Notre dernière rencontre remonte à octobre 2019 au siège de la Francophonie pour la commémoration des 70 ans des Éditions de Présence africaine où j’ai prononcé un discours d’hommage à Seydou Badian Kouyaté.
Djibril Tamsir Niane c’est à jamais le symbole de la renaissance culturelle et historique de l’Afrique à travers son célèbre ouvrage « SOUNDJATA où L’épopée mandingue »
À l’Unesco nous devons à cet homme d’avoir exhumé la charte du Kurukanfuga ou la charte du Mandé qui sera reconnue comme Patrimoine mondial immatériel. C’est cette charte qui au 13eme siècle fixait les règles d’organisation sociale et politique de l’empire du Mandé. Elle bat en brèche les thèses tendant à faire croire que l’Afrique n’a pas connu d’organisation digne de ce nom. La charte du Mandé adoptée en 1236 après la bataille victorieuse de Kirina, déterminait l’organisation sociale de l’empire, la répartition des pouvoirs et des tâches et fixait les libertés publiques. Même s’il a fallu attendre plus de 50 ans après la parution de son livre pour fixer la structuration de la charte, on lui doit les éléments principaux, énoncés dans son ouvrage.
Il a codirigé avec Joseph Ki-Zerbo la publication du volume IV de l’Histoire générale de l’Afrique sous les auspices de l’UNESCO. Il est également auteur de pièces de théâtre comme « Les Fiançailles tragiques. »
Comme Amadou Hampate Bah, ou encore Boubou Hama du Niger et Oumar Bah de la Mauritanie, il a été un grand chantre de la tradition orale. Il a recueilli une masse importante de connaissances des terroirs africains notamment Ouest-africains qu’il a diffusé par différents canaux pour donner aux jeunes générations les repères et leviers indispensables pour leur affirmation identitaire.
Sa relation avec le Mali tient sur beaucoup de points scientifiques et culturels. Il a été au cœur du colloque dans les années 1970 sur la tradition orale, lequel colloque a donné suite à des ouvrages de référence sur le Mandé sous la direction de Youssouf Tata Cissé.
En 2017 il était au côté du Mali pour la phase régionale de la conférence mondiale des humanités et la Journée mondiale de la culture africaine pour transmettre ce savoir immense qu’il a amassé le long de sa vie.
Il est demeuré jusqu’à ce jour une référence majeure de toutes les générations grâce à la résonance continentale de son chef-d’œuvre, devenu depuis les indépendances un classique africain dans toutes les écoles.
Qu’il repose en paix!
Dr Oumar KEÏTA
Ambassadeur délégué permanent du Mali auprès de l’UNESCO
Source : Malijet