Faut-il se hâter d’aller en 2022 aux élections générales au Mali ? Des acteurs politiques et ceux de la Société civile sont largement divisés sur la question. Des patriotes maliens estiment qu’il ne faut pas y aller si certaines conditions ne sont pas remplies, notamment celle concernant la sécurité du pays. Alors que la Communauté internationale pousse nos autorités d’y aller vaille que vaille. Cette position est aussi défendue par certains acteurs politiques véreux (nantis par le pillage des deniers publics). Ces politicards de carrière sont pressés de revenir au pouvoir. Sans vergogne, ils exigent le respect inconditionnel de l’échéance transitoire et électorale.
En 2013, cette même communauté internationale et l’ancienne puissance coloniale avaient commis la même bêtise de presser notre pays d’aller aux élections générales, organisées à la fin de la Transition d’un an dirigé par le Pr Dioncounda Traoré. La suite est connue : un président avait été élu (Ibrahim Boubacar Keïta). Son premier mandat a été tumultueux et il n’a pas réussi à recouvrer l’intégrité territoriale ni ramener la paix sociale. Son second mandat très controversé, parce que les élections ont été mal organisées, n’a pas survécu aux contestations populaires. Et le Mali est désormais devenu un Etat quasi failli.
Afin de tourner les pages sombres de la Gouvernance chaotique au Mali, la refondation de l’Etat est strictement nécessaire. Mais il faut de vraies assises nationales inclusives de la refondation. Au cours desquelles, l’ensemble des citoyens maliens, du niveau local au niveau national, vont librement donner leurs opinions pour la conduite du pays. Or le temps imparti à notre pays par la Communauté internationale (mais hélas jusque-là accepté par le Gouvernement Choguel) pour boucler la Transition en cours n’est pas suffisant pour l’organisation d’une telle assise encore moins pour des élections crédibles. Alors, faut-il que les autorités de la Transition continuent d’obtempérer au diktat de cette communauté internationale (qui ignore la réalité du pays) en organisant des assises nationales bâclées et des élections controversées ?
Le Programme d’Action Gouvernemental du PM Choguel (présenté ce 30 juillet) est autant ambitieux que celui de son prédécesseur Ouane. Et, les deux ont en dénominateur commun le manque d’espace-temps pour leur accomplissement. Pourtant, le Mali doit forcément se sortir de la crise multidimensionnelle endémique dont il s’est engouffré depuis 2012. Se précipiter de boucler la Transition actuelle, sans avoir résolu des problèmes basiques, tels : l’insécurité endémique sur la quasi-totalité du territoire national, la question de relecture ou renégociation de l’accord de réconciliation nationale dit d’Alger, la problématique de l’établissement d’un fichier national consensuel et celle d’un organe unique inclusif et consensuel de gestion des élections…, paraît certainement comme une très mauvaise façon pour notre pays de voir le bout du tunnel.
Certes le Mali, membre de l’UEMOA, la CEDEAO, l’UA et l’ONU, doit normalement se plier à ses propres engagements internationaux. Mais notre pays, confronté à une crise multidimensionnelle endémique sans précédent, est aussi en passe de se disloquer. Les Autorités actuelles de notre pays doivent être conscientes de ce risque pour se responsabiliser, en faisant fi de toutes les injonctions de la Communauté internationale, pour décréter la rallonge de la durée de la Transition en cours. Cela va indéniablement provoquer l’ire des partisans du respect de son échéance. Sans compter que notre pays risque également des sanctions internationales. Mais dans l’intérêt supérieur du peuple malien, lequel devant être le seul maître de sa destinée, le Mali ne doit pas aller aux élections à tout prix.
La Communauté internationale doit ainsi comprendre que l’organisation d’élections générales, dans le temps imparti à la Transition, pour simplement fournir au Mali des dirigeants élus (mais de quelle manière ?), n’est pas la panacée. Au contraire, elle doit plutôt urgemment aider notre pays à circonscrire d’abord la crise multidimensionnelle dont il s’est embourbé depuis 2012. Cela donnera certainement aux maliens le temps nécessaire de s’organiser librement. Rien que cela !
Gaoussou Madani Traoré
Source : Le Pélican