Dans la vie d’une nation, les rapports de force subissent de nombreux changements. Pendant les derniers moments qui ont précédé la chute d’IBK, le 18 août 2020, les rapports de force n’étaient plus favorables au pouvoir. Ils avaient indubitablement basculé en faveur de la contestation politique incarnée, depuis début juin 2020, par le Mouvement du 05 Juin-Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP). Un mouvement en lequel la majorité des maliens avaient volontairement et incontestablement adhéré. Parce qu’il prenait tout simplement en compte leurs nombreuses préoccupations. C’était la réalité des évènements au Mali !
Or, à l’entame de la Transition en cours, le CNSP, probablement conseillé par des hommes politiques qui avaient leur propre agenda caché, avait ignoré le M5-RFP. Ce qui constituait un gravissime déni de réalité de la nouvelle architecture politique qui s’était dessinée. Cette erreur va conduire les jeunes officiers du CNSP à s‘unir avec des acteurs politiques favorables à la restauration du pouvoir déchu. Mais cette union biaisée ne pouvait avoir une longue durée. Elle devait s’estomper très rapidement.
N’est-ce pas ce qui s’est passé avec la tournure qu’a prise, la semaine dernière, la Transition malienne en mi-parcours. ? Certainement ! D’autant plus que l’on peut pas reconnaitre publiquement que l’on est venu parachever un processus d’insurrection par les armes, en s’accaparant finalement tout seul du pouvoir d’Etat. Pour ignorer le mouvement politico-social qui était à la base de l’action de renversement du pouvoir précédent ? Les jeunes colonels du CNSP voulaient mener la Transition sans le M5-RFP. Mais l’histoire n’a pas tardé à démontrer qu’une telle méprise ne pouvait marcher.
Cette leçon d’histoire, Col Assimi Goïta et ses compagnons du CNSP l’ont heureusement comprise. N’était-ce pas pourquoi, ils ont été contraints de fomenter un second coup d’Etat en neuf mois contre le président de la Transition, Bah N’Daw (un officier supérieur à la retraite sans expérience pour la conduite d’un Etat et déconnecté des questions nationales) et son PM Moctar Ouane, aussi déconnecté des réalités de son pays ?
Avec le recul de neuf mois, Col Assimi, désormais devenu le président de la Transition, a eu le courage de reconnaître publiquement qu’ils s’étaient trompés et demander officiellement l’accompagnement de tous les filles et fils du Mali, toutes les couches socioprofessionnelles. Mais aussi et surtout, celui du Mouvement du 05 Juin-Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP). Dont son président du Comité Stratégique, Choguel Kokalla Maïga, est même chargé de former le nouveau Gouvernement.
Les deux composantes à l’origine de la chute d’IBK, donc de la Transition en cours, sont des alliées objectives. Elles étaient condamnées de s’unir pour la réussite de la Transition. L’union politique, qu’elles viennent désormais de sceller, est un mariage de raison. Une real politik dont la rédaction de Le Pélican n’a de cesse soutenu dans ses articles. C’est une telle approche politique que devaient faire sienne, les jeunes colonels. En l’occurrence, depuis leur prise de pouvoir, c’est-à-dire, depuis le début de la Transition. Mais cela est du passé et nous vivons le présent. Et il n’est jamais trop tard pour mieux faire !
Gaoussou Madani Traoré
Source : Le Pélicain