Le Conseil national de Transition (CNT) s’apprête à voter, ce jeudi 1er juillet 2021, une loi d’amnistie pour les auteurs des coups d’Etat du 18 août 2020 et du 24 mai 2021. A l’initiative du gouvernement de Transition.
L’article 23 de la Charte de la Transition balisait déjà le terrain pour l’élaboration et l’adoption d’une telle disposition législative. « Les membres du Comité national pour le Salut du Peuple et tous les acteurs ayant participé aux évènements allant du 18 août 2020 à l’investiture du président de la Transition, bénéficient de l’immunité. A ce titre, ils ne peuvent être poursuivis ou arrêtés pour des actes posés lors desdits événements. Une loi d’amnistie sera adoptée à cet effet ». Le ton avait été donné dans le préambule de la Charte qui attribue le « caractère patriotique » aux « évènements du 18 août 2020 ayant conduit à la démission libre et volontaire du président de la République Monsieur Ibrahim Boubacar KEITA, précédée de la dissolution de l’Assemblée nationale et de la démission du gouvernement ».
Entre-temps, il y a eu le coup de force du vice-président de la Transition, Col. Assimi Goïta qui a déposé le président Bah NDAW et le Premier ministre Moctar Ouane avant de s’installer aux commandes de la Transition après un arrêt de la Cour constitutionnelle.
Ce n’est pas la première fois que les auteurs du coup d’Etat cherchent à se protéger à travers l’adoption d’une loi d’amnistie. Car, en 2012, l’Assemblée nationale avait voté une loi d’amnistie pour les auteurs de coup de force militaire ayant contraint le général président Amadou Toumani Touré à remettre sa démission à une délégation de la Communauté économique des Etats de l’Afrique Ouest (Cedeao) conduite à l’époque par un certain Djibril Bassolé, ministre des affaires étrangères de Blaise Compaoré.
Du 18 août 2020 au 24 mai 2021, les événements n’ont qu’un seul qualificatif : le Coup d’Etat. Quelle amnistie pour un crime imprescriptible ? La constitution du 25 février 1992 toujours en vigueur est sans équivoque dans son article 121. Tout coup d’Etat est un crime imprescriptible contre le peuple malien. « Le fondement de tout pouvoir en République du Mali réside dans la Constitution. La forme républicaine de l’Etat ne peut être remise en cause. Le peuple a le droit à la désobéissance civile pour la préservation de la forme républicaine de l’Etat. Tout coup d’Etat ou putsch est un crime imprescriptible contre le peuple malien », nous avertit l’article 121.
Le coup d’Etat est un crime imprescriptible en droit malien, c’est-à-dire que l’infraction de coup d’Etat n’est pas susceptible de s’éteindre par prescription. En français facile, cela veut dire que toutes les personnes ayant participé à une entreprise de coup d’Etat en République du Mali peuvent faire l’objet de poursuite judiciaire à tout moment, jusqu’à leur disparition sur cette terre.
Dans le droit international, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre sont imprescriptibles. De nombreux responsables de la seconde guerre mondiale, du génocide rwandais ou des guerres de Yougoslavie sont jugés aujourd’hui en vertu du principe de l’imprescriptibilité.
Aucune loi n’est supérieure à la Constitution qui est la mère de toutes les dispositions législatives et réglementaires dans une République. Donc, toutes les lois d’amnistie votées en faveur des putschistes et leurs alliés civils pour des besoins de paix sociale peuvent être remises en cause. A 80 ou 100 ans, tous ceux et toutes celles qui ont pris une part de responsabilité dans les coups d’Etat du 22 mars 2012, du 18 août 2020 et du 24 mai 2021, peuvent être traduits devant les juridictions maliennes en vertu de l’article 121 de la loi fondamentale.
Par Chiaka Doumbia
Source : Le Challenger