Une constance au Mali : les populations, chaque fois que leurs attentes ne sont pas comblées, ne tardent pas à pointer un doigt accusateur vers les plus hautes autorités du pays. Il n’est non plus ignoré de personne qu’une célébrité – politique ou autre – ne reste pas longtemps dans les bonnes grâces de ses compatriotes.
A peine émerge-t-elle que commencent à essaimer autour d’elle, des troubadours, mais aussi et surtout ses détracteurs prêts à lui faire la peau. Et de quelle façon ? Ses qualités sont oubliées. Ne sont plus vus que ses supposés défauts. On découvrirait volontiers des poux sur son crâne tondu.
Ailleurs où l’on tenterait d’égaler à défaut de surclasser celui qu’on jalouse ou convoite, ici les médisants et calomniateurs préfèrent se servir de leur langue bien pendue ou de leur plume tranchante pour faire de larges entailles dans sa réputation. Comme si cela leur procurait un quelconque plaisir ! Plusieurs responsables dans ce pays ont été ainsi adulés au départ avant d’être vilipendés et voués aux gémonies.
La descente aux enfers ?
Après l’euphorie suscitée par son historique déclaration devant l’Assemblée générale de l’ONU, qui a fait vibrer la fibre patriotique et panafricaniste de millions d’Africains à travers le monde, est-ce venu pour Choguel Kokalla Maïga le temps de la descente aux enfers ? A en juger par le ‘’Choguel bashing’’ dont il est, depuis, l’objet, on est tenté de le croire. Il est sous le feu nourri de tirs à boulets rouges à tout bout de champ. D’anciens camarades de l’homme exigent même son départ de la tête du gouvernement au nom, disent-ils, du consensus politique.
A son encontre sont égrenés tous les griefs depuis son choix comme Premier ministre, controversé au sein même du M5/RFP, le mouvement insurrectionnel à l’origine de la chute d’IBK, dont il était le porte –parole. Si la lutte unit, le pouvoir divise. Au fil du temps, cette hostilité en son endroit est allée crescendo au-delà même du M5/RFP.
Son ‘’incompétence’’ à prendre en charge les attentes prioritaires de ses concitoyens comme il s’est engagé à le faire dans le Programme d’action gouvernemental ? Il n’a même pas obtenu la moyenne de redoublement.
Les succès militaires sur le terrain pour recouvrer notre souveraineté territoriale et redonner aux populations éprouvées leur quiétude? Ils sont à mettre à l’actif des seuls militaires, croient savoir certains de ses compatriotes.
Son côté “clivant” qui ferait de lui ‘’le plus grand diviseur commun de ses compatriotes’’ pour mieux et longtemps les soumettre à son diktat sans passer par les urnes? Des adversaires politiques ne pensent pas autrement.
Sa défiance vis-à-vis du partenaire historique et sa préférence pour d’autres pays émergents ? Des choix hasardeux qui auraient aggravé la mal-vie de ses concitoyens, disent sans ambages les méchantes langues. Tout comme elles semblent lui en vouloir pour son train de vie lié à son statut actuel.
N’échappent pas non plus aux diatribes de présumées affaires au cours de ses fonctions antérieures et non élucidées, ou des affaires encore plus récentes dont cette nébuleuse des logements sociaux.
Le Choguel bashing a décidément bonne presse dans son pays, un pays où il est encore plus difficile d’être prophète. Même la vague nationaliste et panafricaniste soulevée par son intrépide prise de position passe aux yeux de ses détracteurs comme de la manipulation populiste ! Choguel passe aussi pour le restaurateur d’une dictature de sinistre souvenir caractérisée par une justice à deux vitesses.
Il est aussi censé être ennemi d’une presse libre sevrée depuis 4 ans de ressources étatiques, malgré sa notable contribution à la mission de service public de l’information, à l’absorption du chômage, au civisme fiscal avec le paiement de patentes et autres TVA.
En somme, Choguel Kokallah Maïga est l’acteur ou l’un des acteurs politiques les plus controversés du Mali. Aimé des uns, détesté des autres, il laisse difficilement indifférent.
Les premiers sont d’abord attirés par les compétences techniques de ce docteur-ingénieur en sciences et techniques des télécommunications, dont sa parfaite maîtrise est incontestable.
Ils sont aussi admiratifs devant le courage peu commun voire la témérité de ce jeune qui s’est révélé sous ce trait déjà aux premières heures de la IIIème République. Il a eu l’outrecuidance de ressusciter l’U.D.P.M dissoute avec l’abrogation de la Constitution du 2 juin 1974, synonyme de la fin de la IIème République. Cela au moment où de nombreux anciens dignitaires et compagnons de Moussa Traoré rasaient les murs bamakois et de l’intérieur du pays !
Face au refus du ministre d’Etat alors chargé de l’Administration territoriale, le regretté Mamadou Lamine Traoré – Bakoré – il est revenu à la charge avec son fameux MPR symbolisé, cette fois-ci, par un tigre débout à la place du lion, sigle de l’UDPM. Non sans revendiquer ouvertement l’héritage de Moussa Traoré, déclarant à qui voulait l’entendre que le bilan de ce dernier n’était point entièrement mauvais.
Des années durant le double mandat d’Alpha Oumar Konaré à la tête du Mali, Choguel Kokalla Maïga figurait parmi les opposants qui ont donné du fil à retordre au premier président démocratiquement élu.
Autre preuve de son courage hors du commun : la cosignature avec le célèbre universitaire et professeur de lettres, Issiaka Amadou Singaré, d’un livre de 451 pages publié en 2018 sur la ‘’Rébellion au nord du Mali, des origines à nos jours’’.
De la page 352 à la page 368, les deux auteurs s’interrogent sur ‘’la part de responsabilité française dans les rebellions touarègues’’. Et, de la page 371 à la page 385, ils se demandent s’il s’agit de véritables ‘’rebellions touarègues ou un complot contre le Mali’’.
‘’Dédicacé à tous ceux qui sont tombés pour la patrie’’ l’ouvrage a choisi pour préface un extrait du discours prononcé par Winston Churchill le 12 octobre 1942 dont l’essence ne diffère pas de la sagesse bamanan selon laquelle ‘’un bon diagnostic vaut mieux qu’une mauvaise thérapie’’.
Du Choguel bashing au Mali bashing
‘’La junte militaire’’, ‘’les autorités de fait de Bamako’’, ‘’les hommes forts du Mali’’, partenaires des sanguinaires mercenaires de la société paramilitaire russe Wagner, dont la boulimie pour exploiter les ressources minières maliennes n’a d’égale que leur instinct de tueurs de Maliens en flagrantes violations de droits de l’homme …voilà comment est vue l’actualité malienne sous le prisme des plumes et micro d’une certaine presse française.
Les mots, thèmes, angles de traitement… sont minutieusement choisis pour le besoin de la cause : un Mali bashing sans précédent pour châtier de leur témérité – en attendant peut – être de pouvoir les anéantir -ces dirigeants de fait qui ont eu le culot de s’attaquer aux oligarques français et leurs sbires.
Dèbè Tall
Source : Le Challenger