Après la mort d’Idriss Déby et la mise en place d’un conseil militaire de transition au Tchad, une « charte de la transition » prévoyant l’abrogation de la Constitution a été publiée pendant quelques heures sur le site de la présidence, avant d’être retirée. Des sources proches du CMT expliquent qu’il ne s’agissait pas de la bonne version. Du côté de l’opposition, des représentants des principaux partis se sont réunis mercredi matin et ils dénoncent un coup d’État.
Coup d’État. Le mot est lâché par une trentaine de partis de l’opposition, réunis au lendemain de l’annonce de la mort d’Idriss Déby. Participaient à cette rencontre des petits partis, mais aussi des poids lourds, tels que le parti de l’opposant Saleh Kebzabo, ou des Transformateurs. Ils dénoncent un coup d’État, car, disent-ils, c’est le fils qui succède au père, l’un comme l’autre étant qui plus est des hauts gradés. « Le rôle des militaires est d’assurer la sécurité aux frontières, pas de prendre le pouvoir », expliquait Mahamat Bichara, le porte-parole de cette coalition. « Le Conseil militaire de transition n’est pas là pour confisquer le pouvoir » a tenté de rassurer son président, Mahamat Idriss Déby. Mais cela ne suffit pas à convaincre les opposants qui menacent d’appeler les Tchadiens au soulèvement populaire.
Un coup d’État aussi, car l’Assemblée nationale et la Constitution sont dissoutes, tandis qu’un couvre-feu est instauré. Il passe d’ailleurs de 18h à 20h dans le dernier communiqué du conseil militaire de transition, indique notre correspondante à Ndjamena, Aurélie Bazzara-Kibangula.
L’opposition demande donc une transition civile et l’ouverture d’un dialogue inclusif. Elle craint que Mahamat Idriss Déby, le président du CMT, ne respecte pas la transition de 18 mois et que l’histoire se répète.
« Ce n’est pas le rôle de l’armée de prendre le pouvoir ni de le gérer. Même si on parle de 18 mois, après les gens sont capables de créer une rébellion pour pouvoir prolonger le fils du président qui a presque l’âge que son père avait quand il a pris le pouvoir… Mahamat Idriss Déby qui va faire encore 30 ans au pouvoir. Ce sont nos craintes », explique François Djékombé, président de l’Union sacré de la République.
Éviter que l’histoire ne se répète au Tchad, c’est aussi l’objectif de Succès Masra. Pour le leader des Transformateurs, la transition doit revenir aux civils : « C’est le président de l’Assemblée nationale qui assure l’intérim en cas de vacance de poste et en cas d’empêchement définitif. L’absence de cela, c’est un coup d’État. Ceux qui doivent prendre le pouvoir, dans l’immédiateté, doivent être ces civils-là, mais qui doivent se donner le mandat qui permette que tous les Tchadiens s’assoient pour pouvoir définir ensemble le nouvel État à travers un dialogue. »
Hier soir, les chefs traditionnels se sont exprimés pour la première fois depuis le début de la crise. Ils se disent inquiets des remous que provoque la succession du défunt président Idriss Déby Itno. L’association des chefs traditionnels, qui regroupe toutes les chefferies traditionnelles du pays, appelle les politiques et tous ceux qui aspirent à jouer un rôle dans le processus de succession d’Idriss Déby à se surpasser pour favoriser le dialogue. Leur président, sa majesté Tamita Djidingar, a répondu à notre correspondant Madjiasra Nako.
Les opposants réclament également l’ouverture d’une enquête pour déterminer les circonstances de la mort d’Idriss Déby. Ils remettent en cause la version officielle. « A-t-il réellement été blessé par une balle ennemie ? », s’interrogeait François Djekombé, lors de cette réunion, qui a duré moins d’une heure. Enfin, ils appellent les Tchadiens à ne pas respecter les décisions prises par le conseil militaire et menacent d’un soulèvement populaire.
L’Union des syndicats du Tchad rejoint les critiques de l’opposition. Dans un communiqué, le bureau exécutif de l’UST « rejette que la transition soit assurée par des militaires » et condamne la « confiscation du pouvoir par les armes ». Tout comme les partis d’opposition, l’UST demande une transition civile et l’ouverture d’un dialogue inclusif.