Le sentiment dominant porte sur la nécessité de transformation des rapports pour qu’ils soient profitables aux deux parties.
L’affirmation de l’indépendance, la poursuite de l’intérêt national ou le refus de toute capitulation doivent former le triptyque de base du changement tel que voulu par le peuple malien. Au-delà de ces principes, l’émotion soulevée par le coup de force ne doit point étouffer la rationalité et l’impulsion ne doit nullement précédée l’analyse. Ce fond dépouillé d’affectivité peut s’analyser comme un pragmatisme, la volonté de bâtir un Mali aux mains libres, couplée à une réaction d’endiguement de la corruption dans ses manifestations économiques et politiques.
L’insurrection populaire qui a engendré le renversement du régime d’Ibrahim Boubacar Keïta impose cette attitude. En quelque sorte, une invite au refus de principe de tout engagement dont on ressent les effets comme autant d’aliénation de la souveraineté nationale.
Cette attitude se greffe aussi sur la dénonciation de l’accord de défense ficelé avec la France profondément ancrée dans le subconscient national et qui explique les échos favorables que rencontrent de plus en plus dans l’opinion publique les prises de position fracassantes en faveur du retrait de la force Barkhane. L’ennemi héréditaire demeure la France.
Le sentiment anti-français a des composantes complexes dont l’analyse demanderait de longs développements. Peut-être, pour être bref, de l’avis de l’universitaire Achille Bembé« ce sentiment a commencé à se cristalliser au lendemain du génocide rwandais qui a vu la mort de centaines de milliers de citoyens africains. La France a été accusée de complicité de ce cataclysme.Le rapport rétablit la vérité à ce sujet et certifie qu’il y a eu de hautes responsabilités. Et ce sentiment s’est ensuite aggravé suite au conflit ivoirien qui s’est terminé par l’arrestation du président Laurent Gbagbo, la destruction de la Libye. A cela, il faut ajouter un certain nombre de différends portant sur le franc CFA, les interventions militaires à répétition sur le continent, le soutien aux tyrans et tout ce qui touche à la question migratoire. Il y en a certainement d’autres. Tout cela nourrit le sentiment anti-français et empêche de profiter des choses qui nous ont unies dans le passé.
Le sentiment dominant porte sur la nécessité de transformation de ces rapports pour qu’ils soient profitables aux deux parties.Les gestes symboliques, notamment l’ouverture des archives concernant l’assassinat de Thomas Sankara, la guerre d’Algérie, la restitution de certaines œuvres d’art, ne suffisent pas à changer la donne. Là où il y a devoir de réparation et de justice, il faut réparer et rendre justice. Il faut s’attaquer à d’autres questions qui fâchent avec sur la table des propositions. Ensuite, il faut rallier des gens autour de ces propositions. »
Là, ce n’est-ce pas moins la coopération en elle-même qui est rejetée –elle peut relever du bon sens et en fin de compte être bénéfique – que le symbole humiliant du diktat que l’on peut y voir.
Georges François Traoré
Source : L’Informateur