Plus de 30 ans après les faits, l’ex-président du Burkina Faso Blaise Compaoré, qui vit en exil en Côte d’Ivoire dont il est devenu citoyen, sera jugé au Burkina pour l’assassinat de Thomas Sankara, icône panafricaine, lors du coup d’Etat de 1987.
“L’heure de la justice a enfin sonné, un procès peut s’ouvrir”, a estimé mardi Me Guy Hervé Kam, un avocat de la partie civile, résumant un sentiment largement partagé dans la population burkinabè.
Réputé pour son intégrité et son action progressiste, le président Thomas Sankara (1983-87), “père de la Révolution” burkinabè, est devenu après sa mort un mythe au Burkina Faso et bien au-delà, dans toute l’Afrique.
Le dossier de son assassinat a été renvoyé mardi devant le tribunal militaire de Ouagadougou par la juridiction d’instruction, après la confirmation des charges contre 14 personnes.
Les principaux accusés sont Blaise Compaoré, 70 ans, chassé du pouvoir en 2014, et le général Gilbert Diendéré, 61 ans, l’un des principaux chefs de l’armée lors du putsch de 1987. Devenu ensuite chef d’état-major particulier du président Compaoré, le général Diendéré purge au Burkina une peine de 20 ans de prison pour une tentative de coup d’Etat en 2015.
Des soldats de l’ancienne garde présidentielle figurent également parmi les 14 accusés, selon l’ordonnance de renvoi consultée par l’AFP.
“Ce (mardi) matin nous avons assisté au délibéré de la chambre de contrôle de l’instruction qui a renvoyé le dossier” devant le tribunal, a déclaré Me Guy Hervé Kam. “Il appartient donc au procureur militaire de programmer une date d’audience”.
Davantage de personnes étaient mises en cause initialement, mais “beaucoup d’accusés sont décédés”, a-t-il précisé.
La date du procès “n’est pas encore décidée”, mais celui-ci pourrait avoir lieu “très bientôt”, les mandats d’amener des accusés non encore détenus “ayant été ordonnés ce matin”, a indiqué Me Mathieu Somé, avocat du général Diendéré.
– “Que justice soit rendue” –
Arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en 1983, le président Sankara a été tué, à 37 ans, par un commando le 15 octobre 1987. La mort de Sankara, surnommé le “Che Guevara africain”, était un sujet tabou pendant les 27 ans de pouvoir de M. Compaoré, lui-même renversé par une insurrection populaire en 2014.
L’affaire a été relancée en 2015 par le régime de transition démocratique et un mandat d’arrêt émis contre M. Compaoré par la justice burkinabé en mars 2016.
Mais, ayant obtenu la nationalité ivoirienne, l’ancien président ne peut pas être extradé de Côte d’Ivoire où il vit depuis son départ du pouvoir.
“Il y a deux possibilités pour Blaise Compaoré: soit il comparait volontairement et librement, soit on exécute à son encontre le mandat d’arrêt international”, a déclaré Prosper Farama, l’un des avocats de la famille Sankara. “Ce que nous souhaitons c’est qu’il puisse comparaitre volontairement”, a-t-il ajouté.
Depuis six ans, une centaine d’auditions ont été menées par la justice burkinabè qui a également fait exhumer la dépouille de Thomas Sankara pour des analyses d’ADN.
En février 2020, une première reconstitution de son assassinat s’était déroulée sur les lieux du crime, au siège du Conseil national de la révolution (CNT) à Ouagadougou.
Dans un entretien à l’AFP en 2017, Mariam Sankara, la veuve de l’ancien président, avait souhaité que Blaise Compaoré “vienne répondre à la justice”, et que “les commanditaires et les auteurs” de l’assassinat soit enfin sanctionnés pour “que justice soit rendue”.
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Source : AFP