En janvier 2013, bien malin qui aurait prédit que quelques années plus tard, la France sauveur d’un Mali aux abois face à l’avancée terroriste, se retrouverait dans une situation si peu enviable que celle d’aujourd’hui. C’est bien le cas depuis maintenant aux moins cinq bonnes années, et le point de non-retour semble avoir été atteint puisque la présence militaire française au Mali est sur une pente descendante.
Le 30 janvier 2013. C’est là, la date d’entrée des troupes Serval à Kidal, la grande ville du nord-est longtemps base des terroristes d’Ansar dine, et devenu tout juste après la reconquête le nouveau fief de la rébellion touareg. C’est également là, le point de départ d’une stratégie totale saugrenue de la France, alliant amateurisme, irrespect du pays concerné et aussi perfidie. Car selon toute logique, après la reconquête de Gao et Tombouctou en seulement 48 heures, FAMa et Serval devaient entrer ensemble à Kidal. Cela aurait mis un point final à une occupation qui aura trop duré et dégagerait une voie quasi royale à la normalisation et au grand retour de l’Etat partout sur le territoire. Mais non ! Vraisemblablement, les réflexes d’ancienne puissance colonisatrice sont tenaces. Et l’occasion était visiblement trop belle pour la France de ne pas profiter de la situation en vue très certainement de jouir des richesses du grand nord malien. Sous le prétexte fallacieux de craintes de violation des droits de l’Homme, il a été interdit aux soldats maliens de rentrer dans la « cité interdite ».
Et pourtant, aux premières heures de la reconquête, Laurent Fabius, ministre français des Affaires Etrangères d’alors, avait affirmé : « le dispositif français n’a pas vocation à être maintenu. Nous partirons rapidement ». Sept ans plus tard, la France était toujours militairement présente. Il était prévu une reprise en mains rapide de la situation par le Mali et les autres pays voisins. Preuve en est que la bonne foi en matière de diplomatie est peut-être une chimère.
La suite est dramatique. Des pourparlers de paix avec une minorité de rebelles n’ayant aucune légitimité pour représenter les populations du nord malien, ont été imposés au pays. A cause de cela, les rebelles qui, ne l’oublions pas, s’étaient alliés avec les terroristes d’AQMI coupables d’avoir égorger une centaine de soldats maliens à Aguelhok, se sont refaits une virginité. Le temps des négociations de paix, les groupes terroristes fortement atteints ont pu se remobiliser et étendre leurs malsaines tentacules dans le reste du Sahel. Une zone en proie à de multiples défis tels que la sécheresse et la précarité en plus du terrorisme et du banditisme. Résultats, en plus de Boko Haram qui sévissait déjà un peu plus à l’est, l’on se retrouve aujourd’hui avec au moins trois autres groupes terroristes (Katiba du Macina d’Amadou Kouffa, Ansaroul Islam d’Ibrahim Malam Dicko, Groupe de Soutien à l’Islam et aux musulmans GSIM d’Iyad Ag Ghaly, …). L’épicentre de l’extrémisme violent n’est plus le nord mais un peu plus vers le centre notamment dans la zone dite des trois frontières.
Comme le dit une phrase largement rendu célèbre dans le cinéma, de grands pouvoirs induisent une grande responsabilité. La France, pays majeur dans le concert des Nations, avec tout son arsenal militaire et son vécu diplomatique, ne pouvait-elle pas comprendre qu’un Etat même failli reste le pays d’une nation entière ? Devait-elle piétiner un pays qui était déjà à genoux en le mettant au même point d’égalité d’une horde de rebelles ayant les mains tâchées de sang et dépourvus de toute légitimité ? De plus, sur le plan géostratégique, pensait-elle qu’elle pouvait obtenir plus de retombées de la part de bandits armés que de la part d’un gouvernement légalement élu ? Autant de questions qui ne démontrent qu’un seul et même élément ; toute la disgrâce et le déshonneur dont souffre l’image de la France en Afrique et dans le monde, est tout à fait mérité.
A y analyser de près, l’échec de la stratégie militaire française au Mali relève aussi de l’ordre du relationnel et de l’affect. Il s’agit surtout de cette impression généralement ressentie par les populations maliennes et du Sahel en général que la Communauté internationale sous l’appui de la France, leur considère avec presque du dédain, ne fournissant pas réellement les efforts nécessaires pour comprendre les véritables enjeux.
La France après avoir quasiment relever un pays à genoux l’a vraisemblablement aussitôt enchainé les mains. Une gravissime erreur qui jeta un épais voile sur les relatifs succès militaires de Serval puis de Barkhane.
Ahmed M. Thiam
Source : L’Alternance