Lettre ouverte au colonel Assimi GOITA

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© Nipah Dennis, AFP Assimi Goïta, président du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) au Mali, lors de la réunion de la Cédéao, à Accra, au Ghana, le 15 septembre 2020
© Nipah Dennis, AFP Assimi Goïta, président du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) au Mali, lors de la réunion de la Cédéao, à Accra, au Ghana, le 15 septembre 2020

Colonel Assimi GOITA, vu la situation sociopolitique actuelle du Mali, j’ai jugé nécessaire de vous faire parvenir cette correspondance. Car je suis convaincu que les impressions et les sentiments des Maliens sur vous et la gestion actuelle des affaires de l’État,qui y sont contenus, vous seront d’une grande importance.

Colonel Assimi Goïta, je vous adresse cette correspondance parce que c’est votre mouvement, le Comité national pour le salut du peuple (CNSP), qui a renversé le régime d’Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK) tout en faisant rêver le peuple malien d’un avenir meilleur.

Monsieur Goïta, vous n’êtes pas sans savoir que ce coup contre IBK a été une grande surprise pour tout le monde, par la manière dont vous l’avez conduit. Personne n’imaginait qu’IBK allait quitter aussi facilement le pouvoir bien vrai que tous les signes étaient là pour montrer qu’il ne pouvait plus terminer son mandat. Car on avait l’impression que tous les secteurs étaient à l’arrêt au Mali.

Monsieur Assimi Goïta, je vous rappelle que c’est la mauvaise gouvernance ainsi que la non-obéissance à la parole donnée que les Maliens reprochaient à IBK et son clan. La quasi-totalité des Maliens était unanime que le pays n’était plus dirigé au sens propre du terme. Ainsi, la majorité d’entre nous craignait l’écroulement même du pays.

Votre intervention, Monsieur Goïta, ou dois-je dire, l’intervention du CNSP, a été jugée salutaire parce qu’elle a raccourci l’agonie du peuple malien et évité le bain de sang. Sauf d’être un borgne ou un aveugle, sinon personne ne pouvait désapprouver votre action. Même la France, qui était considérée comme le parrain du régime d’IBK, n’a pas osé condamner ouvertement votre acte. Car même les séparatistes l’ont salué.

Votre œuvre a été vue comme la fin de notre calvaire ; le début de notre bonheur collectif ; la naissance d’un Mali Koura. Nous avions l’impression d’être face à de vrais patriotes. Avec le renversement du régime IBK et les engagements que vous aviez pris dès le lendemain de son départ ainsi que les jours qui l’ont suivi, les Maliens avaient cru que l’État allait être bientôt présent sur toute l’étendue du territoire national.

Colonel Assimi Goïta, vous nous aviez donné tellement d’espoir que nous avions cru à votre bonne foi ; en votre amour pour le Mali ; que nous vous avions fait confiance aveuglément ! Nous avions même dû croire que nous allions conter à nos enfants le 18 août 2020 comme on nous a conté le 26 mars 1991.

Cependant, les espoirs auraient été déçus. Aujourd’hui, Monsieur le Vice-Président, bien que vous ne soyez pas le premier responsable de la machine étatique, dans les rues de la capitale malienne, la déception semble être au rendez-vous. On se pose de multiples questions sur les intentions qui vous animent ; sur les attaques dont nos soldats sont victimes ; sur les nominations des militaires aux différents postes de responsabilité. On se rend compte également, avec des blessures profondes, que les pratiques reprochées au régime IBK ont la peau dure. On se demande de plus en plus si vous méritez même les responsabilités qui vous sont confiées.

Monsieur le Vice-Président, nombreux sont les Maliens qui estiment aujourd’hui que le pays a régressé sur beaucoup de plans. Monsieur, permettez-moi de vous rappeler qu’IBK avait été accueilli comme vous l’avez été. Aujourd’hui, vous êtes d’ores et déjà désapprouvée comme il a fini par l’être.

Monsieur le Vice-Président, les Maliens comptent toutefois sur vous pour le changement, la venue du Mali Koura. Car n’oubliez pas Monsieur, qu’en tant qu’auteurs du départ de l’ex-président, les Maliens vous tiendront responsable de tout ce qui leur arrivera. Pourtant, il ne vous reste plus toute une éternité pour relever le défi. Toutefois, « il n’est jamais trop tard pour bien faire », dit-on. Il faudrait travailler davantage pour continuer à mériter la confiance du peuple malien.

Bamako, le 28 mars 2021

Mikailou CISSE

Source : Phileingora

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