Depuis le coup d’état d’août 2020, une frange importante de l’opinion malienne manifeste son désir de changement dans la gestion des affaires publiques. Nombreux sont les maliens à exiger également l’audit de la gestion de l’ancien régime, à commencer par certaines institutions de la République qui, 7 ans durant, ont été éclaboussées par de nombreux scandales. De son côté, le mouvement « M5 » qui avait joué un rôle majeur pour mettre fin au régime IBK, a tenu sa première réunion, depuis l’avènement de la « transition politique » enclenchée après le putsch des militaires.. La réunion qui s’est tenue, 22 février dernier au Palais de la culture, a permis de mettre en exergue les positions du mouvement qui demande :« l’audit des Institutions de la République… C’est dire que les regards sont tournés vers les autorités de la transition, précisément le président Bah N’Daw pour ordonner l’audit réclamé…
Cette exigence d’audit des finances publiques et de la dette intérieure de l’État, audit des institutions de la République, la présidence, l’Assemblée nationale et toutes les autres institutions de la part du Mouvement du M5 rencontre un écho favorable au sein de l’opinion publique.
D’autant plus, qu’aujourd’hui, la corruption s’étend à tous les secteurs économiques et sociaux : douanes, impôts, marchés publics, police, justice, hôpitaux, etc. Elle ne conduit pas uniquement au gaspillage des maigres ressources publiques, elle asphyxie l’appareil productif et fait du Mali un paradoxe économique. Et les Autorités de la Transition par la voix du Président de la Transition, Bah N’Daw, du Premier Ministre Moctar Ouate se sont engagées à plusieurs occasions à mener une lutte sans merci contre les délinquants financiers. Cependant, la réalité est là : ces discours volontaristes sont loin de se traduire en actes. De nombreux dossiers consécutifs aux scandales sous le régime défunt dorment à présent dans le tiroir. Et les auteurs des détournements de deniers publics (nullement inquiétés) pavanent dans les rues à l’intérieur et extérieur du pays. Que font les nouvelles autorités afin de permettre à l’Etat de recouvrer les milliards détournés du trésor public ? A quand des poursuites judiciaires contre les auteurs de ces détournements ? A quand également des poursuites dans le cadre de certaines grosses affaires, notamment celles de l’achat de l’avion présidentiel, de l’acquisition de matériels pour l’armée ou encore de la rénovation du palais de Koulouba ? Le souhait de la majeure partie du Peuple est le retour à la justice sociale et la lutte contre l’impunité. Donc, il est temps d’entamer des procédures judiciaires contre toutes les personnes physiques accusé de corruption, détournement des biens ou des fonds publics. Cela sans complaisance aucune. Il ne doit pas y avoir d’état d’âme dans l’application des textes. La loi est dure, mais c’est la loi et son application pour que nul n’en soit au-dessus, comme l’a promis le Président de la Transition, dans son discours d’investiture. C’est la seule voie qui pourrait mener certainement à la refondation.
Ainsi, le Mali a été le théâtre, durant ces dernières années, de beaucoup de scandales côté corruption, de détournements des deniers publics. Des scandales qui ont mis la République au fond d’un gouffre financier sans précédent dans l’Histoire de notre pays.
Aussi, plusieurs milliards de FCFA sont détournés par an à cause de la corruption. C’est selon plusieurs Rapports dont celui du Bureau de Vérificateur Général qui élabore périodiquement un document de contrôle sur la gestion des deniers publics. Tous les secteurs sont infestés : santé, éducation, emploi, sécurité, justice, … En 2018, un Rapport canadien sur le traitement judiciaire des cas d’irrégularités financières précise que « près de la moitié des dossiers font l’objet d’un classement sans suite ; donc, pas de poursuites, faute d’infraction pénale ». Ce qui amène à un « niveau très bas de recouvrement de 6,5 % du montant total des irrégularités financières ». En clair, les Autorités maliennes n’auraient récupéré qu’environ 48 milliards de francs CFA (73,2 millions d’euros) sur les 741,5 milliards de francs CFA d’irrégularités financières constatées par le BVG entre 2005 et 2017. On attend, en somme, plus de rigueur de la part des Autorités de la Transition dans le recouvrement des irrégularités financières.
Scandales en séries…
Au-delà des rapports du Bureau de Vérificateur Général plusieurs autres sandales ont ébranlé le Mali ces dernières années. Les affaires sombres les plus emblématiques restent celles liées à l’achat de l’avion présidentiel, acquis à la suite d’un montage financier opaque mêlant sociétés-écrans et hommes d’affaires douteux. Hors de toute inscription budgétaire, 20 milliards de francs CFA ont été sortis des caisses de l’Etat pour acquérir un Boeing 737 non encore immatriculé au nom du Mali, alors même que le pays dispose d’un avion présidentiel (Boeing 727) en bon état et dont l’assurance contractée auprès de l’assureur londonien, Allianz, avait été renouvelée jusqu’en 2015. Le FMI (Fonds monétaire international) et la Banque mondiale étaient sortis de leur réserve pour exprimer leur mécontentement. Le Bureau du Vérificateur général a été commis par le Fmi pour auditer cette affaire, ainsi que la section des comptes de la Cour suprême par le gouvernement malien. Les rapports de ces deux structures de contrôle sont accablants : des surfacturations comprises entre 29 milliards et 38 milliards sont décelées. Pis, aujourd’hui encore, nul ne sait si l’avion appartient au Mali.
