Devant les cris de détresse des consommateurs maliens sur la cherté de la vie, L’Inter de Bamako a approché un éminent économiste africain qui nous livre ses impressions.
«Vous ne pouvez pas nier l’existence de fortunes colossales, de salaires exorbitants, de revenus vertigineux côtoyant la plus extrême pauvreté au Mali». L’argent liquide circule beaucoup ici c’est une des raisons de la montée des prix. Le Malien achète tout et n’importe quoi. Inégalité, insécurité, le parallèle me parait extrêmement instructif. Combien d’attaques à mains armées en plein jour à cause de l’argent frais et liquide ? Combien de kiosques Orange Money, de banques sont-ils attaqués en plein jour ? Combien de cars de transportant des passagers ont été dépouillés à l’intérieur du pays ? À cause de l’argent qui circule à flot, le Mali est devenu un véritable coupe-gorge. Notre capitale, Bamako s’est muée en un véritable marché commun pour Indiens, Chinois, Turcs, Marocains. Le Mali est un marché très important pour les pays de la CEDEAO et certaines sociétés françaises (Orange Mali), etc.
Le monde entier ou presque souffre aujourd’hui d’une inflation monétaire qui se traduit par une hausse incessante et généralisée des prix. Ce mal sévit aussi bien dans les grands pays industrialisés que dans les pays en voie de développement. Les uns et les autres essaient avec plus ou moins de succès de maintenir au-dessus de 10% le taux annuel de progression des prix: ils disent qu’ils veulent éviter une inflation des chiffres. Il y a eu des périodes de l’histoire humaine (fins de guerre, révolutions) où ces taux de progression ont été beaucoup plus élevés.
Si les prix montent, dit-on, c’est parce que l’État fait circuler plus d’argent qu’il n’a de richesse. Cette affirmation ne peut être admise que sous quatre réserves:
1) L’inflation n’est pas seulement l’œuvre d’une banque centrale émettant des billets, mais aussi de toute distribution excessive de crédit, pratiquée par d’autres banques.
2) Les émissions de monnaie bancaire (billets ou dépôts en banque) peuvent répondre aussi bien à des appels d’entreprises ou de ménages privés qu’à ceux des pouvoirs publics.
3) Ce n’est pas la monnaie émise qui cause l’inflation; c’est la monnaie qui, après avoir été émise, est redépensée par ceux qui l’ont reçue, et utilisée. On appelle cette monnaie (monnaie active). La monnaie thésaurisée au contraire porte le nom de monnaie «oisive».
4) La monnaie n’est source d’inflation que si les quantités présentées en vue d’achats progressent plus vite que celles des autres biens produits et offerts sur le marché. Ces quatre réserves étant admises, on peut facilement comprendre le mécanisme de la hausse des prix. L’inflation résulte d’un excès de dépenses publiques ou privées. Si les qualités de marchandises produites sont stagnantes ou augmentent relativement peu, tout accroissement de la monnaie mise à la disposition de l’économie permet une augmentation de la demande des marchandises.
Ainsi, les consommateurs vont vouloir acheter davantage, les firmes industrielles vont procéder à de plus importants investissements. Comme ces demandes accrues se heurtent à une offre stagnante, les prix vont monter. La hausse des prix sera générale, mais elle sera aussi inégale d’une marchandise à l’autre. Il y en a même qui ne monteront pas, comme par exemple le montant des fermages et des loyers, celui des intérêts à verser par l’emprunteur d’une dette contractée en unité monétaire officielle. Ainsi, en cas d’inflation, la monnaie a le pouvoir de modifier les relations entre les divers prix (ce qu’on appelle les prix relatifs) et donc les relations entre tous ceux qui participent à une activité économique. On dit pour exprimer cela, que la monnaie n’est pas «neutre». C’est pour cette raison que l’inflation est si troublante.
À cause de l’instabilité des prix, toutes les relations commerciales sont frappées d’insécurité. Il y a des profiteurs de l’inflation: les emprunteurs qui rendent en monnaie dépréciée ce qu’ils ont reçu en monnaie forte, les commerçants, qui bénéficient d’un accroissement de la demande de leurs produits. Mais à l’inverse, les victimes de l’inflation ne cessent de se plaindre du sort injuste qui leur est fait.
Quant aux commerçants, ils n’oublient pas que si l’inflation cessait, ils connaitraient une crise de mévente dont la gravité dépendrait de l’importance des stocks qu’ils auraient accumulés au temps de la prospérité. En cas d’inflation, les relations avec l’étranger sont encore plus bouleversées. Comme la monnaie nationale se déprécie par rapport aux marchandises intérieures, elle perd aussi une parte de sa valeur par rapport aux monnaies étrangères. Le plus souvent, cette perte est même plus rapide que l’autre, au moins en l’absence d’un contrôle des changes toujours périlleux.
En effet, le prix de la monnaie nationale par rapport aux monnaies étrangères s’établit sur le marché des «changes», marché particulièrement spéculatif, et soumis d’influences psychologiques. La peur d’une détérioration perpétuelle surtout d’une accélération de cette dépréciation, joue sur ce marché un rôle déterminant.
Réalisé par Amy SANOGO
Source : Inter de Bamako