De toute évidence, le PDG de CIRA, Seydou Coulibaly, a certainement eu une nuit agitée, en ce mardi. Au centre de son cauchemar, les déclarations du colonel Assimi Goïta, quant à sa détermination à conduire une lutte implacable contre la corruption et la délinquance financière. Précisément, relativement aux contrats signés au détriment de l’Etat pour construire des routes !
Ce mardi 14 septembre, devant le Conseil de la magistrature, réuni à Koulouba, le président de la Transition, le colonel Assimi Goïta, a tenu à rappeler que «sur la question de la lutte contre la corruption et l’impunité, c’est aujourd’hui la volonté du peuple malien, mais aussi des engagements que nous avons pris face à l’Etat. Face à la volonté du peuple, on n’a pas d’autre choix de s’exécuter».
Mais le colonel a pris l’exemple emblématique des marchés publics, passés pour les travaux de construction des routes, précisant avec une amertume non feinte : «Regardez aujourd’hui l’état de nos routes, beaucoup de contrats sont signés au détriment de l’Etat… Qu’avons-nous fait de tout cet argent qui a été mis à la disposition de l’Etat? … Ces populations ne nous demandent pas du travail, elles ne nous demandent pas de l’argent ; elles ne nous demandent que le minimum. Et pourtant, nous sommes aujourd’hui incapables de le lui apporter. C’est la raison pour laquelle, cette lutte contre la corruption et l’impunité sera une lutte sans état d’âme…».
Un avertissement clair et sans fioriture qui n’est certainement pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Du moins, au sein de l’entreprise CIRA. Car les propos du colonel Assimi Goïta, tenus ce mardi devant les magistrats, avaient valeur d’instructions expresses à l’endroit du ministre Garde des Sceaux, l’ancien Procureur du Pôle économique, Mahamoudou Kassogué, présent à cette session, auquel d’ailleurs le président de la Transition n’a cessé de s’adresser en lui renouvelant les engagements de soutien et de fermeté pour conduire jusqu’au bout la croisade entamée.
La semaine dernière, nous avions souligné que l’état de défectuosité avancée et les nombreuses dégradations des routes et infrastructures ternissaient également l’image du PDG de CIRA, l’entreprise à qui a été dévolue une bonne part des marchés publics de contrôle de l’exécution correcte et de la conformité des travaux aux dispositions contractuelles des cahiers des charges.
En substance, les dégradations survenues sur des routes, construites souvent il y a moins d’une année, suscitent autant d’interrogations sur la qualité certes des travaux, mais davantage du contrôle technique effectué tout au long de l’exécution des travaux, à l’issue duquel contrôle in fine le chantier est réceptionné ou non par l’Etat. C’est dire donc que ce sont les conclusions du contrôle des travaux qui conditionnent la réception ou non par l’Etat des chantiers déclarés achevés.
Au-delà du sport favori de la multiplication outrancière des avenants autour de ces marchés et de leurs contrôles, les entreprises à qui l’Etat a accordé sa confiance pour le contrôle technique seront certainement au cœur des investigations judiciaires. C’est à partir des conclusions favorables de leur contrôle technique que l’Etat réceptionne les chantiers comme correctement exécutés.
Les routes couvertes de nids de poule, de profondes crevasses, sans drain des eaux de ruissellement, bref des routes pires que les pistes rurales en hivernage et impraticables, sont le fait certes d’entreprises ayant eu la charge d’exécuter les travaux de construction, mais davantage et pour beaucoup de ces entreprises de contrôle qui ont à la fin assuré l’Etat de la conformité des travaux exécutés avec les dispositions contractuelles.
CIRA pourrait donc avoir très vite à répondre devant la justice malienne de la qualité de ses contrôles et de ses conclusions ayant incité l’Etat à recevoir des chantiers dont l’exécution n’a guère répondu aux engagements contractuels, avec des mauvaises routes à la clé.
Et sur ce plan, les propos du patron de la junte ont le mérite d’être clairs, qui ciblent précisément les marchés passés au nom de l’Etat pour la construction des routes dont le colonel Assimi Goïta juge inacceptables les dégradations.
Dire donc que Seydou Coulibaly est dans le collimateur de la justice est une litote : il est carrément dans l’œil du cyclone ! De quoi ternir un peu plus l’image de cet ingénieur qui entend pourtant postuler à la magistrature suprême. Si la justice lui en laisse l’opportunité…
Yaya Traoré
Source : Nouvelle Libération