Flambée des prix des produits de première nécessité : Pourquoi les Maliens ne doivent-ils pas se plaindre ?

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Il est pratiquement impossible de se frayer un chemin dans les dédales du marché
Il est pratiquement impossible de se frayer un chemin dans les dédales du marché

L’augmentation des prix des produits de grande consommation est un phénomène récurrent dans notre pays. Mais cette année, elle a atteint son pic, provoquant la colère du citoyen lambda et des organisations de défense des consommateurs.

À l’indépendance, les dirigeants de la première République, à leur tête le président Modibo Keïta, ont, malgré l’environnement politique international hostile à la voie socialiste choisie par le Mali comme système politique, jeté les bases d’une industrialisation pour éviter à notre pays d’être un marché de certains États africains. Les premières usines construites, à cet effet, avaient pour vocation de transformer les productions locales afin de satisfaire la consommation nationale, de créer des emplois et de la valeur ajoutée. C’est ainsi qu’ont vu le jour la Société des conserves du Mali (SOCOMA), la Société nationale des tabacs et allumettes du Mali (SONATAM), la Compagnie malienne de textile (COMATEX), l’usine de thé de Farako (Sikasso), les Sucreries de Dougabougou, etc. Si nous prenons la SOCOMA, première usine construite en 1964 à Baguinéda, elle produisait des conserves de tomate, des jus de tamarin, de mangue.

Après le coup d’État de 1968, les autorités de la deuxième République ont poursuivi cette politique d’industrialisation du pays. Elles ont créé l’Usine malienne de produits pharmaceutiques (UMPP), la Société d’exploitation de produits oléagineux du Mali (SEPOM), devenue plus tard Huilerie cotonnière du Mali (HUICOMA). Implantée à Kita, elle était chargée de fournir le marché malien en huile, en savon, et en aliments bétail.
Ce qu’on peut dire le souci des responsables des première et deuxième Républiques était de ne pas importer tous les produits que les Maliens consommaient. Malheureusement, cette fierté nationale a été de courte durée sous la deuxième République qui s’est pliée aux injonctions des institutions de Bretton Woods. Elles ont imposé le Programme d’ajustement structurel (PAS) avec comme objectif la fermeture des usines et des sociétés et entreprises d’État. Qu’à cela ne tienne, le régime de Moussa Traoré a pu sauvegarder certaines usines de transformation de la place.

Mais avec l’arrivée des pseudo-démocrates au pouvoir, en 1992, bonjour les dégâts ! Ce qu’ils n’ont pas dit aux gens, la démocratie importée était conditionnée. Une des conditions était la liquidation de nos usines de transformation pour qu’elles ne concurrencent pas les produits pourris d’Europe qui envahissent les marchés africains, depuis des décennies. C’est ce travail de sape que le président Alpha Oumar Konaré a entrepris pour détruire notre potentiel industriel. Et cette sale besogne a été parachevée par Amadou Toumani Touré (ATT) avec la vente de HUICOMA qui alimentait le marché malien en l’huile de qualité, en savon-Koulikoro et en aliments bétail.

Et nous ne devons pas nous plaindre parce que nous avons laissé nos dirigeants détruire note outil industriel au profit de l’importation qui profite à eux. Alors qu’on nous a tout donné pour qu’on puisse satisfaire la demande sociale en matière de consommation et d’éviter à notre pays d’être un dépotoir de produits avariés.
La liquidation de nos usines de transformations par nos dirigeants est aujourd’hui une des conséquences de la flambée des prix des produits de première nécessité. Elles ont toutes mis les clés sous les paillassons sans la moindre résistance des Maliens. Ceux qui ont manifesté contre la vente de nos industries ont été jeté à la vindicte populaire par ceux-là mêmes qui crient aujourd’hui à la vie chère.

Le cas de HUICOMA est le plus révoltant. Elle a été vendue alors qu’elle était excédentaire. Et l’année même de sa liquidation, le nouvel acquéreur, au lieu de transformer le coton graines en huile, en savon et en aliments bétail pour satisfaire la consommation nationale, a préféré vendre le coton graines aux usines des pays voisins. Et depuis, la consommation des Maliens est liée à l’importation de l’huile de toutes sortes de couleur. Nous devons nous en prendre à nous-mêmes pour avoir été complices des dirigeants corrompus qui ont tué nos industries au profit de l’importation, derrière laquelle ils ont créé des sociétés écrans.
Si c’est vrai qu’au pays ne pays vivre en autarcie, le cas du Mali est inquiétant. Nos responsables politiques ont détruit tout pour lier notre sort à l’importation des produits dont la qualité laisse à désirer. Là où le bât blesse, les dirigeants qui sont à l’origine de ce gangstérisme économique ont damé le pion aux vrais opérateurs économiques en devenant importateurs des produits périmés de l’Occident. Et c’est eux qui décident du prix des denrées, des produits sur nos marchés.

Les associations de défense des consommateurs, la balle est dans votre camp. C’est le moment ou à jamais de demander la reprise de Huilerie cotonnière du Mali (HUICOMA) par l’État et les autres industries de transformations. C’est à cette seule condition que les prix peuvent connaître une certaine stabilité. Sinon, si nous continuons à importer, les prix vont toujours pendre l’ascenseur aux dépens du panier de la ménagère.

Yoro SOW

Source : Inter de Bamako

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