Antalya constitue la première sortie de Serguei Lavrov hors de Russie, de plus en plus isolée par les sanctions occidentales qui la visent, depuis le début de la guerre le 24 février. Il est arrivé dans la ville balnéaire turque mercredi en début de soirée.
Prudence et compromis
La Turquie, membre de l’Otan, est un allié de l’Ukraine à qui elle fournit des drones de combats. Tout en veillant à maintenir ses relations avec la Russie dont dépend étroitement son tourisme et ses approvisionnements en blé et énergie. Recep Tayyip Erdogan s’est d’ailleurs entretenu dimanche au téléphone avec le président russe Vladimir Poutine pour réclamer un cessez-le-feu.
Les pourparlers d’Antalya interviennent alors que la Russie a fait état mercredi de « progrès » dans ses discussions avec l’Ukraine à la frontière du Belarus, selon la porte-parole de la diplomatie russe. Maria Zakharova a également affirmé que la Russie ne cherchait pas à « renverser le gouvernement » ukrainien.
« N’abandonner ni Kiev, ni Moscou »
Les analystes restent cependant prudents alors que la guerre a déjà jeté plus de deux millions de réfugiés ukrainiens hors de leur pays. « Chaque effort peut aider mais je ne crois pas qu’il faille s’attendre à une percée immédiate » dans les négociations, a indiqué à l’AFP Aaron Stein, directeur du programme Moyen-Orient au Foreign Policy Research Institute. « Pour parvenir à un accord, les deux parties devront consentir des compromis douloureux », met également en garde Berk Esen, de l’Institut allemand des affaires internationales et de sécurité.
Recep Tayyip Erdogan peut se targuer d’être parvenu à organiser cette rencontre « en territoire neutre », poursuit Soner Cagaptay, chercheur associé au Washington Institute qui se dirait « vraiment surpris » si Antalya aboutissait à un accord. Il rappelle que d’autres dirigeants se sont impliqués dans le dossier dont le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre israélien Naftali Bennett. Sans résultat pour le moment.
Ankara s’en tient depuis le début à un délicat exercice d’équilibre entre les deux belligérants et maintient les canaux de discussion ouverts. « N’abandonner ni Kiev, ni Moscou » et « ne pas céder sur les intérêts de la Turquie », a résumé Recep Tayyip Erdogan aux premiers jours du conflit, tout en dénonçant une invasion « inacceptable » de l’Ukraine par la Russie.
Quels que soient les résultats de cette rencontre, elle constitue déjà « un succès diplomatique majeur » pour le gouvernement turc, en délicatesse avec les Occidentaux ces dernières années, ajoute-t-il.Il ne s’est en revanche pas joint aux sanctions occidentales, maintient son espace aérien et les voies maritimes ouverts à la Russie. « Cette neutralité active a permis de mettre la Turquie au centre du jeu diplomatique », estime Berk Esen.
Source: Nouvelobs