En toile de fond, compte tenu de son faible poids économique, affecté gravement par la pandémie à coronavirus, et militaire, la France n’est plus à mesure d’exercer une influence significative sur le cours des événements. Le récent coup de force lui a offert une issue de secours.
Macron a le sens aigu de l’effet théâtral, de l’art consommé de mise en scène et de la beauté formelle des formules qui sont de plus en plus difficiles à donner le change et à créer l’impression d’un changement de sa politique africaine fortement décriée. Tel est le sens profond qu’il faut attribuer à sa récente initiative annoncée jeudi dernier au cours d’une conférence de presse. On retrouve le même dédain pour ses partenaires des Etats du Sahel, par le manque de concertation préalable et le conditionnement de la reprise de la coopération à des engagements « clairs » de non-dialogue avec les jihadistes. Macron en arrive à se nourrir de fumées, en tablant sur une montée en force de Takuba appelé à remplacer l’opération Barkhane qui a étalé à la face du monde ses difficultés à venir à bout des groupes terroristes. Elle était née huit ans auparavant sur les cendres fumantes de l’opération Serval qui a stoppé net la progression des hordes jihadistes menaçant de prendre la capitale, Bamako.
Inutile de s’étendre longuement sur les motivations et la fermeture annoncée des bases. Juste, on peut retenir l’absence déplorée de gouvernance dans les zones libérées, ouvrant ainsi la voie à la consolidation du phénomène extrémiste, ensuite « la transformation de la présence militaire au Sahel qui se traduira par la fin de Barkhane (totalisant 128opérations et 51 morts) au profit d’une opération de soutien et de coopération aux armées des pays de la région qui le souhaitent, et enfin la « mise en œuvre d’une alliance internationale associant les Etats de la région et tous les partenaires, strictement concentrée sur la lutte contre le terrorisme ».
Poil à gratter glissé dans la veste
Une prise de position, qui derrière l’apparence d’intentions les plus nobles, est plutôt un poil à gratter glissé dans le costume de ses pairs. Le récent coup de force survenu seulement neuf mois après le renversement du régime d’Ibrahim Boubacar Keïta, y a indéniablement joué. Sans doute, Emmanuel Macron a saisi la balle au bond dans le dessein d’injecter une dose de « clarification » des relations diplomatiques et politiques avec le Mali. Depuis de longs mois, le vent d’un désaccord profond souffle entre Paris et Bamako pourtant sur l’application d’une des recommandations du Dialogue national inclusif (DNI) relative à l’engagement de pourparlers avec les jihadistes dont le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) d’Iyad Ag Ghali. Macron est opposé à ce dialogue à la fois prôné par le président déchu, Ibrahim Boubacar Keïta, et les autorités de la transition, à travers l’ancien premier ministre Moctar Ouane qui a eu de chaudes altercations avec Ives Le Driant, le ministre français des Affaires étrangères. Une façon de placer les autorités maliennes devant leur choix. En d’autres termes, si vous voulez discuter avec les jihadistes, la France ne compte pas accompagner militairement le Mali dans cette option.
Le poids des opinions publiques
En toile de fond, compte tenu de son faible poids économique, affecté gravement par la pandémie à coronavirus, et militaire, la France n’est plus à mesure d’exercer une influence significative sur le cours des événements. L’amplification de l’insécurité qui a progressivement glissé du nord vers le sud du pays l’a amplement démontré.
Ensuite, le poids de l’opinion publique : des manifestations hostiles à la présence française se sont multipliées. Pis, les sondages ont révélé que les Français sont majoritairement favorables au retrait de leurs troupes. Dans un contexte préélectoral, difficile d’y faire profil bas si l’on veut s’offrir les changer de gagner.
Certainement, la réduction de la voilure va modifier l’emprise au sol au profit d’interventions jugées plus souples impliquant des drones et d’autres moyens aériens. Aussi, on peut s’attendre à une musculation de l’opération Sabre menée parallèlement à Barkhane et indépendamment de Takuba.
Georges François Traoré
Source : L’Informateur