77ème Session Ordinaire des Nations-Unies : Les pays africains dénoncent leur exclusion dans les prises de décisions majeures

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Le continent africain avec ses plus de 54 pays est très peu considéré dans les prises de décisions définissant la destinée du monde. Les puissances font également faire par des chefs d’Etat africains, à travers des pressions, des choses qui sont en général rejetées par les opinions publiques africaines.  Ce sont ces pratiques qui ont été vivement dénoncées par le président Macky Sall et le ministre togolais des Affaires étrangères, Robert Doussey, lors de la 77ème session ordinaire de l’ONU tenue à New-York en septembre 2022. 

Le président Macky, dans son intervention, a invité le Conseil de sécurité à traiter de la même manière toutes les menaces à la paix et à la sécurité internationale, y compris en Afrique. Il a affirmé que le temps est venu, après 80 ans d’existence du système des Nations-unies et des institutions de  Bretton Woods, d’instaurer une gouvernance mondiale plus juste, plus inclusive et plus adaptée aux réalités de notre époque.

Rappelant qu’il est temps de vaincre les réticences et de déconstruire les narratifs qui persistent à confiner le continent africain à la marge des cercles décisionnels ; de faire droit à la juste et légitime revendication africaine sur la réforme du Conseil de sécurité.

Aussi, le président en exercice de l’Union Africaine, a-t-il rappelé la demande d’octroi d’un siège au sein du G20 à l’Union africaine pour que l’Afrique puisse se faire représenter là où se prennent les décisions qui engagent 1,4 d’Africains. Estimant qu’il est légitime, juste et équitable que l’Afrique, continent le plus en retard sur le processus d’industrialisation et le moins pollueur, exploite ses ressources disponibles pour disposer d’une énergie de base afin d’améliorer la compétitivité de son économie et réaliser l’accès universel à l’électricité.

En plaidant pour le financement du programme d’adaptation de l’Afrique aux effets des changements climatiques, le président Macky Sall a précisé que l’Afrique considère le financement de ce programme, non pas comme de l’aide, mais comme une contribution des pays industrialisés à un partenariat mondial, solidaire en contrepartie des efforts que fournissent les pays en développement pour éviter les chemins pollueurs qui ont plongé la planète dans un état d’urgence climatique.

Dans son intervention, le président Macky Sall a dit être venu porter le message d’un continent déterminé à travailler avec tous ses partenaires dans une éthique relationnelle de dialogue confiant et de respect réciproque.

Il a, en outre, souligné que l’Afrique a assez subi le fardeau de l’histoire et qu’elle ne veut pas être le foyer d’une nouvelle guerre froide, mais plutôt un pôle de stabilité et d’opportunités ouvert à tous ses partenaires sur une base mutuellement bénéfique.

« Cette Afrique de solutions souhaite engager avec tous ses partenaires des rapports réinventés qui transcendent les préjugés selon lesquels ‘’qui n’est pas avec moi, est contre moi. Nous voulons un multilatéralisme ouvert et respectueux de nos différences parce que le système des Nations Unies, né sur les cendres de la guerre, ne peut emporter l’adhésion de tous que sur la base d’idéaux partagés et non des valeurs locales érigées en normes universelles.

C’est en collaborant dans le respect de nos différences qui redonnera force et vitalité à la raison d’être des Nations Unies c’est-à-dire préserver les générations actuelles et futures du fléau de la guerre, promouvoir la cohabitation pacifique des peuples et favoriser le progrès en instaurant les meilleures conditions de vie pour tous » a-t-il insisté.

« L’Afrique actuelle n’est pas celle des années 1945 encore moins celle des années 1960 »

Le ministre des Affaires étrangère du Togo, quant à lui, n’a pas eu la langue dans sa poche pour dénoncer les pratiques susmentionnées dont l’Afrique est victime.

Dans son intervention, Robert Doussey s’est dit convaincu que les pays africains, ou l’Afrique en général, ne veulent plus s’aligner sur les grandes puissances quelles qu’elles soient et cela en raison de la défaillance du concept du multilatéralisme.

