et aux charges d’intérêts d’emprunts non justifiés dans les états financiers de SOMILO-SA pour 2,08 milliards de FCFA.
Il faut rappeler que le président de la Transition a promis de faire briller l’Or du Mali. Les responsables de ces sociétés seront-ils bientôt devant le pôle économique ? Le Temps nous le dira.
Boureima Guindo
Source : Le Pays