La diplomatie, sur fond de tension, a montré ses limites à un moment où les pays amis avaient besoin de se réconcilier dans le respect et la considération mutuelle. L’annonce du départ précipité de la France conduit les autorités maliennes de la Transition à marteler, à trois reprises, le souhait de voir déguerpir un invité jusque-là supporté.
Jugée inutile et dérangeante, la présence des soldats français n’est plus tolérée. La France doit quitter le pays « sans délai », a-t-on martelé trois fois. Les maliens, si on en juge d’après les reportages des chaînes nationales, sont aux anges. Les drapeaux de la France et de l’Union européenne sont aspergés d’essence avant d’être brûlés en direct.
La France, accusée de terrorisme ou d’amie de terroristes, se défend tant bien que mal. Maintenant, elle n’a plus le choix, elle doit partir et sans délai. D’aucuns estiment que le divorce est enfin consommé. On se demande toutefois si les parties n’auraient pas pu faire l’effort d’organiser le divorce à l’amiable. Cela aurait été faire preuve de maturité et d’amitié entre deux nationaux aux intérêts imbriqués.
Rappelons, par ailleurs, que le Mali a appelé et la France est venue. Si elle a été inefficace ou si sa présence n’est plus désirée alors les amies peuvent se séparer en bons termes. Or une rupture brutale sans concertations préalables laisse un goût amer. La France a mérité plus de gratitude. Et le Mali n’a pas démérité le respect dû à un Etat souverain. La réconciliation était donc possible et elle aurait eu pour effet la préservation des liens tissés depuis fort longtemps. Mais au lieu de cela, les deux pays, après un bras de fer forcé, ont été à l’écoute de la rue et des politiciens en quête de notoriété. Au lieu de chercher un terrain d’entente, mettre de côté leurs altérités réciproques, les autorités des deux pays ont sabré les efforts conjoints qui leur avaient permis de faire reculer le terrorisme.
Cette guerre asymétrique ne peut être gagnée que par le rassemblement et la résistance de toutes les forces éprises d’humanité et de liberté. Paris a eu tort de planifier un retrait, sans concertation préalable des autorités de la transition et au mépris de l’accord qui liait les deux États. Ce retrait aurait pu être discuté et organisé ensemble en faisant fi de la présence des russes. Il est vrai que Paris avait prévenu qu’une collaboration avec « les mercenaires », selon les autorités françaises, était exclue. Il est également vrai que l’exclusion du contingent danois a pu provoquer de la frustration chez les partenaires européens qui avaient tant sacrifié dans cette guerre. Mais tous ces points d’achoppement auraient pu faire l’objet d’une discussion entre autorités responsables et soucieuses de rétablir la stabilité au sahel.
Aussi la décision d’exiger le retrait, sans délai, des militaires français ne peut que surprendre. Les autorités maliennes, fort du soutien du peuple souverain, ont ouvert la voie à une rupture brutale des relations entre le Mali et la Communauté Européenne. Si la décision ne concerne que la France, on doit s’attendre à la fin de la mission de la Minusma et la réduction drastique des aides provenant de l’UE. Les crises socio-politiques et économiques pourraient prendre une ampleur insoupçonnée.
Nous pensons, sincèrement, que la liberté et l’autodétermination du peuple malien justifient tous les sacrifices. Mais une révolution ordonnée suppose l’adhésion du peuple entier, uni derrière ses autorités. Or, le pouvoir actuel est contesté par une partie des maliens farouchement attachée à l’idée d’un retour, sans délai, de l’ordre constitutionnel. Et cette absence d’unanimité constitue un obstacle majeur à la révolution initiée par les autorités de la Transition. Et cela, est d’autant plus vrai que le « Cadre” dit ne plus reconnaître le pouvoir en place à compter du 25 mars.
Dans la perspective de réduire les conflits socio-politiques, susceptibles de perturber les actions de la Transition, la publication d’un chronogramme des élections à tenir dans un délai très bref (12 mois) est primordiale. Ce nouveau délai pourrait bien être approuvé par la CEDEAO et permettre la levée de l’embargo. Cela apaisera les maliens et renforcera leur soutien aux autorités dont la légalité, quoique légitime, demeure contestée.
Vive le Mali !
Dr DOUGOUNÉ Moussa
Professeur d’enseignement Supérieur
Consultant Formateur auprès des entreprises et des banques
Source : Le Pélican