Au même moment, était révélée aux Maliens et au monde entier la nature d’un marché de gré à gré de 69 milliards de F CFA attribué, en violation des règles des marchés publics, à un proche de la famille présidentielle. Avec l’avenant, le marché a finalement porté sur 108 milliards de FCFA. Le fait que le marché soit attribué de gré à gré est un piétinement flagrant des principes élémentaires de passation de marché public. Pire, dans le même contrat, les Maliens apprendront que le ministre des Finances, Mme Fily Bouaré, a couvert ce marché par une garantie de 100 milliards de francs CFA. Des personnalités, l’on se souvient, avaient profité de ces affaires en se livrant à des surfacturations dont seules les Républiques bananières ont le secret.
Bien d’autres marchés de ce genre existent, surfacturés et couverts par l’impunité. En avril 2016, le gouvernement a remis au MOC (Mécanisme opérationnel de coordination) 42 véhicules destinés aux patrouilles mixtes. La presse a rapporté que lesdits véhicules ont coûté à l’État 2 milliards 300 millions de FCFA, soit plus de 50 millions l’unité. Le Parena a, au mois suivant, publiquement critiqué ce marché et sollicité l’intervention des pouvoirs publics pour sauver l’argent public. En vain!
Après l’affaire de l’avion présidentiel et des équipements militaires surfacturés, le Malien lambda était loin de s’imaginer qu’un autre scandale, portant lui aussi sur des milliards de FCFA, éclaterait. Ce énième scandale portait sur une soixantaine de milliards F CFA destinés à l’achat de l’engrais pour les paysans, sous forme de prêts à rembourser dès la fin des récoltes dans les opérations de développement rural.
C’est un minuscule GIE (Groupement d’intérêt économique) qui était chargé de l’attribution, à travers un avis d’appel fort douteux, de ce gros et juteux marché à des fournisseurs, parfois sans foi ni loi. Il a fallu qu’un concurrent mécontent crache dans la soupe, en soumettant au test de conformité l’engrais d’un rival à un laboratoire de la place, pour que le pot aux roses soit découvert et que la vérité dans toute son horreur commence à être étalée sur la place publique. Le président de la République a promis la fermeté dans ce dossier, au cours de la session du Conseil supérieur de l’agriculture qu’il a présidée le 16 mai 2016. L’opinion a longtemps attendu sa réaction. En vain !
L’impunité encourageant de nouvelles atteintes à la morale publique, une nouvelle affaire dite « des 1000 tracteurs » a été révélée à l’opinion malienne.
Un autre scandale qui a éclaboussé le mandat d’IBK : l’attribution des 1552 logements sociaux de Tabacoro, dans laquelle il a été orchestré une véritable magouille à ciel ouvert. En plus des ministres de la République et des cadres de l’administration Ainsi, sous IBK, le Mali est entré dans une nouvelle ère des logements sociaux. Désormais, tous les bénéficiaires doivent avoir un caractère particulier : être militant ou sympathisant d’un parti de la mouvance présidentielle, ou avoir un lien avec un président ou un membre des institutions de la République. Le dernier scandale qui aurait marque le règne d’IBK est l’achat de 2 hélicos Puma, en 2017. Ce scandale a éclaté après que l’ancien président de la République IBK ait confirmé dans un entretien à Jeune Afrique que les avions achetés sous son magistère sont cloués au sol « faute de maintenance appropriée ». Apres c’était au tour du président de la commission défense de l’Assemblée nationale de l’époque, Karim Keïta, de déclarer, lors d’un colloque à Paris : « les hélicoptères que nous avons achetés ne peuvent plus voler, ça marchait au début mais vraisemblablement on a un problème d’entretien depuis l’achat, je me demande si, on n’a pas été floué à l’achat »…
Cette déclaration a réveillé les forts soupçons de surfacturation et les malversations portant sur les ressources financières destinées à acquérir des équipements pour l’armée.
Il urge donc pour la Justice de donner suite sur un certain nombre de dossiers qui ont mis à mal notre pays. . C’est dans, notamment, l’achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires, des engrais frelatés… dont les présumés coupables n’ont nullement été pour le moment inquiétés. Ces affaires sont aujourd’hui pendantes au niveau de la Justice.
Mémé Sanogo
Source : L’Aube