La semaine dernière, le Mali était au cœur de l’actualité internationale. D’un côté, la France menace de se retirer de notre pays si la transition signe un accord avec les mercenaires russes. De l’autre côté, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) met en garde les dirigeants de la transition si elle ne parvenait pas à organiser la présidentielle le 27 février 2022. De quoi raviver le sentiment nationaliste dans le pays.
Réunis en session extraordinaire, jeudi dernier, à Accra, la capitale du Ghana, les chefs État de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont discuté de la situation du Mali et de la Guinée Conakry, deux (02) pays où les militaires sont intervenus pour mettre fin au régime démocratique élu. Le coup d’État au Mali s’est opéré, le 18 août 2020 et celui de la Guinée Conakry, le dimanche 5 septembre 2021. La rencontre a été sanctionnée par des mesures draconiennes à l’encontre des militaires au pouvoir dans les deux (02) pays.
Contre les autorités de la transition maliennes, la CEDEAO prévoit comme sanctions le gel des comptes des militaires à l’extérieur, l’interdiction de voyage étendue aux membres de leur famille. Ces sanctions interviendront au cas où notre pays sera dans l’impossibilité d’organiser la présidentielle le 27 février 2022. Autre fait marquant de la réunion des présidents de l’organisation sous-régionale, ils s’opposent à la tenue des Assises nationales de refondation (ANR).
Ces mesures prises contre les militaires, qui gèrent la transition, depuis le 24 mai dernier, ont été très mal accueillies au sein de l’opinion nationale. Pour les uns, le Mali est un pays souverain qui n’est soumis à aucun diktat. Ils laissent entendre que c’est aux Maliens de décider du sort de leur pays dont les populations sont victimes de toutes sortes d’exactions de la part des groupes obscurantistes qui contrôlent notre territoire, depuis 2012. Pour d’autres, la CEDEAO est en train de commettre les mêmes erreurs qu’en 2013 en faisant croire que le salut du Mali passe nécessairement par les élections. Ils pensent que les élections sont loin d’être une des solutions au problème malien. Ils sont favorables à l’organisation des Assises nationales de refondation pour traduire en actes concrets la volonté du peuple malien exprimée au cours des manifestations qui ont eu raison du régime d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), le 18 août 2020.
On comprend aisément la position de la CEDEAO qui agit de concert avec les anciens dignitaires des régimes précédents dont la volonté affichée est de revenir au pouvoir quel que soit le prix à payer pour les Maliens. Ces gens-là, jusque-là, n’ont jamais reconnu leur responsabilité dans le délitement de l’État malien, depuis 1992. Alors que durant ses trente dernières années, ils ont géré le pays à leur guise sans se soucier du bonheur de leurs compatriotes, réduits en mendiants.
Il est bon de rappeler à la CEDEAO que les Maliens n’en ont cure des élections qui enfonceront davantage notre pays dans la crise. Et l’organisation n’est pas à sa première expérience d’organiser des scrutins dans des pays en guerre. Dans les années 1990, au plus fort de la guerre civile sierra léonaise, elle a sécurisé la seule capitale, Freetown, en abandonnant les autres populations à la merci des rebelles qui massacraient, violaient, amputaient, brûlaient les villages, pour organiser l’élection présidentielle qui a consacré la victoire de Ahmed Tijan Kaba. Après l’élection de Kaba, la guerre s’est intensifiée. Et par la suite, les différentes factions en guerre ont compris que la guerre n’est pas la solution à leur problème. Elles ont alors privilégié la voix du dialogue pour sécuriser leur pays afin d’organiser des élections crédibles.
Il est temps que les Maliens ouvrent leurs yeux pour que le cas sierra léonais ne se reproduise pas leur pays en allant aux élections sans lendemain. Si la communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) veut aider le Mali, elle et les autres partenaires, qui crient à la tenue des élections, doivent conjugueur leurs efforts pour d’abord sécuriser le territoire national et ensuite aller aux différents scrutins pour élire des responsables capables de relever les défis de développement.
La France, elle aussi, est sortie de son silence pour condamner l’accord que le Mali s’apprête à signer avec le groupe Wagner, constitué de mercenaires russes. «Une intervention d’un groupe de ce type au Mali serait incompatible avec l’action des partenaires sahéliens et internationaux du Mali», a déclaré Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères. Selon Paris, Wagner est une milice privée composée de militaires qui s’est illustré avec des exactions, prédation, violation en tout genre.
Après avoir lamentablement échoué dans sa mission de lutter contre le terrorisme dans notre pays, la France voit d’un mauvais œil l’arrivée d’un autre partenaire pour prendre sa place, surtout les Russes pour débarrasser le Mali de cette horde de criminels, bras armé des puissances impérialistes. La menace des autorités françaises contre la transition malienne s’explique par le fait que Wagner a éventré le projet de déstabilisation de la Centrafrique en mettant en déroute les rebelles parrainées par la France pour chasser le président Faustin-Archange Touadéra.
Le Mali ne cédera à aucune menace qui fera détourner nos autorités de la refondation de l’État malien sans laquelle tout est voué à l’échec. Elles doivent s’inspirer du cas de la Guinée- Bissau qui a géré sa transition de 2012 en faisant fi des sanctions de la CEDEAO. Devant le fait accompli, elle était obligée d’accompagner la transition bissau-guinéenne jusqu’à sa fin.
Yoro SOW
Source : Inter de Bamako