Avec plusieurs questions au centre de cette tension : les autorités maliennes vont-elles conclure ce fameux accord avec une société du groupe militaire russe Wagner ? Des mercenaires russes vont-ils bientôt s’implanter au Mali ? Et pour faire quoi précisément ?
« Le Mali ne parait pas prêt à renoncer à ce contrat », affirme Jeune Afrique. « Mercredi dernier, le Premier ministre Choguel Maïga avait déjà prévenu : “Il y a des zones abandonnées qu’il faut occuper aujourd’hui. On ne peut pas les laisser vides. […] On ne peut pas nous interdire d’acheter du matériel à un pays avec lequel on a un accord parce qu’un autre ne veut pas ?” Sans désigner nommément la France, il avait ensuite ajouté : “on ne peut pas nous empêcher d’envoyer des gens être formés dans un pays donné parce qu’un autre pays ne veut pas. Ne faut-il pas avoir de plan B ?” Cela n’a pas empêché Florence Parly, la ministre française des Armées, de faire à nouveau preuve de fermeté, hier, lors d’une visite à Bamako, pointe Jeune Afrique. Elle a répété, avant de rencontrer son homologue malien, le colonel Sadio Camara, que la France “n’allait pas pouvoir cohabiter avec des mercenaires”. »
La France conspuée
Au Mali, certains médias emboîtent le pas des autorités militaires et critiquent vertement la position française : « Cette puissance [en l’occurrence la France] est en train de faire usage de pressions multiformes, s’exclame ainsi Maliweb, passant, souvent, par certains voisins pour arriver à ses fins, c’est-à-dire contraindre les autorités de la transition à renoncer à toute idée de déploiement des éléments de la société privée russe, Wagner. »
Toutefois, poursuit Maliweb, Bamako a l’appui de l’opinion : « Ils sont aujourd’hui nombreux les Maliens à se montrer favorables à la signature d’un accord de coopération militaire avec la société Wagner. Ce soutien populaire est un solide mur sur lequel le président de la transition peut s’adosser et décider. »
« Panique à Paris ! »
Inf@sept hausse le ton : c’est « le début de la fin de l’hégémonie française au Mali », s’exclame le média bamakois. « Dominatrice, exploiteuse, paternaliste, frileuse, tous les qualificatifs sont bons pour désigner la France, qui dans son complexe de supériorité, voire sa condescendance, veut continuer à soumettre les États qu’elle a colonisés à sa stérile et infructueuse domination. (…) Depuis l’annonce de la signature d’un éventuel contrat entre l’État malien et le groupe Wagner, c’est la panique à Paris, affirme Inf@sept, la France ne dort plus que d’un œil. (…) Du président de la République, Emmanuel Macron à son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, en passant par la ministre de la Défense Florence Parly, et le chef d’état-major des Armées, tous font feu de tout bois. (…) Toute cette agitation n’a pour seul but que de faire plier les autorités maliennes. Le président de la Transition, le colonel Assimi Goita, et son Premier ministre, Choguel Maïga, ne rompent pas pour l’instant et nous l’espérons pour toujours, s’exclame Inf@sept, pour l’honneur, la paix et la gloire du Mali. En somme, conclut le média bamakois, nous osons espérer que ce contrat (avec Wagner) sera non seulement signé, mais servira d’exemple pour les autres pays qui hésitent encore à s’affranchir de la tutelle de la France. »
Le Mali n’est pas seul au Sahel…
Le quotidien Le Pays au Burkina est dubitatif : « On est curieux de voir jusqu’où ira le bras de fer entre les autorités de la transition malienne et la France sur une question aussi sensible, qui va au-delà des relations entre les deux pays. Car, il faut le rappeler, Paris n’est pas seule dans sa croisade anti-mercenaires russes au Sahel. La CEDEAO, l’Allemagne, les États-Unis sont sur la même longueur d’onde que la France sur la question et l’ont déjà fait savoir publiquement. Bamako est donc prévenue du risque d’isolement qui la menace, si Assimi Goïta et compagnie venaient à succomber aux sirènes des Popov. »
Qui plus est, souligne encore Le Pays, « le sort du Mali est aujourd’hui lié à celui du Sahel et, surtout, le Mali est la porte d’entrée du terrorisme dans l’espace commun. C’est dire si par leur décision, Assimi Goïta et compagnie doivent prendre conscience des risques qu’ils font courir non seulement au Mali, mais aussi à la région du Sahel tout entière. »