Adoption de la loi électorale par le CNT : Une « déculottée » pour Choguel K. Maïga et son gouvernement

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Choguel Kokalla Maiga
Choguel Kokalla Maiga

Déposé sur sa table par le gouvernement, le Conseil national de transition (CNT) a amendé en profondeur le projet de loi portant loi électorale avant de l’adopter le vendredi 17 juin. Une adoption qui s’est faite sans l’accord de l’exécutif. Ce qui constitue une déconvenue pour le Premier ministre Choguel K. Maïga et son gouvernement.

« À trop souvent souffler sur la braise on finit par se faire brûler les ailes ». C’est ce qui est arrivé au Premier ministre et à son gouvernement lors de l’adoption du projet de loi portant loi électorale par le Conseil national de la transition (CNT). Le vote de ladite loi a donné lieu à une véritable empoignade entre le gouvernement et le CNT, laissant transparaître des divergences de vue entre les deux institutions.

Jugé non consensuel et mortifère pour le Mali, l’organe législatif de la transition a apporté 92 amendements au texte proposé par le gouvernement en le modifiant en profondeur. Des amendements qui ont courroucé l’Exécutif.

Porteur du projet, le gouvernement, à travers la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des réformes politiques et institutionnelles, dit ne pas se reconnaître en l’état dans les amendements apportés par le CNT.

Fatoumata Dicko a affirmé que le gouvernement et le CNT n’ont pas la même vision de la refondation du Mali et a demandé une suspension de la séance afin de permettre à l’exécutif de prendre connaissance des amendements.

Les jérémiades du ministre de la Refondation, chargé des relations avec les institutions, Ibrahim Ikassa Maïga, n’y ont rien fait.  Le CNT est resté droit dans ses bottes et a procédé à d’une part à l’adoption des amendements et d’autre part à celle de la loi électorale.

« Le balayeur balayé »

Latente depuis des mois, l’adoption du projet de loi portant loi électorale a étalé au grand jour la crise entre le CNT et le gouvernement d’une part et d’autre part le M5-Rfp, du moins, pour ce qu’il en reste. Le mouvement de contestation contre le régime IBK accuse le CNT d’avoir vidé de sa quintessence la loi électorale (un crime de lèse-majesté). Celle-ci, il faut le rappeler, institue l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE).

À la rescousse du gouvernement, le M5-Rfp tendance Choguel K. Maïga, dans un mémorandum daté du dimanche 19 juin, demande au président de la transition de ne pas promulguer ladite loi. Assimi Goïta a huit jours pour promulguer la loi. Il peut décider de la renvoyer en seconde lecture.

En apportant des amendements au projet de loi, le CNT inflige un cinglant revers au Premier ministre et à son gouvernement qui voulaient faire un passage en force. « C’est tout simplement le balayeur balayé » selon l’expression utilisée par Dr. Mahamadou Konaté, chargé de cours à la faculté de Droit, qui accuse sans le nommer le chef du gouvernement de « faire un projet de loi taillé sur mesure ».

Choguel K. Maïga et les siens paient le prix de leur mépris envers une partie de la classe politique et de la société civile qui n’ont pas été consultées lors de l’élaboration de cette loi. Le Premier ministre paie aussi les conséquences de sa politique de propagande mise en place depuis sa nomination le 07 juin 2021 et sa défiance envers les membres du CNT.

D’ailleurs, il n’a aucun égard pour l’organe législatif de la transition accusé d’être illégitime et illégal. On se souvient que Choguel K. Maïga, président du comité stratégique du M5-Rfp, avait refusé de débattre sur RFI avec Souleymane Dé, président de la commission loi du CNT, au motif que celui-ci n’est ni légitime ni légal.

Des conséquences politiques à tirer

Le président du Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR) voulait se cacher derrière le fallacieux prétexte et concept creux de la refondation de l’Etat pour faire passer une loi taillée à sa mesure et aux conséquences incalculables pour le pays.

Se disant être avec le peuple, après avoir constamment rabâché les oreilles des Maliens avec cette rengaine, l’ancien porte-parole du gouvernement, sous l’ex-président de la République IBK, a fait fi du minimum de consensus politique pour gérer un pays. Mal lui en a pris. Ce qui est une faute politique pour un homme politique de son envergure, lui qu’on dit être très futé ou rusé.

Déjà fragilisés par les démissions en cascade au sein du comité stratégique du M5-Rfp, le Premier ministre et son gouvernement sortent très affaiblis du processus d’adoption de la loi électorale. C’est à la fois un véritable désaveu et un camouflet pour le Premier ministre et son gouvernement qui, la mort dans l’âme, ont vu leur projet de loi « mortifère » vidé de sa substance.

L’adoption de la loi par le CNT, sans l’aval du gouvernement, a des implications politiques. De deux choses l’une : soit les membres du CNT ont modifié le projet de loi sans l’aval du président de la transition, soit ils l’ont fait avec sa bénédiction. La 2e hypothèse, selon plusieurs sources concordantes, paraît beaucoup plus plausible.

Dans l’un ou l’autre cas, l’adoption de cette loi a des conséquences politiques auxquelles le colonel Assimi Goïta ne peut rester insensible. Car, sans être un devin, il est très difficile que le CNT et le gouvernement en l’état continuent à travailler ensemble. En ne le faisant pas, le Mali risque une crise institutionnelle entre le gouvernement et le CNT.

Abdrahamane SISSOKO

Source : Le Wagadu

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