Une semaine après l’interpellation de 49 soldats ivoiriens à l’aéroport de Bamako-Sénou, au-delà des salves verbales, du reste mesurées, des deux pays, du silence contradictoire de la Minusma et du hors sujet diplomatique de l’Allemagne qui ne parvient pas à diriger l’affirmation de la souveraineté de notre pays en son égard par les nouvelles autorités, on se pose toujours des questions sur le vrai fond de cette Affaire. À quelle condition la Côte d’Ivoire, un État prospère, la première économie de l’UEMOA, a-t-il accepté de mettre les soldats de l’armée régulière ivoirienne à la disposition d’une société privée pour la sécurisation de ses installations dans un pays étranger, à l’occurrence le nôtre ? Jusqu’où la Minusma est-elle trempée dans le deal qui aurait mal tourné ? Pourquoi la vertueuse Côte d’Ivoire n’a pu démentir jusqu’ici une seule charge de notre gouvernement et pourquoi l’Allemagne est la seule nation occidentale à demander la libération des 49 mercenaires ?
En effet, une semaine après l’ONU qui est en train de se démener dans ses contradictions par rapport au statut de ces soldats ivoiriens (à savoir s’ils sont un détachement NSE ou pas) n’a pas toujours officiellement demandé leur relaxe. Au contraire, après que le Président de la transition, le colonel Assimi Goita, ait rappelé à Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, le lendemain de l’interpellation des 49 soldats ivoiriens, la nécessité pour les partenaires de respecter notre souveraineté, l’ONU s’est empressée d’acter et d’avaliser la suspension des rotations des contingents de la Minusma décrétée par Bamako, ce jeudi 14 juillet 2022.
Informée jeudi matin de la décision prise, la MINUSMA n’a fait que prendre note, sans aucune protestation, mieux est prête à engager sans délai les discussions prévues par les autorités de la Transition. Quid du détachement ivoirien dont son porte-parole a dit que son existence est connue de la Minusma ? Motus et bouche cousue. La Minusma n’en pipe mot… tout comme la CEDEAO et la Côte d’Ivoire qui avait demandé la libération sans délai de ses soldats. Alors qu’est-ce qui se passe ?
Selon, les médias ivoiriens qui ont une longueur d’avance sur nous, notamment l’EnquêteMédia, l’affaire serait cousue de fil blanc : « le communiqué de l’État malien est vrai, sous toutes ses moutures. L’État-major ivoirien a nié avoir envoyé un contingent. L’ONU n’a aucune relève prévue et ce bataillon n’agit pas sous mandat. En publiant ce communiqué officiellement, le pouvoir malien est sûr de son fait ».
Pour les confrères ivoiriens, les 49 soldats auraient été envoyés au Mali pour des interventions « officieuses », contre rémunération. Toutes choses qui font d’eux des mercenaires comme l’a dit notre gouvernement. Il s’agit d’une affaire d’État montée depuis 2019, «dans un secret presque total ». L’opacité de l’affaire qui a fait que jointes sur les raisons de la présence sur notre territoire de ces 49 soldats, les autorités sécuritaires ivoiriennes étaient sur les dents, car n’en savaient rien. Elles ont affirmé à leurs homologues maliens que « personne n’était en mission au Mali pour le compte de l’État ivoirien et de l’ONU, en ce moment précis ». Chose que l’État ivoirien n’a jusqu’ici pas démentie.
Il s’agirait d’un « commerce juteux » entretenu depuis longtemps « contre espèces sonnantes et trébuchantes qui atterrissent directement dans la poche de quelques individus ».
Pour les confrères ivoiriens de l’Enquetemedia «ce n’est ni l’État-major, ni le Ministère de la Défense et encore moins celui des Affaires étrangères comme cela se fait dans le cadre d’une crise diplomatique d’une telle envergure qui produit le communiqué sommant l’État malien de libérer immédiatement les 49 soldats, mais le Conseil national de sécurité (CNS). Ce qui dédouane politiquement le gouvernement. Et Amadou Coulibaly le porte-parole du gouvernement lors d’un point de presse, face à la question relative à cet incident, s’en est remis au communiqué du CNS ».
Manque de pot, cette fois-ci le deal n’était pas bien scellé. Les limiers maliens ont fait craquer un des serveurs mal briefés qui s’est défaussé sur le ministre… faisant découvrir le pot aux roses. Comme quoi « mercenaires ivoiriens à Bamako », ce n’était pas une propagande, mais une bien triste réalité couvrant une sale affaire de gros sous. Ça va se savoir…
En attendant, pour préserver la face, pardon l’honneur et la dignité de chacun, le leader du GPS, Guillaume Kigbafori SORO, ancien Premier ministre, ancien Président de l’Assemblée nationale de la République de Côte d’Ivoire et Dr Cheick Imam Mahmoud Dicko, ancien chef de la contestation du régime renversé en août 2020 du président IBK, appellent au calme et à l’apaisement, ainsi que la Maison de la presse Mali. Si la MP et l’Iman demandent à faire confiance aux autorités nationales pour trouver une solution fraternelle, Soro lui suggère une médiation du Chef de l’État togolais M. Faure Gnassingbé et du Chef de l’État du Congo M. Denis Sassou Nguesso.
PAR MODIBO KONE
Source : Info-Matin