Le chef de la diplomatie togolaise a affirmé que le rôle assigné à l’Afrique en ce 21ème siècle est évocateur de l’image qu’ont encore certaines puissances du continent africain, uniquement leur zone d’influence.

Robert Doussey a également estimé que l’Afrique n’a pratiquement aucun impact sur l’ordre mondial actuel, alors qu’elle subit très drastiquement les conséquences des perturbations de la société internationale et qu’elle ne revêt aucun intérêt aux yeux de certaines puissances que lorsqu’elle se trouve en difficulté.

Ainsi, selon lui, il faut se préoccuper de la place que l’Afrique occupe sur la scène mondiale car l’Afrique n’occupe pas aujourd’hui la place qu’elle devrait tenir sur la scène internationale. Il a par ailleurs affirmé que la voix de l’Afrique, malheureusement, ne semble pas être entendue car certains ne veulent tout simplement pas que l’Afrique soit un continent fort.

Selon M. Doussey, certaines puissances veulent réduire l’Afrique en une entité purement instrumentale au service de leurs causes et ne veulent visiblement pas que le continent puisse jouer un rôle important voire un des rôles principaux dans le monde, et qu’ils se forcent le plus souvent à faire adhérer les Africains à leurs narratifs et les Africains servent utilement à soutenir un camp contre un autre.

« Quand il s’agit de voter une résolution, nous sommes activement sollicités d’un côté comme de l’autre ; l’Afrique est alors courtisée voire même mise sous pression par certains de nos partenaires », a-t-il noté.

Ces agissements qui relèvent d’une autre époque s’expriment dans un contexte historique où l’Afrique a pris conscience de sa responsabilité propre et parle de plus en plus d’une seule et même voix. Robert Doussey a aussi fait savoir que les fractures de l’époque coloniale entre une Afrique dite francophone, lusophone anglophone, arabophone etc., se sont amenuisées tout comme les idéologies post-guerre froide qui ont dominé toute la deuxième partie du 21ème siècle.

« Aujourd’hui, l’Afrique veut rester elle-même, à la vérité, l’Afrique est « africanophone ». L’Afrique actuelle n’est pas celle des années 1945 encore moins celle des années 1960, elle a aujourd’hui une multitude de nouveaux partenaires qui font partie intégrante de la nouvelle géopolitique internationale et non de deux blocs antagonistes qui ont structuré le monde après-guerre du 20ème siècle et l’Afrique ne peut, ne veut plus être le wagon d’une seule et même locomotive » a-t-il laisser entendre.

 Changement de paradigme sur la scène de la coopération en Afrique

Pour M. Doussey, beaucoup de pays africains ne se sentent en réalité trop liés, au sens d’embrigadement, par l’histoire coloniale et se montrent très enthousiastes à travailler avec de nouveaux partenaires.

« L’ensemble de ces changements, explique-t-il, liés à l’histoire elle-même mais aussi à la volonté manifeste de changement de paradigme sur la scène de la coopération en Afrique, devraient amener certaines puissances à un changement de logiciel si elles veulent continuer de travailler avec les Africains ».

À en croire le ministre Doussey, il y a un défi de changement de mentalité et de comportement chez les partenaires de l’Afrique qui viennent chacun, sans exception, en Afrique avec des agendas tous dictés par leurs propres intérêts. « L’Afrique, aujourd’hui, a-t-il affirmé, attend plus d’égalité, de respect, d’équité et de justice dans ses relations et partenariats avec le reste du monde, avec les grandes puissances quelles qu’elles soient. »

Pour lui, « l’Afrique doit être écoutée sur les grandes problématiques internationales mais cette écoute ne doit pas être simplement un ajustement des discussions car la voix de l’Afrique compte et doit compter si l’on veut avoir l’Afrique comme partenaire sur les grands sujets internationaux ».

Le ministre Robert Doussey a enfin expliqué que l’Afrique veut collaborer avec ses alliés sur la base de ses intérêts bien compris. Et, pour ce faire, « ses partenaires doivent se défaire des imaginaires qui ont été, en grande partie, forgés aux 19e et 20siècles, qui sont en dissidence manifeste avec le 21ème siècle où les défis nationaux ou régionaux ont des implications globales ».

Fadiala N. Dembélé                                      

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