Le président sénégalais Macky Sall est notre invité sur les antennes de RFI et France 24. Situation sécuritaire sur le continent, coups d’État au Mali et en Guinée, débat sur la question des mandats présidentiels, climat politique au Sénégal… Macky Sall, qui prendra la présidence de l’Union africaine en février prochain, répond aux questions de Charlotte Idrac (RFI) et Marc Perelman (France 24).
RFI : Vous vous apprêtez à prendre la présidence tournante de l’Union africaine, lors du Forum sur la paix et la sécurité qui vient de se tenir ici à Dakar, le président de la Commission de l’Union africaine a eu des mots sombres, il a affirmé que l’heure est grave, que jamais l’Afrique n’a été tant menacée. Est-ce que vous partagez ses inquiétudes ?
Macky Sall : Hélas, je partage ses inquiétudes, au plan de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme, le continent est aujourd’hui métastasé, d’abord dans le Sahel, dans le Bassin du Lac Tchad, Boko Haram, dans la corne de l’Afrique, en Centrafrique et même au Mozambique, et plus grave aujourd’hui, la lutte du Sahel est en train d’atteindre la côte océanique. Alors si l’on considère donc les conflits intérieurs, les coups d’Etat en Afrique de l’Ouest, nous avons deux pays qui ont été frappés, le Mali, la Guinée, en plus ce qui se passe au Soudan, la crise en Ethiopie, on voit qu’il y a quand même un tableau assez préoccupant.
Vous l’évoquiez, la menace jihadiste est aux portes du Sénégal, est-ce que vous craignez que votre pays soit la prochaine cible ?
Vous savez, mon pays comme tous les autres pays sont des cibles, mais nous sommes préparés à faire face quoi que cela puisse nous coûter.
Mais concrètement, est-ce qu’il y a eu des tentatives d’infiltration à la frontière avec le Mali, voire des tentatives d’attentat déjouées sur le sol sénégalais ?
Non, des attentats non, je ne dirais pas ça, il y a parfois des fausses alertes, mais ce qui est sûr, c’est que nous saurons être résilients pour défendre notre territoire national.
Il y a un élément nouveau, qui semble arriver au Mali, c’est la société de sécurité russe Wagner, pour Paris c’est « inacceptable », pour votre homologue ivoirien Alassane Ouattara ce serait un « suicide ». Est-ce que si cette société Wagner s’implante au Mali, c’est une ligne rouge pour vous ?
La sécurité se défend au niveau des États, ça c’est un principe. Mais il est clair que l’apparition d’une société privée va compliquer la situation du Mali. Le risque c’est de voir partir les forces françaises déjà, les forces européennes, c’est de voir aussi peut-être d’autres mesures prises, ce qui va entrainer nécessairement une dégradation très grave de la situation dans le Sahel.
Sur la plan politique, les autorités maliennes de transition ont déjà indiqué que les élections de février seraient reportées, malgré les avertissements de le Cédéao qui tient un nouveau sommet là ce dimanche. Demandez-vous des sanctions supplémentaires ?
Nous, nous disons que c’est en février les élections, s’ils nous donnent des arguments qui tiennent la route, nous devons pouvoir les accepter, si ils ne donnent pas d’arguments, nous en tirerons les conséquences, nous ne pouvons pas accepter que dans cette partie de l’Afrique des militaires prennent le pouvoir par les armes, ça ce n’est pas acceptable.
Ici au Sénégal le débat sur les mandats présidentiels agite aussi la classe politique, certains estiment que vous n’avez pas le droit de vous présenter à nouveau lors des prochaines élections prévues en 2024, est-ce que vous de votre point de vue, vous auriez le droit de vous présenter à nouveau ?
Ce débat, je le traiterai en temps voulu et les Sénégalais seront édifiés, ce qui est sûr c’est que je ne ferai jamais un acte qui soit anti-démocratique ou anticonstitutionnel. Maintenant je déciderai de parler quand le moment sera venu, pas maintenant, parce que si je dis « oui je veux être candidat » le débat va enfler, on ne va plus travailler, et donc il y aura de la matière pour les spécialistes de la manipulation, de l’agitation, si je dis « non », dans mon propre camp vous savez les gens ne travailleront plus non plus, tout le monde sera dans une dynamique tout de suite de se préparer pour l’élection, or, j’ai un mandat à exercer, je dois travailler pour le Sénégal donc je ne peux pas à trois ans, quatre ans de l’échéance satisfaire simplement la curiosité de ceux qui n’ont de centre d’intérêt que l’élection, ils attendront le moment que j’ai choisi ou le moment en tout cas pendant lequel ce débat va être inévitable.
Aujourd’hui c’est plutôt oui ou plutôt non ?
Non, aujourd’hui il n’y a pas de réponse, aujourd’hui c’est le travail.
Vous souhaitez rétablir le poste de Premier ministre que vous aviez supprimé en 2019, est-ce que cette décision finalement a été une erreur à l’époque ?
Je ne le pense pas, moi j’avais voulu en 2019 tester la gouvernance directe, aujourd’hui avec le recul et avec mes charges qui vont arriver et ce mandat de l’Union africaine, je compte le prendre à bras-le-corps, il va beaucoup me prendre de temps donc un Premier ministre dans ces conditions me parait être tout à fait rationnel.
Et à quel moment sera-t-il nommé ?
Il sera nommé après les locales.
Est-ce que vous l’avez déjà choisi ?
Certainement, dans la tête, mais vous savez tant que le décret n’est pas signé, rien n’est fait.
Source : RFI