In memoriam: ATT : Adieu, champion !

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Adam Thiam
Adam Thiam

Le scénario était calé, la trame décidée. Tu devais t’en aller là ou tu es tombé et nulle part ailleurs. A la même heure et à nul autre moment. Le seul vrai maître avait tout confié à son marbre. Devant lui nous sommes si petits ! Et nous ne pouvons que prendre acte de notre précarité,  face à ton corps couché toi qui ne t’étais jamais couché, face à ton silence toi qui avais toujours su avoir eu le mot pour briser la glace et mettre l’hôte à l’aise, face à tant de tristesses visibles, face à tant d’yeux embués pour toi qui tenait toujours le mot pour rire. Nous passons un jour ou l’autre. Mais le passeur que tu fus a été aussi un semeur.

Ici, tu as sur essuyer une larme, là mettre un peu de pain sur les tables, ici redonner l’espoir pour que le regard reste haut et là soutenir la dignité pour qu’elle ne s’effondre jamais. C’est bien cette gratitude qui se manifeste aujourd’hui. Entends pleurer, par milliers et milliers, tes compatriotes des Attbougou fiers de leurs toits. Entends te saluer des millions de Maliens, pour  les routes livrées, les forages réalisés, l’éclairage au cœur de villages qui ne comptaient plus que sur les rayons de la quatorzième lune. Sans parler des salles de classes, des centres de santé, et des hôpitaux! Ceux qui doivent d’être en vie par la gratuité de la césarienne t’oublieront pas. Pas plus que ceux nombreux qui jouissent désormais du sésame désormais jalousement gardé de l’Amo, l’Assurance Maladie Obligatoire.

Tout avait commencé par ton acte salutaire du 26 mars 1991 qui était venu mettre fin au bain de sang. Ton rôle pédagogique dans l’ancrage de notre démocratie n’est pas alors passé inaperçu et cerise sur le gâteau, ce jour de 1992 où le Mali convoqué par sa grande Histoire scellait, sous ton leadership, le Pacte Républicain, privilégiant ainsi les vertus du dialogue au fracas des armes! Certes, quelques verrues côtoient les grains de beauté sur le visage d’un pays qui fut une vitrine chouchoutée jusqu’au 22 mars 2012 où l’Etat s’est effondré en quelques heures. Et on sait pourquoi: ascenseur républicain très souvent mis en panne, institutions rabaissées, contre-pouvoirs en perte de vitesse, graves menaces contre la morale publique. Le genre de scénario où le roi finit par être un otage qui s’ignore, le mirador une tour d’ivoire et la condescendance une valeur. Mais aujourd’hui est le temps de l’exaltation d’un bilan honorable. Du reste, Att ne pouvait- il jeter autant de pierres qu’il pouvait en recevoir ? L’avenir le dira.Il est incontestable cependant que l’infortune de la fin de mandat a terni une formidable légende.

Cette légende, la mort la réhabilitera t-elle un jour ? Ce serait une belle justice pour le héros de la révolution malienne, homme de réalisations et de conclusions, et surtout somme opulente de la nation chez qui chacun d’entre nous voit son reflet de chacun d’entre nous. En dix ans de présidence, dix voyages à Gao, des séjours à Kidal dont la sensiblité était connue et rappelée, des conseils de ministres délocalisés à Sikasso, Ségou,  tous les chefs lieux de la région de Kayes visités. Quant à Tombouctou, il suffit de rappeler ses séjours du « chef de chantier » avec Khadafi puis Chirac. Quid de Mopti, le royaume d’enfance où il fréquenta le Seno, le Delta et la Boucle du Niger. Il a grandi face aux dunes et leur tranquille majesté. Il a navigué sur les fleuves nourriciers du Bani, du Diaka et de l’Issaber, il a vécu dans la familiarité du  soleil se levant et se couchant sur l’embouchure des lacs.

Il a vu les temps d’abondance et les périodes de vaches maigres. Toujours enjoué, parce que du pays de Ali Farka où le sourire est une cure, toujours consensuel car du pays de Bara Sambarou où le mot est exorcisme. Homme  de labeur, il était du pays de Sangha et des rochers ingrats que le génie et l’ardeur au travail d’une ethnie a su rendre productifs. Il était de cet univers qui hélas s’entre-déchire aujourd’hui après avoir inventé  la fructueuse cohabitation du millet et de la viande, du lait et du poisson. Le président Hogon quitte un pays cassé que ses enfants auront à cœur de réenchanter. Plus qu’un espoir, voilà l’espérance de tout un peuple.  D’ici à ce que les plaques distendues de notre modèle social se ressoudent, nous te disons merci pour tous et adieu champion!

Adam Thiam

Source : Maliweb.net

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